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Locales, Pour Qui Sonne Le Glas ?

Locales, Pour Qui Sonne Le Glas ?

Dans l’ancienne tradition catholique et orthodoxe, on sonnait une cloche, le glas, pour signaler à la communauté l’agonie, la mort ou les obsèques d’une personne.

Les Sénégalais ont entendu au soir des élections locales de ce 23 janvier 2022, sonner le glas de l’agonie de l’APR et de Benno Bokk Yakaar et des obsèques et enterrements – de deuxième classe  –  du PS obsolète depuis longtemps, de l’AFP sous assistance respiratoire depuis des années et du PDS qui n’était plus que le fantôme de ce qu’il fut.

Avec la perte des villes de Dakar et de ses 19 communes, de Guédiawaye, de Rufisque, de Thiès, Kaolack, de Diourbel, de la mairie et de l’ensemble des départements et communes de Ziguinchor, de Touba gagné par les bulletins blancs, ainsi que de nombreuses communes de l’intérieur du pays, le parti du président Macky Sall a subi en effet une défaite de l’ampleur de celle essuyée par la coalition Sopi coachée par le PDS lors des élections de 2009. 

On sait ce qui s’en suivit alors, deux ans plus tard.

Propagande, déni de la réalité et enseignements du scrutin

Or selon le chargé de communication du président de la République, « il ressort clairement et de façon irréfutable que la coalition Benn Bokk Yakaar gagne massivement ces élections… »

Le communiqué de Benno Bokk Yakkaar publié dimanche soir déclare de même : « …Dans l’ensemble, les tendances nationales donnent notre coalition largement gagnante dans plusieurs capitales régionales et départementales (…). Toutefois, notre volonté de conquérir Dakar et Ziguinchor, en particulier, n’a pas été concluante ».

Le journaliste M. Mamdiabal Diagne, ami déclaré de M. Macky Sall et dont on dit qu’il murmure à son oreille, d’écrire : « Dans la plupart des circonscriptions du pays, les candidats présentés sous l’étiquette de la coalition Benno Bokk Yakaar (Bby) ont été plébiscités… »

S’il constate la défaite de son camp à Dakar, Rufisque, Ziguinchor, Sangalcam, Keur Massar et à Pekesse, il les attribue seulement aux « divisions au sein du camp du président Macky Sall ».

La défaite de Thiès, attribuée à M. Idrissa Seck ne relèverait que de l’échec de « son poulain Yankhoba Diattara » à régler ses dissensions avec le maire sortant Talla Sylla et les caciques locaux de la coalition présidentielle.

Propagande et méthode Coué

En fait, les apparatchiks, idéologues et conseillers de l’APR et du président de la République recourent ici à la propagande qui consiste comme disait l’autre à dire quelque chose de très gros et de le répéter souvent pour en faire une vérité.

Vieille technique de contrôle des masses qui a fait les beaux jours des régimes dont celui-ci est l’héritier qui, dès années de plomb du parti unique-unifié à celles de l’alternance en ont usé et abusé grâce à leur contrôle total des médias.

Recours à la méthode du bon M. Émile Coué cher au président Léopold Sédar Senghor, censée entrainer l’adhésion psychologique des gens à n’importe quoi, à force de répétition ? Déni face à une réalité trop traumatisante pour eux ?

Nicholas Machiavel l’indiquait déjà : « celui qui tient pour réel et pour vrai ce qui devrait l’être sans doute mais qui ne l’est pas, court à une ruine inévitable… »

Les conseillers et amis du président Macky Sall doivent se convaincre enfin, et en convaincre le président de la République, des enseignements de ces élections locales du 23 janvier 2022.

Avertissement, symbole et sanction

Les villes et communes gagnées par l’opposition, Dakar, Thiès, Diourbel et Kaolack notamment représentent bien, démographiquement et sociologiquement, la majorité de la population du Sénégal.

Le président de la République lui-même faisait remarquer récemment : « la population de Dakar concentre 25% de la population sénégalaise et près de 70% de l’activité économique ». Dakar concentre en effet 1.734 688 des 6.800.000 électeurs inscrits lors de ces élections locales.  

Il s’est agi en fait d’un référendum qui a sanctionné la gouvernance du président Macky Sall et a rejeté le troisième mandat auquel il n’a pas renoncé à se présenter ainsi que l’indique cet électeur à Le Témoin : « il y a eu tellement d’injustices dans ce pays, les tenants du pouvoir se considérant comme des intouchables, il fallait les sanctionner sévèrement. Et c’est fait » Et d’ajouter qu’il s’agit d’un « avertissement » pour Macky Sall qui doit « enterrer toute idée d’un troisième mandat ».

Avertissement et symbole de Touba qui a voté à 70% « blanc » plutôt que d’entériner la liste des « candidats du pouvoir », la seule autorisée dans la « ville sainte », parrainée pourtant par le Khalife Général des Mourides.

C’est la jeunesse qui a fait entendre sa voix indiquent plusieurs observateurs. À preuve, l’âge de nombre de candidats et le taux de participation particulièrement élevé, estimé par plusieurs observateurs à 60%.

Se dépouiller enfin de sa casquette de chef de l’APR/Benno Bokk Yakaar

Le président de la République saura-t-il prendre toutes ces données en considération pour préparer sa sortie à la fin de son mandat en 2024 ?

Il devrait pendant les deux dernières années de son mandat se dépouiller enfin de sa casquette de chef de l’APR/Benno Bokk Yakaar pour se revêtir de son habit de président de la République du Sénégal, gardien de la Constitution et chef suprême des forces armées. À ces titres, il s’imposera une posture rigoureusement républicaine et souverainiste. 

Il nommera un Premier ministre de consensus dont les missions seront principalement d’instaurer plus de transparence dans la gouvernance, engager enfin la lutte contre la corruption et la concussion et améliorer le système électoral en vue des prochaines élections législatives et de la présidentielle de 2024.

Il se refusera à entraver l’action des nouveaux élus locaux, même quand ils s’appellent Ousmane Sonko et Barthélémy Dias.

Il s’assignera enfin à parachever – par les armes et/ou par la négociation, la lutte contre le MFDC qui vient de se rappeler aux Sénégalais par l’attaque récente contre l’armée à la frontière avec la Gambie et l’enlèvement de 9 Jambars.

C’est à un véritable aggiornamento que nous appelons le président de la République. Il y va de la stabilité politique du Sénégal et de sa sécurité.

Il y va aussi de la place que Macky Sall laissera en fin de compte dans l’histoire de ce pays, de ce qui lui sera pardonné comme de ce qui sera définitivement retenu contre lui.

Il y va aussi de son héritage politique.

abathily@seneplus.com







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