La France veut étouffer le Mali. La Cédéao est chargée du sale boulot.
La manœuvre est trop grossière pour passer inaperçue. En face, nous avons un oppresseur qui n’a rien renoncé à sa mentalité et ses méthodes coloniales. Son vocabulaire est encore fleuri d’expressions, d’insultes, comme « pré carré », « zone d’influence », « tutelle », « chasse gardée ». Autant d’euphémismes laissant prétendre que nos pays sont des possessions françaises. Que notre souveraineté n’est que mirage et que nos intérêts, s’ils sont autorisés, passent toujours après ceux de la France.
Cette France-là, ombre d’elle-même, s’agrippe à l’Afrique comme à un gilet de sauvetage. Les jeux de séduction, les discours mensongers liant unilatéralement nos destins, les menaces, les sabotages, tentent de colmater une relation toxique de laquelle l’Afrique sortira à tout prix. Le péché du Mali, impardonnable pour Paris, est d’oser ouvrir la voie.
À nos aspirations légitimes de voir notre continent débarrassé de la présence militaire française, à notre volonté de disposer de notre propre monnaie, la France a d’abord répondu par un fou rire : « Qui sont ces petits Africains qui veulent se passer de nous ? »
Nos exigences persistantes, il a fallu les contenir, les marginaliser, les discréditer. En les faisant passer pour des revendications isolées, financées selon Emmanuel Macron par « des puissances étrangères ». Au passage, il a même joué la carte de la victimisation, en inaugurant une expression devenue à la mode : « sentiment anti-français ». Ce dernier lui a servi de prétexte pour convoquer à Pau ses homologues du Sahel et les sommer de faire taire les voix de la libération.
Après son cirque de Montpellier, et ayant pris l’habitude d’être obéi par ses pairs du Sahel, Emmanuel Macron songeait à une nouvelle balade en Afrique en décembre 2021. Au Mali, il aurait donné de nouvelles instructions, distribué des bons et mauvais points. Seulement, la Transition malienne n’a pas voulu lui dérouler tapis rouge, encore moins se mettre à genou devant lui.
Lui, le copain de Mohammed Ben Salmane ; lui, qui a cautionné l’intronisation de Déby fils au décès du père en avril 2021 ; lui, qui a soutenu et félicité Alassane Ouattara après un troisième mandat anticonstitutionnel démarré en 2020 ; lui, ce même seigneur qui s’accommode du colonel Doumbouya à Conakry, ose traiter la Transition malienne d’illégitime.
Ses insultes sont aussi peu crédibles que ses coups de bluff et chantages. N’avait-il pas juré que jamais ses soldats ne cohabiteraient avec les Russes au Mali ? Les Russes sont bel et bien à Ségou et Mopti aujourd’hui…
Fidèle à ses habitudes, l’État français aurait volontiers déployé ses troupes dans les rues de Bamako, confisqué le pouvoir malien et imposé un de ses pions. Se sachant plus que jamais suspect, surveillé et impopulaire en Afrique, il tente de se faire discret en agissant sous couvert de la Cédéao.
Ainsi, du jour au lendemain, un club de tripatouilleurs constitutionnels, de broyeurs d’opposants, se découvre une conscience démocratique. Les mêmes qui restent muets quand l’un d’eux bafoue les textes pour s’éterniser au pouvoir (leur rêve le plus partagé), les mêmes qui ont défendu en 2014 Blaise Compaoré jusqu’au bout (sous le prétexte qu’il était garant de la stabilité de la sous-région), les mêmes qui craignent Paris autant qu’ils méprisent leurs populations, n’hésitent pas, dans leur comédie démocratique, à enfiler la tunique des spahis.
Ils ferment leurs frontières avec le Mali. Cessent toutes relations diplomatiques ou commerciales avec lui. Gèlent ses avoirs dans toutes les banques affidées à la BCEAO (ce machin qui n’est pas seulement la caverne d’Ali Baba, mais aussi un fouet de la répression). Et s’apprêtent à mettre en route la Force en attente, restée passive toute cette décennie durant laquelle ce majestueux pays de Soundjata est resté la proie des terroristes.
L’État français, commanditaire de cette barbarie géopolitique, croit s’en sortir aussi facilement. Il se trompe : ni le temps qui passe, ni les tactiques, ni le zèle des présidents-spahis ne briseront l’élan d’une Afrique qui en a marre d’être exploitée. Le Mali vaincra, et à suite, toute l’Afrique s’affranchira. Être libres, voilà notre véritable destin : et non vivoter sous l’ombre d’un oppresseur qui est le premier à relativiser, marchander, piétiner les valeurs dont il se revendique.
Dimanche 9 janvier 2022, Kwame Nkrumah a dû s’étrangler dans sa tombe. D’Accra est parti le coup censé assassiner le Mali. Qu’il est loin ce jour où, face à la France décidée à détruire la Guinée ayant arraché son Indépendance le 28 septembre 1958, le Ghana s’est joint au combat en accordant à la Guinée son premier prêt. Dix millions de livres ghanéennes à l’époque.