Des compatriotes très touchés et compatissants nous écrivent ou nous disent, face aux impacts tragiques du port de Ndayane : « c’est le prix à payer » ! Si c’est le prix à payer, nous laisserons le temps et l’histoire le payer plus que nous ! Aujourd’hui, janvier 2022, nous ne payerons cash qu’avec nos cris de citoyens dépossédés, humiliés, vaincus par la puissance publique, égorgés debout !
Puisque le Président veut ce port, soit ! Notre « patriotisme d’État » l’accompagne et s’arrête à bénir ce projet hâtif et contesté qui couvre à la fois Ndayane-Popenguine-Toubab Dialaw, sur ce qui nous reste de réserve d’oxygène et d’éblouissement, à moins d’une heure seulement de Dakar. Ne pas rejeter le projet est un respect dû à l’État. A son chef. Bargny déjà agonise. Sendou agonise. Rufisque si belle, coud ses haillons et évente, épuisée, ses caniveaux puants. Guerreo, la Somone, Ngaparou, Mbour, Joal, menacés par le dragage de 18 mètres de profondeur du port de Ndayane, en plus d’une digue de 3 km avec « un recul de trait de côte, une disparition de la lagune de Somone. Tout cela sans études jusqu’ici révélées ni simulation des risques ».
Il serait temps d’arrêter les meurtres. Le port de Ndayane se construit sans qu’aucune étude d’impact environnemental ne soit à ce jour disponible. Le maire de Ndayane acculé par huissier, demande d’aller voir du côté du DG du port de Dakar. C’est peine perdue. Servant le roi, le monsieur du petit port s’est fait roi. Il évite toute rencontre avec les soi-disant opposants au port. Se photographie avec ses seuls partisans. Distribue du poisson et des vaccins contre le non au port de Ndayane. Occupe le JT de la RTS quand il sent l’heure de la propagande sonner. En somme, il fait fort bien son job. Il est dans son rôle. Tout autre que lui ferait autant ou se démettre. Mais seul le vrai roi décidera. Celui de la République. Nous, nous venons avec des brassards blancs. Surtout que le blanc lui va !
Si par respect des choix de la République et de son Chef, nous disons, vaincus et sans avoir d’autre choix que celui de la République, « bâtissez donc votre port », par contre, nous refusons d’être des citoyens abusés et chassés de nos terres par d’autres citoyens, fonctionnaires d’État, qui déjà reconnus comme de redoutables et insatiables pirates, prédateurs intouchables, trompent toujours la vigilance du Président.
Une réunion présidée par le Président lui-même avait fixé, en dehors de la superficie en mer du port de Ndayane, des expropriations à l’intérieur des terres ne dépassant pas 450 à 500 hectares. Puis un décret présidentiel terrifiant, mortel, carnivore est tombé pour exproprier 1200 hectares de terres ! Que s’est-il donc passé pour que le Président ait subitement varié pour une superficie si stupéfiante et qui laisse bouche bée ? Unique exemple au monde pour l’édification d’un port à containers !1200 hectares, soit près de 250 terrains de football, sont ainsi saisis pour le projet du port.
Nous avons peur, pour le dire de cette manière en étant point dupe, que ces 1200 hectares partiront subtilement entre les mains de brigands sans âme souvent démasqués, se cachant sous le prétexte d’ériger une zone économique adossée au port de Ndayane. L’affectation de la zone des filaos qui a fait tant de bruit et sur laquelle le Président est finalement revenu pour arbitrer, est une preuve flagrante de ce que certains services de l’État osent faire. Le Président ne peut pas toujours tout savoir. Ou s’il sait, c’est toujours après, quand les hyènes repues, dorment.
Ce n’est pas vrai qu’un Chef d’État sait tout ! Nous le savons pour avoir été avec d’anciens Présidents aux confidences poignantes et si surprenantes. Si l’histoire était à refaire, elle n’aurait pas pris le même chemin. Il est de notre devoir alors de protéger notre Président. Mais comment, quand il est cerné dans un palais insonorisé ? Mais ne peut cerner Macky Sall qui veut à moins de laisser croire qu’il est cerné ! Du moins, c’est ce que l’homme nous donne de croire !
Disons-le tout de suite, sans hésiter et cela nous engage et nous engage seul : notre affection est totale pour le président de la République. Elle sera sans ride. Ce n’est pas un risque. C’est notre choix. Que chacun garde le sien. Ce choix n’est pas politique. Il ne le sera jamais. Il est tout simplement humain. Il repose sur des valeurs humaines de respect, d’affectueuses conduites constantes, de considérations touchantes. Ce choix n’est dicté par aucun lien avec des prébendes ou une station confortable octroyée.
Nous n’occupons aucun poste redondant encore moins juteux et nous n’avons aucun rang que nous ne nous sommes pas donnés nous-même, en travaillant, en commençant par nous respecter d’abord nous-même. En servant notre pays. Nous avons toujours voulu être un oiseau de basse-cour et non un oiseau de passage. La politique ne crée que des oiseaux de passage. Souvent vite oubliés.
Nous avons choisi un autre camp que celui de la politique, la mauvaise politique, celle qui s’oppose toujours, celle qui ne reconnaît jamais un seul jour un seul bienfait de l’adversaire, celle qui recherche plus facilement les vertes prairies, celle qui se sert avant de servir, celle qui invective, triche, ment, ruse, trompe, vole, pille, déshonore et cruellement inculte.
Ne pas être au cœur de cet enfer politique et de ce théâtre d’effroi, nous permet de vivre et de dormir sans peur et sans honte. Sans avoir ni vouloir faire du mal à personne ou le laisser penser. Sans chercher à prendre la place de personne. Sans occuper la fonction dont on n’a pas la compétence. Sans œuvrer pour que le malheur s’abatte sur le camarade du propre camp qui semblerait avoir les faveurs du Grand Patron. Nous ne sommes d’aucun parti politique, si ce n’est celui de la liberté, des arts et des lettres, de l’humaine condition. Tout court.
Depuis Senghor, nous n’avons voulu ni cherché un seul jour de notre vie à être un ministre, un DG, un chef de canton, un chef de village, un chef de bureau, un chef de garage. Nous avons plutôt voulu être un homme libre qui défend ses idées, qui a ses intimes convictions et qui respectent celles des autres.
La naïveté est notre demeure. Elle est celle des poètes au cœur frêle. Elle est un refuge. Elle est une force d’âme. La citoyenneté doit être une mitoyenneté pour qu’une République devienne une nation. La naïveté est reposante et sans calcul. Elle est le remède contre toute mauvaise pensée. Contre l’érection hâtive de barrières !
Avoir de l’affection surtout pour un président de la République, un homme politique de haut rang sur lequel tout est dit et vomi, à tort ou à raison, peut sembler étrange mais au moins courageux. Nous ne demandons rien en retour. Nous l’assumons. Nous assumons d’aimer et non de haïr.
Un internaute nous a demandé d’arrêter de chanter Macky Sall et d’aller plutôt militer. Il a bien dit « militer ? » Qui milite mieux que nous et nos millions de compatriotes qui avons choisi d’être à égale distance des compétences proclamées, des promesses effarantes faites au peuple, des appels au chaos, des pillages financières, des mensonges à visage de vérité, des partis politiques rachitiques sans adresse, sans contenu ? Que dire également de la seule représentativité des seuls 6,2 millions d’habitants votants sur 16, 74 millions d’habitants sénégalais recensés en 2020 ? Qui élit qui pour représenter qui ?
La poésie nous a comblés et honorés. Le dictionnaire nous a intronisés. Nul ne fera désormais mieux et plus pour nous, sinon nous offrir affection et respect. Si nous le méritons.
Nos seuls rêves : voir le Sénégal vivre en paix, en solidarité, rayonner et donner au monde le meilleur visage de la démocratie et de la justice. Sans discrimination. Notre rêve c’est aussi de rester et de mourir comme poète, d’espérer laisser un nom dans ce genre littéraire, pour notre si beau pays, pour l’Afrique.
Ainsi donc, pour le répéter, des compatriotes nous ont dit et écrit que pour le projet du port de Ndayane, « il faudra en payer le prix ! » : accepter ou subir l’expropriation forcée, accepter ou subir la perte forcée de notre résidence d’écriture acquise depuis les années 80. Notre seul bien à ce jour en plus d’être citoyen du Sénégal.
Évoquons aussi les drames des autres : l’impact du port de Ndayane avec la disparition du plus grand théâtre de verdure d’Afrique construit par le poète, dramaturge et sculpteur Gérard Chenet. L’impact cruel sur l’École de danse internationale dite des Sables de la légende Germaine Acogny. La disparition du complexe scolaire et artistique de Patricia Gomis qui apporte et soulage tant d’enfants démunis. Et d’autres !
Pourquoi donc raser tant d’acquis ? Pourquoi faire du mal à ceux qui n’ont eu que le tort d’être venu bien avant le port sur ces terres, pour y poser leur âme, reposer leur esprit, faire l’amour avec la créativité, aider l’autre ainsi que des artistes étrangers à venir découvrir le Sénégal et accoucher sous son enchantement ?
Quel est donc ce cœur si pierreux qui a choisi ce coutelas injuste et sanglant pour tuer tant de beautés ? Ce cœur ne peut pas être, ne doit pas être et ne sera pas celui de Macky Sall ! Tant pis si nous nous trompons et ils sont si nombreux à souhaiter que nous nous trompions devant celui qu’ils nomment le glacial sphinx ! Mais « le fond de la pirogue n’est pas le fond de l’eau » ! Un président de la République n’est pas un ours qui danse !
La Constitution sénégalaise dit et précise bien que « Le président de la République est le protecteur des arts, des lettres et des artistes ». Alors, Monsieur le Président, ne laissez pas raser la terre de l’esprit. Ne laissez pas faire une telle injustice qui restera par la plume dans la mémoire des hommes et de ce port de Ndayane ! Protégez vos artistes, vos écrivains, vos livres, vos théâtres, vos tapis et scènes de danse et de créativité ! Sauvez vos pécheurs ! Sauvez les courageuses femmes de Ndayane-Toubab Dialaw ! Ne touchez ni aux écoles ni aux cimetières ! Soyez grand, généreux et fort sans rien céder à votre autorité !
Nous savons tous que l’on dit de vous que vous ne rebroussez jamais chemin, pire encore quand il s’agit d’un projet d’une telle envergure économique qui est une locomotive de votre politique de développement !
Il ne s’agit pas de rebrousser chemin. Il s’agit de cheminer avec ce qu’il y a de plus essentiel au monde et que le pays dont vous êtes à la tête, a toujours protégé. Oui, la Culture peut bien cheminer avec l’économie. Elle précède même l’économie. Elle est également économie. C’est la culture qui embellie l’économie, la rend humaine. La culture est au féminin. L’économie au féminin. Pourquoi vouloir les séparer ? Trouver une dominante sur l’autre ?
Laissez des zones vertes, des zones bleues. Ne donnez pas tout au gasoil, à la fumée cancérigène, aux 1200 camions/jour, aux marées salées nauséabondes, à la fuite des baleines, à l’exil des poissons, au chant de malheur des pêcheurs, au silence des artistes.
Monsieur le Président, personne ne me fera croire, comme c’est souvent le cas du plus grand nombre de Chefs d’État, qu’à la place de la vérité, vous avez préféré entendre ce que vous voulez entendre. Cela n’est pas vrai. Construisez donc votre port, mais sauvez ce qui peut être sauvé.
Les poètes ont toujours aimé les ports et les vieilles gares. Ils les ont chantés et y ont vécu des amours infinis. Mais ce port nous a tout mangé. Il nous a tout pris jusqu’à notre inspiration.
Au Qatar, chez lui, Dubaï Port World n’a pas puni la nature, ensablé des lacs et ruisseaux, détruit la forêt et la faune, rasé et exproprié ses populations, chasse ses artistes. Mieux : partout où la nature a été blessée, humiliée, ignorée, ils ont rétabli l’équilibre en créant des zones vertes compensatrices et reposantes.
Vous seul êtes notre interlocuteur. Vous seul êtes notre espoir. Vous êtes notre Président et tant pis pour nous si, malgré la douleur, la rage, la déception, l’injustice, l’errance, l’impuissance face au pouvoir d’État, nous vous gardons notre profonde affection et vous souhaitons bonne chance. Vous souhaiter bonne chance, c’est souhaiter bonne chance au Sénégal ! Et puis à la fin il y a Dieu ! Nous Le prions de vous éclairer, comme Lui Seul sait éclairer de Sa lune et de Son soleil les merveilles de Ndayane-Popenguine-Toubab Dialaw !
03 janvier 2022
—
./.