Né en janvier 1922, le premier président guinéen aurait eu cent ans cette année. Mis à part le palais de Sékhoutoureya et l’aéroport international de Conakry, récemment rebaptisé par le président de la transition, Mamady Doumbouya, aucun autre édifice public ne porte le nom du leader du Parti démocratique de Guinée (PDG).
Ahmed Sékou Touré a dirigé la Guinée de 1958 à 1984. Décédé aux États-Unis le 26 mars 1984, enterré le 30 mars 1984 à Conakry, l’homme a laissé un héritage politique qui divise encore les Guinéens. Héros pour les uns, tyran pour les autres, pour reprendre la dichotomie popularisée par l’historien Ibrahima Baba Kaké dans son livre Le héros et le tyran (Jeune Afrique, 1987).
Électoralement, depuis la disparition du président Ahmed Sékou Touré, le PDG ne pèse plus grand-chose et n’a remporté aucune élection d’envergure. Le candidat qui briguait la magistrature suprême sous sa bannière n’a été crédité que de 0, 56 % en 1993 et le parti n’a obtenu trois sièges à l’issue des élections législatives de juin 2002.
« Pas de dignité sans liberté ! »
Mais Sékou Touré, c’est aussi l’homme du « non » au référendum du général de Gaulle, le 28 septembre 1958. Pour de nombreux Guinéens, surtout au sein de l’ancienne génération qui a participé à la lutte pour l’indépendance, il demeure une figure de la résistance à l’ancien colonisateur. Il a honoré la Guinée et l’Afrique, en donnant le signal des indépendances en Afrique francophone. De lui subsistent encore cette image d’un souverainiste hostile à tout interventionnisme extérieur et ce célèbre discours prononcé le 28 septembre 1958.
Ce jour-là, galvanisé par la foule, Sékou Touré consomme la rupture avec le général français : « Il n’y a pas de dignité sans liberté, lance-t-il de sa voix de stentor. Nous préférons la pauvreté dans la liberté à l’opulence dans l’esclavage. » « On a parlé d’indépendance, elle est à la disposition de la Guinée, la métropole ne s’y opposera pas, elle en tirera bien sûr les conséquences », répondit le général, en demandant aussitôt le retrait de l’administration civile et militaire française de la Guinée.
Sékou Touré, pour beaucoup, c’est aussi ce dirigeant qui a doté son pays de sa propre monnaie, œuvré pour l’unité du continent en participant à la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) – la Guinée, avec Diallo Telli, occupera le premier poste de secrétaire général de 1964 à 1972. L’ancien président a également soutenu de nombreux mouvements de libération nationale, allant du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela au Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), d’Amilcar Cabral. Il a aussi ouvert les bras à de multiples révolutionnaires exilés, comme le Camerounais Félix Moumié ou le Ghanéen Kwame Nkrumah, après son renversement en 1966.