À la page 1069 de Larousse (édition 2008), il y a la 22e lettre de l’alphabet : V. À la première colonne de cette page, il y a cette interjection familière et familiarisée par le cinéma : vingt-deux ! Juste à la colonne suivante de la même page, il y a un mot objet et sujet de tous les fantasmes malgré lui, de toutes les interprétations : violence. Pourquoi les onomatopées sont-elles révélatrices des grands mensonges de notre société ? L’actualité politique (les locales) veut faire de toi ; non ! de ton nom, le chiffon rouge anesthésique de ta vérité : tu es fondatrice et motrice de la vie…
Que l’on m’excuse (ou pas) des allers-retours autour desquels ce texte est construit, entre la « bible » Larousse, l’histoire mouvementée du mot « violence » et les interprétations multiples subies à son corps défendant.
Vingt-deux donc. De V, comme Violence. Si on en croit le Larousse, cette interjection (vingt-deux), familière et familiarisée dans notre quotidien par le cinéma, aurait rapport à « l’inopiné » et à la police. En effet, il indiquerait un « danger immédiat », « imminent » ; l’arrivée inopportune de quelqu’un, en particulier de la police. Acceptons pour le moment cette définition de « Vingt-deux ». Sa corrélation avec la violence et surtout la présence de la police dans la survenance de la violence. Même si, à notre avis, cette définition de la violence est très… contemporaine. La violence, comme on le verra plus loin, est plus vieille que la police dans la société dont elle semble faire le bras armé…
V comme violence ! Les respectables rédacteurs de Larousse, tout à leur pédagogie de ne pas faire peur ou d’enlever à ce mot sa charge de… violence, nous tendent une laisse : Violence donc : « caractère de de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec une force intense, extrême, brutale ». Exemple : « tempête d’une brutalité extrême ». Cette définition semble renvoyer la nature de la violence à l’animalité, aux actes brutaux liés à la nature primale, première, primate, de notre humanité. De ce point de vue, elle met en pièces toutes les théories, voire les soupires désespérés d’un passé de paix, de sociétés de paix d’antan, de lustres (revenir au lustre d’antan, tu parles !) qui n’ont jamais existé…
L’humanité ne s’est pas construite par des tapes amicales, encore moins par une paix (« pax ») naturelle qui serait propre à l’humain. Toute l’histoire de l’humanité atteste une vérité fondamentale : elle s’est construite sur la violence, faite de violences brutales et…pacificatrices. Qu’elle soit animale dans l’évolution de notre longue humanité ou humaine, quand nous basculons après un long processus, dans notre humanité que nous connaissons aujourd’hui, les violences ont balisé notre évolution. Toute notre histoire humaine hurle de violence, expulse des laves de violences. Et son moteur depuis n’a jamais varié pour son but : la survie. Parce que la vie cohabite, s’accommode mal avec la rareté, l’insuffisance, voire l’accaparement, l’usurpation des moyens de vie, de vivre (des vivres donc) par une partie (la minoritaire) du groupe de la meute, de la société. La survie, la lutte pour la survie, du groupe, de la meute et plus largement du plus grand nombre, implique et impose la violence contre les prédateurs. D’hier à aujourd’hui…
Kaleidescope
Essayons maintenant de voir s’il y a corrélation entre 22, ses modes de manifestation et V, la Violence et ses formes multiples de manifestations ; celles qui sont dites « légitimes », voire « légales » et celles sauvages, inacceptables, parce n’étant pas frappées du sceau légitimés et légalisés par les usurpateurs du pouvoir, des pouvoirs (économique, politique, social) par moult manipulations et tours de passe-passe institutionnels, légalisés par des institutions qui souffrent de forts liens de dépendance de tous ordres, avec les classes dominantes…
Disons le net : les rapports de forces seuls, légitiment et légalisent la violence et la justifient. Et les formes et manifestations des rapports de forces sont aussi diverses que leurs interprétations.
Un taxi renverse et tue un gamin au détour d’une ruelle mal entretenue ; un pneu d’un car rapide explose, fait des tonneaux et occasionne des morts et des éclopés à vie ; un camion fou percute une maison ou les étals d’un marché avec bien sûr des dégâts humains et matériels ; un marché brûle et emporte les économies et espoirs de centaines de vies ; Modou dort et se réveille chaque matin avec ses deux épouses et leurs .. (?) enfants dans la même case ; au petit matin il fuit la « maison » parce qu’il n’a rien à donner à manger à sa famille… Un citoyen veut exprimer sa colère contre son patron, son gouvernement en usant d’un d’hôpital que lui reconnaît (croit-il) le texte fondamental de son pays : il est roué de coups de crosses de fusils des « gardiens de l’ordre », piétiné dans le panier à salade en route pour le cachot du commissariat ou de la gendarmerie : il y meurt sur la route de l’hôpital ou au service des urgences…100, 200, 550 travailleurs, chefs de famille ou célibataires en attente de fonder un foyer voient leur outil de travail fermé par un patron qui a dilapidé les ressources de la boîte et les jette, non pas sur la paille qui est somme toute douce, mais sur le chaud macadam des rues dont du reste, les « forces de l’ordre » lui interdisent l’usage pourtant légitime. Alors de quoi toutes ces violences-là parlent ? En quoi sont-elles illégitimes et illégales ? Qui en décide ? Qui les justifient ?
Liberté, égalité..abus de pouvoir
Il y a une propagande insidieuse, mensongère, idéologiquement envahissante qui se distille à longueur de journée, de commentaires de commentateurs et autres analystes, généralement bien appointés : certains hommes, politiques notamment, seraient foncièrement violents, antirépublicains, voire terroristes et rebelles le couteau entre les dents, ou le kalach entre les mains durant leurs manifestations. Ils seraient des nihilistes obtus ignorants des lois et règles de la République et de la démocratie. Une mauvaise engeance à extirper du paysage politique, avant que l’occasion se présente pour les exterminer…
Ainsi donc, l’opposant X n’aurait pas le droit d’aller rencontrer qui il veut, en l’occurrence une association légalement reconnue (ni rebelle ni terroriste) étant légalement domiciliée dans une rue d’un quartier, en face de la maison familiale de monsieur le DG… Ainsi donc, garer leurs véhicules dans cette rue, devant (coïncidence) le siège de l’association et le domicile du DG seraient une « provocation », un casus belli et donnerait le droit aux jeunes partisans du DG habitant le quartier de venir expulser manu militari ces indésirables, avec des armes blanches… Que l’on sache, il n’y a pas encore de panneaux signalant « interdiction de stationner, de se réunir ici, devant le domicile du DG X ». « Toute contravention fera subir au contrevenant, acté comme terroriste, violent, avec des connexions (fantasmées) avec des rebelles », la bile des courtisans et leurs baves assassinées, avant de subir le sabre sélectif de la loi…
On peut se boucher les yeux, les oreilles, la bouche, les puanteurs qui émanent de notre société franchiront toujours nos narines pincées, pour se loger dans les limbes de notre cerveau. Faisons en sorte que cela n’altère pas les circuits de notre cerveau pour nous permettre de circonscrire V, vingt-deux, dans leur champ conjoncturel de leur manifestation : une campagne électorale. Et les circonscrire dans cette zone de toutes les convoitises, légitimes des ambitions : un moment de la vie d’un pays.
Le pays n’est ni plus ni moins violent qu’hier. Aujourd’hui n’est pas plus dangereux qu’hier ; un hier qui n’a jamais été un havre de paix ni un lustre perdu et qu’il faudrait retrouver.
Et ceux qui profitent de ça pour appeler au retour de la peine de mort sont le produit de manipulations de groupements d’intérêts occultes qui luttent contre l’évolution de notre pays et de notre société…
On ne peut terminer ces réflexions sur la violence sans rappeler certaines violences qui ont accompagné la marche de notre « humanité », qui a été tout sauf paisible ni…morale.
Des guerres des religions aux conquêtes coloniales, des deux boucheries de 14-18, 39-45, en passant par l’intermède de la révolution soviétique de 1917, la guerre froide et le partage du monde, aux dictatures afro-latinos, et autres guerres de densité différente, notre histoire est celle de violences dont le fil conducteur semble être : la survie. Survie de féodalités, survie de religions aux visées évangélisantes ou islamisantes ; de lutte de classe entre ceux qui ont le plus ou tout et qui veulent le garder, ou ceux qui ont peu, si peu, ou rien, et qui veulent en avoir, pour sortir de leur état d’infra-humain. Chaque camp avec ces alliés et ses idéologues, ses vérités et ses mensonges. Les jurés armés. Et comme toujours dans l’Histoire, seuls les rapports de forces en détermineront l’issue. Les vainqueurs écriront, réécriront l’Histoire, l’histoire de ces odyssées.
Et pour terminer sur …une ouverture périlleuse, mais combien vraie, du directeur de cabinet politique du président Macky Sall à Mbour le week-end dernier : les élections à venir ne sont pas des élections comme les autres, elles ne sont pas locales, elles détermineront le futur immédiat du pays. Et la candidature ou non pour le troisième mandat. Il fait bien allusion aux fameux rapports de forces dont on parlait plus haut. Si la majorité est vaincue, à plus forte raison défaite, ils n’auront aucune légitimité populaire pour affronter les vagues contestataires qui s’opposeront au troisième mandat. S’ils gagnent par contre, même sans raz-de-marée, ils tenteront un passage en force. Il faut toujours prêter une oreille attentive au théoricien des coups d’État, rampants, debout, etc. Il vient de dire tout haut ce qui se concocte, se prépare, dans les officines et cercles du pouvoir et sa périphérie. Aussi, je suis étonné du traitement à minima de ce pavé par la presse (la presse dite significative), et encore plus par le silence bruissant de l’opposition qui semble engluée dans la confection de ses listes.