Le Sénégal, champion d’Afrique. Cette phrase banale, lue sur les médias du monde entier, a quelque chose d’irréel, qui relève du rêve tant nous avons été habitués jusque-là aux défaites amères. Mais Aliou Cissé et Cie l’ont fait, décrochant la première étoile continentale de notre Nation. Comme disent les supporters marseillais, ils sont “à jamais les premiers”. Ils ont réalisé le rêve de générations de Sénégalais qui n’avaient connu que les campagnes au goût d’inachevé. Sadio Mané, Kalidou Koulibaly, Édouard Mendy, Ismaila Sarr, Gana Gueye, le jeune prodige Bamba Dieng, le virevoltant, Saliou Ciss, le stratège, Nampalys Mendy, viennent d’enlever définitivement cette étiquette de loser magnifique qui nous collait à la peau. Le Sénégal est désormais une équipe qui gagne. Mais que ce fut dur !
Les lions ont dû lutter contre plusieurs vents contraires durant tout leur parcours. Souvenons-nous du premier tour : absences en cascade pour cause de covid, feuilleton autour du cas Ismaïla Sarr, ennuis extra sportifs pour Pape Gueye.
Avec une équipe composée des remplaçants des remplaçants, les lions démarrent poussivement, marquant un seul but en trois matches, mais gardant, néanmoins, leur cage inviolée. Cependant, public sénégalais, très exigeant en termes de qualité de jeu, affiche son scepticisme et commence à douter d’une victoire finale. Certains médias clouent déjà Aliou Cissé au pilori. N’empêche l’essentiel était assuré ; la première place du groupe.
Et c’est sans doute, durant ce premier tour chaotique, où ils ont fait le dos rond, que les coéquipiers de Kalidou Koulibaly ont bâti leurs succès futurs. Lors de cette fantastique épopée camerounaise, les “lions” ont montré des vertus qui ont longtemps été le talon d’Achille de nos sélections nationales : la résilience, la combativité, le réalisme, et un brin de réussite.
Hier, lorsque l’arbitre a mis un terme aux prolongations, beaucoup de nos concitoyens, au fond d’eux-mêmes, ont cru revivre les cauchemars passés, et notamment cette défaite en finale contre le Cameroun en 2002. Mais il était dit que dans cette CAN, les lions allaient exorciser leurs vieux démons. Et la victoire obtenue dans la douleur contre l’Égypte, conquise grâce à un mental de fer, apparaît comme la manière idéale de briser le plafond de verre et d’entrer définitivement dans l’histoire du football africain.
Désormais comme disent les Américains, “Sky is the limit”, pour cette génération. La qualification n’est, certes, pas encore acquise (Ndlr : l’Égypte va de nouveau se dresser sur notre passage), mais le Sénégal peut légitimement nourrir l’ambition de finir dans le top 8 de la prochaine coupe du monde prévue au Qatar. Les lions ont une colonne vertébrale de très haut niveau : Mendy – Koulibaly – Gana Gueye – Sadio Mané. Ils disposent de jeunes joueurs explosifs et prometteurs : Bamba Dieng, Ismaila Sarr, Pape Matar Sarr. Et enfin de joueurs qui sont combatifs et qui s’insèrent bien dans un collectif : Nampalys Mendy, Abdou Diallo, Saliou Ciss. Des ingrédients qui peuvent importuner les plus grandes équipes du monde.
L’on ne saurait terminer, néanmoins, sans rendre hommage à Aliou Cissé. Rarement entraîneur n’aura connu autant d’attaques et de critiques qui ont parfois frisé l’acharnement et même le ridicule. Mais comme le sélectionneur français, Aimé Jacquet en son temps, le coach des lions a su encaisser avec élégance et sérénité ces coups. Jamais il n’est apparu sur la défensive en conférence de presse, s’évertuant à répondre aux journalistes avec calme et respect. Pourtant, comme Lebron James, il y a deux ans lors du titre des Lakers, il aurait beau jeu de crier : “I want my respect” et savourer sa revanche. Mais Cissé ne semble pas fait de cette étoffe, il n’est pas homme à régler des comptes. Et c’est tant mieux !