Zemmour a raison. La France n’a pas dit son dernier mot. Après avoir passé une semaine en France, j’en suis revenu convaincu que le pays de Descartes a encore toute sa raison. Je parle du pays réel et pas celui des chaînes d’info en continu, qui vivent de la rente de la peur. Comme de grands enfants, ces chaînes d’info en continu jouent à faire peur, à se faire peur et finissent par avoir peur quand les sondages révèlent la percée de Zemmour, qui est la conséquence de leur instrumentalisation de cette même peur et des questions identitaires. Le couple chaines d’info en continu et sondages est une sorte de quadrature du cercle complètement déconnecté du réel. «La dictature des sondages vient d’enfanter la démocratie virtuelle», disait déjà Patrick Champagne, parlant du phénomène Balladur dans les années 90, en expliquant que le Premier ministre était le produit et le chouchou des sondeurs, avant que sa bulle sondagière n’explose au contact du réel politique.
Comme Balladur en 1994, Zemmour est le produit des chaînes d’info en continu et des sondages. Balladur avait sorti un livre, «Le dictionnaire de la Réforme», Zemmour fait la même chose avec son «La France n’a pas dit son dernier mot». Pendant longtemps, Marine le Pen était la diva des sondages, qui la plaçaient systématiquement au second tour avant que la bulle sondagière n’explose lors des dernières élections. Balladur résultait d’une «fabrique de l’opinion». Zemmour aussi va bientôt découvrir que le sondage n’est pas l’élection car, comme dit Champagne, «la plupart des questions posées par les instituts de sondage visent moins à connaître un peu la population qu’à lui demander ce qu’elle pense de performances médiatiques. Comment donc les agents de ce champ pourraient-ils s’apercevoir que ce qu’ils entendent dans les sondages, loin d’être la voix des peuples, n’est que leurs propres propos qui, à travers les médias, leur reviennent en écho».
C’est De Gaulle qui disait après sa retraite qu’il ne craignait pas «le vide mais le trop-plein». Plus sérieusement, l’entrée par effraction de Macron dans le jeu politique, sa victoire et l’irruption de Zemmour confirment que le clivage et le référent Gauche/Droite est mort de sa belle mort car, aussi bien à gauche qu’à droite on a à la fois paradoxalement, «le trop-plein» qui cache un «vide» abyssal sur le plan politique où le débat se réduit à l’immigration et à l’islamisme, avec une concurrence effrénée des chaînes d’info en continu sur les faits divers identitaires.
L’idée même de débattre du «grand remplacement» est la preuve que la Raison a quitté le pays de Descartes. Dans le pays de Descartes, le bon sens n’est plus la chose la mieux partagée. Si les Turcs, après quatre siècles de domination de la Grèce, n’ont pas réussi à islamiser ce pays, comment une ultra-minorité (les activistes islamistes) dans la minorité musulmane, va islamiser ou remplacer les 9/10 de la population, ou même procéder à une «épuration ethnique» comme l’a dit Gilles Platret, le porte-parole de Lr. C’est une simple question de bon sens. Quand on dit épuration ethnique, on pense d’abord à une majorité qui veut faire disparaître une minorité par la guerre ou un génocide. Ce qui est loin d’être le cas en France, mais quand on veut coûte que coûte attirer l’attention des médias, tous les moyens sont bons, même les plus ridicules.
Pendant que les Etats-Unis organisent du tourisme dans l’espace, Zemmour veut ramener la France à l’ère des Capétiens et de Charles Martel. La France se passionne pour le débat sur son déclin, les Américains élaborent des stratégies pour faire de ce siècle un autre siècle américain. Zemmour n’est pas le symptôme du déclin mais de la stagnation, car la France n’a pas dit son dernier mot. Elle le dira à l’élection, où on entendra le vrai peuple, pas celui virtuel des sondeurs.