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Chine-usa, La Bataille De L’empire Du Milieu

Chine-usa, La Bataille De L’empire Du Milieu

Le Secrétaire d’Etat, Antony Bliken, va terminer sa tournée africaine par Dakar, la seule étape francophone, comme le font aussi les Présidents américains lors de leurs tournées africaines. Les Chinois ont aussi choisi Dakar pour organiser le Forum Chine-Afrique. Ainsi, Dakar devient, comme à son habitude, un carrefour diplomatique, confirmant le statut d’Etat-pivot du Sénégal dans la sousrégion. Dakar, la capitale d’un Etat-pivot de l’Afrique de l’Ouest, comme Nairobi en Afrique de l’Est, ne peut être qu’au centre des luttes de pouvoir et d’influence qui opposent les Etats-Unis et la Chine. Une bataille mondiale pour être l’Empire du milieu.

Pour la cosmogonie et les géographes chinois, la Chine ne pouvait être que le centre du monde et tout l’univers devait tourner autour d’elle, d’où l’appellation historique d’Empire du milieu. Quand on dit Empire du milieu, on pense donc naturellement à la Chine, mais, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis sont devenus, de fait, l’Empire du milieu. Cette centralité des Etats-Unis dans les relations internationales a été très bien décrite par Pierre Melandri et Justin Vaisse, un de mes anciens profs à Sciences Po, dans leur livre «l’Empire du Milieu : les Etats-Unis et le monde depuis la fin de la seconde guerre mondiale».

Depuis son boom économique et s’appuyant sur son histoire, la Chine aspire à reprendre sa place d’Empire du milieu. Elle a beaucoup d’atouts sur les plans économique et militaire, mais la question politique reste son talon d’Achille. C’est-à-dire, comment gérer une économie moderne, ouverte sur le monde, avec des libertés publiques qui datent de Mao, à l’ère de Google et Twitter ? Pendant combien de temps, les Chinois, qui vont de plus en plus s’enrichir, découvrir le monde en réel et en virtuel, vont-ils accepter que les libertés soient sacrifiées à l’autel de la Raison du Parti qui n’est communiste que de nom.

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Cette absence de libertés politiques et publiques, qui a fait la force de la Chine dans sa longue marche vers l’émergence, va devenir son principal talon d’Achille. Le 19e siècle a été européen, le 20e a été américain et le 21e a débuté avec une autre «guerre froide», pour un autre siècle américain ou un nouveau siècle chinois. En termes simples, pour Pékin, la «naissance» de la puissance chinoise devrait entraîner inéluctablement le «déclin» de la puissance américaine, pour reprendre l’idée centrale du fameux livre de Paul Kennedy, «Naissance et déclin des grandes puissances». La thèse de la Chine, puissance du 21e siècle, est très séduisante, mais le nouveau siècle sera encore américain (d’ailleurs le think tank Project for a new American Century a été mis sur pied uniquement pour y réfléchir) parce que les Américains ont toujours réussi à éviter la cause principale du déclin de tous les empires (de l’empire romain à l’empire soviétique) à savoir «des guerres longues et coûteuses, des difficultés économiques (entre autres) finissent par entraîner le déclin des plus puissants pays» et ont, depuis la fondation de l’union, «privilégié la prospérité économique qui est la première cause de l’émergence des grandes puissances»

Pour la prospérité économique, l’Amérique est le seul pays au monde à avoir constitutionnalisé «la recherche du bonheur» et à ériger l’optimisme au rang de fête nationale, avec la Thanksgiving. En ce qui concerne les guerres longues et coûteuses, l’Amérique de Biden s’est retirée de l’Afghanistan et a commencé le processus en Irak. Donc P. Kennedy a eu raison avec la chute de l’empire soviétique, mais la survie de l’empire américain va montrer qu’il a eu tort. Les «déclinologues» recrutent aussi l’Allemand Spengler, avec «le déclin de l’Occident», pour annoncer le déclin inexorable des Etats-Unis. Or, la thèse centrale de Spengler, à savoir «la démocratie est la forme politique du déclin», a montré ses limites.

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La démocratie et la liberté constituent les sources à la fois de la puissance américaine et le plus grand rempart contre le déclin. Ce qui est le contraire de la Chine, un pays qui «censure Google» et Weiboo, le Google chinois, parce qu’une tenniswoman a dénoncé un cas d’agression sexuelle. Le problème fondamental de la Chine est loin d’être Hong-Kong ou Taïwan, mais comment éviter, ad vitam aeternam, la «cinquième modernisation» (la démocratie et les libertés) qu’exigent les dissidents, après les quatre autres impulsées par Deng, à savoir l’agriculture, l’industrie, l’Armée, la science.

La Chine est enfermée dans un grand dilemme : plus le pays va s’enrichir et s’ouvrir au monde, plus l’absence de liberté et de démocratie deviendra insupportable. Thomas L. Friedman, éditorialiste au New York Times, résume très bien les rapports entre la Chine et les Etats-Unis, en disant «les ipod et les iphones sont fabriqués certes en Chine, mais l’idée vient toujours des Etats-Unis». Entre les Etats-Unis et la Chine, vous avez toute la différence entre un ingénieur de conception et un ingénieur d’exécution.

La Chine est l’usine du monde et donc le plus grand marché de la sous-traitance et de la contrefaçon, mais les idées et les capitaux viennent, pour la plupart du temps, de l’Occident. Etant donné que «les idées gouvernent le monde», comme le dit le penseur américain Ralph W. Emerson, aussi longtemps que l’Amérique continuera à avoir ce système liberal qui lui permet de s’adapter aux crises économiques et qui lui permet d’avoir la moitié des prix Nobel, dont une grande partie est d’origine étrangère, elle va être l’Empire du milieu.

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Spengler écrit dans son livre, «nous autres Allemands, nous ne produirons plus un Goethe, mais un César». L’Amérique produit des «Goethe» en série, comme Bill Gates, Larry Page et Serge Brin, les deux étudiants qui ont inventé Google, Steve Jobs qui a inventé l’iphone, alors que la Chine produit les «Césars» qui domptent la main d’œuvre pour les produire en quantité industrielle, à bon prix pour les mettre sur le marché mondial. On voit nettement où est le centre et où est la périphérie, d’où la rapidité de l’émergence économique chinoise qui, en mois de 50 ans, a quitté le «Tiers monde pour le Premier monde», pour citer le livre du très libéral, Lee Kwan Yeuw, de Singapour, qui a été l’inspirateur de Deng Xiaoping pour les reformes et l’ouverture économique

Dans la bataille pour l’Empire du milieu contre les Etats-Unis, il reste à la Chine la «cinquième modernisation», mais aussi et surtout le «soft power» qui est l’avantage absolu des Etats-Unis, qui ont réussi à «universaliser» leur culture grâce, non pas à leur armée, mais à Hollywood et aux séries télévisées. Kim Kardashian et Brad Pitt sont plus efficaces que des bataillons de marines pour l’influence des Usa et l’auto-colonisation culturelle. Sur ce plan, la Chine à plus que besoin d’un grand bond en avant.







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