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Amy Et Le Borom Bitik

Amy Et Le Borom Bitik

Léeboon…Lippoon…Il était une fois…Vous la connaissez tous n’estce pas l’histoire de la petite Amy (peu importe son prénom d’ailleurs) ? Mais si, voyons…Amy, la petite gamine de 9 ans, la benjamine de Mère Coumba, qui l’envoie quotidiennement chez tonton Borom Bitik…Lui, c’est le boutiquier du coin, père de famille respectable, bonne réputation. Des fins de mois difficiles ?

 Il est l’homme de la situachon (prononciation locale du mot situation), il vous fait crédit ! Du sucre, du riz, de l’huile ou du lait…Du savon, peut-être ? «Amul poroblem ku baax.» On dit de lui qu’il est généreux, qu’il a le cœur sur la main, que son truc à lui, ce sont les enfants : un bonbon, une pièce de monnaie, un clin d’œil, avec la bénédiction de mère Coumba ndeysaan et de ses gencives noircies. Tonton Borom Bitik est du genre taquin, il appelle Amy «séri coco» (ma chérie), c’est vous dire ! De temps à autre, il l’entraîne même dans son arrière-boutique, une chambre de fortune. On ne sait pas bien ce qu’il y fait, mais mère Coumba ne doit pas savoir. Ne prenez pas ces airs, vous savez bien de quoi je parle ! Dois-je préciser que ceci est de la fiction, inspirée de faits réels ?

En février 2014 (je n’invente absolument rien cette fois), une petite fille de 11 ans «a mis au monde des jumeaux» : on appelle cela une grossesse à la suite d’un viol. Vous cherchez le coupable ? C’était le boutiquier du coin. On raconte encore l’histoire de la fillette de 9 ans, décédée après ce qu’on va appeler son «accouchement». Je ne sais pas vous, mais je me demande ce qu’on peut bien dire à des petites de cet âge-là pour qu’elles supportent, endurent, assument ? Assumer quoi d’ailleurs, d’avoir été engrossée par le cousin, le tonton saï-saï, le frangin ou le papa ? On leur parle de quoi, au juste, de la vie, du sort, du destin, de Dieu ?

Les plus chanceuses (ceci est un euphémisme) iront voir le ou la psy sans comprendre pourquoi leur corps se métamorphose de la sorte, et si cela pouvait les rassurer, on a porté plainte contre l’abominable tonton saï-saï.

Les moins chanceuses ? On va régler ça voyons, un règlement à l’africaine : du nëp nëpël, beaucoup hein, et assez d’hypocrisie pour enfumer le voisinage. On envoie la pauvre petite chez la pas très douce bàjjen (la tante paternelle) qui lui rappellera toutes les 5 secondes qu’elle ne doit surtout pas montrer le bout de son…ventre, la honte ! Vous ne le voyez pas, mais je viens de lever les yeux au ciel. Dans la famille toujours, les plus inspirés s’empresseront de faire de la littérature : Amy souhaite se concentrer sur ses études, c’est pour cette raison qu’elle s’est rapprochée de bàjjen, cette année. L’honneur du clan n’est-il pas sauf ? Une petite mascarade et le tour est joué, et voilà comment Amy va passer de victime à coupable, emprisonnée dans ce corps qui n’est le plus sien, évidemment, emprisonnée dans ce carcan familial, cloîtrée entre quatre murs. Sans oublier tous les reproches : «Amy dafa précoce, Amy dafa wow bët» (Amy est précoce, Amy n’a pas froid aux yeux). Je vous rappelle que l’on parle bien d’une petite fille de 10 ans. Ou alors lui reprochera-t-on son penchant pour les jupettes. Mère Coumba, dans tout ça ? La négligence incarnée. «Borom Bitik» ? Un moment d’égarement ! L’argument imparable ? Cheytan ! Il a bon dos, pas vrai !

Et puis sax, si tout va bien, Amy aura 17 ans quand son petit garçon en aura 7. Vous appelez ça comment, vous ?

Pendant ce temps, par ici, dans la vraie vie, loin de cette fiction inspirée de faits réels, on blablate, du verbe blablater, on invoque Dieu et la morale pour contraindre une fillette qui n’a rien demandé, à porter le (mettez-y ce que vous voulez, je suis perdue) de «son» violeur. On lui pardonnera à ce pécheur invétéré ? On en fait quoi de cet énergumène, dites-moi !

Si vous êtes du genre à aimer la radio ou la télé, vous avez dû entendre parler d’«avortement médicalisé» ; pour les victimes de viol ou d’inceste, ou s’il y a un risque pour la maman ou le fœtus.

En attendant, on fait déjà dans l’avortement clandestin (ne prenez pas ces airs je vous prie) : une décoction de guérisseur soigne-tout, digne héritier de son grand-père, un comprimé, une injection, allez savoir… Euh, et je ne sais pas si vous savez, mais on fait aussi dans l’infanticide, mais chut, tonton Mame Mactar Guèye Jamra (cela fait désormais partie de son patronyme) n’aime pas que l’on parle de «contraception», ni d’«espacement des naissances» d’ailleurs. On avait dit que ce serait encadré, dit-il, mais pas du tout, c’est la porte ouverte à la débauche ! (Vous pourriez essayer de lire ce passage à haute voix, avec la voix de MMGJ ?)

En attendant, on lui dit que les petits jeunes de 15 ans jouent déjà à papa et à maman ? En attendant toujours, c’est toujours aussi mal vu d’être une fille-mère. Qu’est-ce qu’on dit quand c’est un garçon ? Il n’y a pas de version masculine de la fille-mère ?! «C’est pas juste !»

Euh, je vous aurais bien raconté la dernière mésaventure de mon chien, victime d’un délit de sale gueule, littéralement, mais nous nous connaissons à peine.

P.S. : Si vous avez besoin d’une mise à jour, pour la série «Infidèles», ou pour «Maîtresse d’un homme marié», veuillez-vous adresser à tonton Mame Mactar Guèye Jamra : il est incollable sur le sujet. Allez, à jeudi !







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