« Sous le magistère de Macky SALL, le Sénégal est devenu un « bordel » administratif »
Dans l’énorme scandale des passeports diplomatiques, nous avons affaire à une bande de délinquants, et à un véritable système mafieux, organisé au plus haut sommet de l’état ; car au-delà des 2 députés passeurs de la mouvance présidentielle, Mamadou SALL et Boubacar BIAYE, d’autres députés dont le nombre reste à déterminer sont impliqués dans ce vaste et incroyable trafic, dont l’ampleur dépasse l’entendement. En réalité, l’affaire dépasse la sphère de l’assemblée nationale puisque des ministres parfaitement identifiés ont permis à certaines personnes (non ayants-droit) d’obtenir des passeports diplomatiques et sont mouillés par ce scandale inédit qui affaisse considérablement la république et éclabousse l’image et la réputation du Sénégal au niveau international. Dans cette affaire qualifiée de « passeporgate », la responsabilité du président Macky Sall est totalement engagée, car tous les passeports diplomatiques, délivrés sur « dérogation spéciale » sont accordés exclusivement par le président de la République, seul habilité à prendre une telle décision. C’est le cas pour les passeports diplomatiques délivrés aux anciens chefs d’Etat, aux anciens chefs de gouvernement, aux les anciens ministres des Affaires étrangères. Tous les passeports diplomatiques délivrés, sur dérogation spéciale, à des personnes qui ne sont pas ayants-droit, l’ont été suite à une décision expresse de Macky Sall. C’est clair, net et précis.
C’est humiliant et triste pour le Sénégal, mais le président (petit P) Macky Sall est un des acteurs majeurs de la fraude à grande échelle concernant la délivrance de passeports diplomatiques. En effet, nous sommes passés d’une dérogation spéciale qui devait concerner un nombre extrêmement limité de cas à une généralisation de la délivrance du passeport diplomatique : des militants de l’APR qui errent sans but en Europe, des filles de joie parrainées par des ministres, des journalistes (presse du palais), des chefs de quartier, des porteurs de voix , ou des candidats à l’émigration clandestine; de nos jours, n’importe quel saltimbanque ou va-nu-pieds traine avec le passeport diplomatique sénégalais dont la valeur est désormais équivalente à un chiffon de papier.
Sous le magistère de Macky Sall, le « bordel administratif » et la production de vrais faux documents atteint des niveaux insoupçonnés. Pour mémoire, afin d’accorder l’honorariat à Mme Aminata TALL, ex Présidente du Conseil Economique, social et environnemental, le régime a publié 3 décrets portant la signature authentique de Macky SALL, prétendant que les 2 n’étaient pas de Macky (décret n°2020-964, décret n°2020-964 bis, et décret n°2020-976). Ce qui prouve que la production d’authentiques documents (sur une base illégale) est une marque du régime actuel. Fermons la parenthèse.
Pour mesurer la gravité du scandale des passeports diplomatiques qui dépasse largement les frontières sénégalaises et dont les conséquences seront néfastes pour le pays et les détenteurs de passeport diplomatique, il convient de préciser l’objet et la finalité des « passeports dits passeports spéciaux ». Au Sénégal, c’est le Bureau des passeports spéciaux rattaché au Cabinet de la Ministre des Affaires Etrangères et des sénégalais de l’extérieur, qui instruit la délivrance de 2 catégories de passeport : les passeports diplomatiques et les passeports de service (le passeport diplomatique et le passeport de service ne doivent pas être confondus, car ils ne confèrent pas aux ayants droit, les mêmes privilèges).
Le passeport diplomatique a pour objet de faciliter les déplacements professionnels des ayants-droit. Il permet aux titulaires du titre ‘’de jouir à l’étranger de privilèges exceptionnels inhérents à leur statut juridique ou de mesures de courtoisie internationale attachées à leur rang ». L’immunité dont bénéficient les titulaires de passeports diplomatiques est attachée à leur fonction et non à la détention d’un passeport diplomatique. Il faut le marteler : la simple détention d’un passeport diplomatique, délivré dans des conditions opaques (c’est souvent le cas au Sénégal), ne donne droit à aucune immunité.
Le passeport de service est délivré aux hauts-fonctionnaires de l’Etat : gouverneurs, préfets, directeurs de service, chefs de service, et à des cadres de l’Administration envoyés en mission à l’étranger, et munis d’un ordre de mission. Les détenteurs de passeport de service peuvent bénéficier d’un visa de courtoisie. Le visa de courtoisie est un visa délivré à « des personnes qui, bien que ne pouvant prétendre aux privilèges et immunités diplomatiques, sont, en raison de leur poste ou du motif de leur voyage, considérées suffisamment importantes pour justifier la délivrance d’un visa en vue de faciliter leurs déplacements ».
Les 2 passeports sont des passeports spéciaux et sont délivrés par le ministère des Affaires étrangères et des sénégalais de l’extérieur pour une durée d’un an. Pour une demande de passeport diplomatique, le demandeur doit adresser une demande écrite (manuscrite) au ministère des affaires étrangères, et renseigner dument un formulaire délivré par le ministère. Par conséquent, la responsabilité du ministère des affaires étrangères, via le bureau des passeports spéciaux est engagée. Tous les agents du bureau des passeports spéciaux, doivent être convoqués et auditionnés par la police.
L’affaire des passeports diplomatiques est un gigantesque trafic international organisé par l’état, une mafia à grande échelle, avec des complicités à tous les niveaux de l’état et de la chaine administrative : jugez-en par vous-mêmes : 34 copies de passeports diplomatiques impliquant 2 députés passeurs, 31 mariages fictifs, des dizaines de fausses pièces d’état civil, 7 contrats de travail, 20 photocopies de cartes nationales d’identité, 7 relevés de comptes CBAO et Ecobank, 19 extraits de naissance avec les cachets des centres d’état-civil de Kédougou, Pikine et Médina Gounass, 13 relevés d’indemnités et j’en passe…Ces éléments saisis ne constituent que la face visible de l’iceberg , car l’ampleur du trafic est loin d’avoir livré sous ses secrets. A cela, il faut ajouter les centaines de passeports diplomatiques accordés sur dérogation spéciale, par Macky Sall, himself, pour des motifs politiques et électoraux.
L’affaire des passeports diplomatiques est un énorme scandale d’état. Dans une démocratie digne de ce nom, cette affaire aurait entrainé des élections anticipées. L’ex Député Doudou WADE a fait une révélation extrêmement grave, à SEN TV hier; une personne endettée aurait, proposé au créancier un passeport diplomatique comme mode de remboursement. Le summum de la déliquescence de l’état.
Les autorités françaises ont pris l’exacte mesure de cette affaire et ont annoncé une enquête pour situer les responsabilités. Il sera extrêmement difficile (pour ne pas dire impossible) pour le régime de Macky SALL d’étouffer l’affaire ou de fournir de fausses informations à l’état français qui dispose de canaux et des moyens pour établir la vérité. Macky SALL est mieux placé que quiconque pour le savoir.
Ne nous y trompons pas : le mutisme de l’état est un signe de faiblesse, un aveu de culpabilité et traduit une véritable panique du régime. Les conséquences pour les détenteurs de passeports diplomatiques seront terribles, malheureusement. Tous les passeports diplomatiques délivrés indûment doivent être restitués et invalidés, sans délai ». Tous ceux qui détiennent un passeport diplomatique et qui n’en ont pas droit risquent gros s’ils foulent le sol européen ou les USA. Les 2 députés passeurs et tous les membres de ce réseau criminel doivent être poursuivis, et placés sous mandat de dépôt, le temps de l’instruction (sans aucune possibilité d’obtenir une liberté provisoire). Un audit du nombre de passeports en circulation est un impératif, suivi de mesures fortes de rationalisation.
L’article 3 de la convention signée le 1er août 1995 entre la France et le Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes, et le décret n° 2002-337 du 5 mars 2002 portant sa publication dispose que « Sont dispensés du visa, les membres du Gouvernement et les titulaires de passeports diplomatiques ». L’alinéa 3 de l’article 15 précise que « ladite convention pourra faire l’objet d’une dénonciation qui devra être notifiée par la voie diplomatique six mois avant l’expiration de chaque période ».
Le régime doit agir vite et faire le ménage dans les plus brefs délais, car le Sénégal est dans la mélasse.
Seybani SOUGOU