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Sauver L’annee Scolaire Ou Sauver Le Systeme Educatif ?

Sauver L’annee Scolaire Ou Sauver Le Systeme Educatif ?

Depuis plus d’une quinzaine d’années, le système éducatif sénégalais est secoué par des grèves cycliques, récurrentes et multiformes et l’école publique est  principalement menacée.

De 2006 à 2018, combien d’années «invalides» ont été validées de justesse pour sauver l’année scolaire ?

Le contexte de 2006 ressemble beaucoup à celui de 2018 (année pré-électorale) et celui de 2022, année électorale. En 2006, suite à un bras de fer qui a opposé l’Etat et les Syndicats d’enseignants de tous ordres durant plusieurs mois, l’année scolaire 2005/2006 fut sauvée de justesse avec des évaluations biaisées suite au boycott de la majorité des enseignants.

Paradoxalement, l’Etat, qui avait argué des difficultés financières pour satisfaire les revendications des enseignants, liées surtout à l’augmentation de leurs indemnités, octroya durant les vacances de 2006 des indemnités faramineuses à certains corps qui n’étaient même pas demandeurs comme les forces de défense et de sécurité, la magistrature, le commandement territorial… (Appareil répressif).

Cette mesure électoraliste frustra les enseignants (appareil idéologique) qui, dès l’entame de l’année scolaire 2006/2007, reprirent la lutte et les syndicats du moyen-secondaire, dirigés à l’époque par Mbaye Fall Lèye et Mamadou Mbodji, radicalisèrent leur position jusqu’à la veille des élections et en janvier 2007, ils obtinrent de l’Etat l’Ird (l’indemnité de recherche documentaire) variant de 60 000 à 70 000 pour les enseignants du moyen-secondaire.

Se sentant marginalisés, les enseignants de l’élémentaire et du préscolaire, ainsi que les syndicats des inspecteurs, continuèrent la lutte et obtinrent 2 ans après respectivement une prime scolaire de 25 000F et une indemnité d’encadrement de 150 000F. Avec ces différentes indemnités accordées aux agents de l’Etat dans un contexte pré et post électoral, le système de rémunération dans la fonction publique fut complètement bouleversé.

En 2011/2012 (année préélectorale), les syndicats d’enseignants reprirent la lutte et durant la campagne électorale, l’actuel chef de l’Etat, alors candidat, demanda aux enseignants de surseoir à leur mot d’ordre et prit l’engagement de prêter une oreille attentive à leurs revendications une fois élu.

En 2014 le nouveau régime signa avec les syndicats d’enseignants, un protocole pour des accords réalistes et réalisables, en présence de différentes parties prenantes garantes.

Beaucoup de points furent résolus mais avec des retards accusés dans la mise en œuvre du protocole d’accords suivant l’échéancier retenu d’un commun accord, la lutte reprit de plus belle en 2016 et cette année restera gravée dans la mémoire collective de tous les acteurs du système éducatif.

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Débrayages, grèves générales, marches, boycott des différentes évaluations, rétention de notes ponctuèrent les différents plans d’actions (13 au total) et l’Etat usa de toute la panoplie de sanctions prévues par les textes mais sans effets : demandes d’explication, avertissements, blâmes, ponctions sur les salaires, réquisitions et enfin la menace de radiation collective avec un ultimatum de 48h.

Ce qui est insolite, c’est que certains enseignants entrés dans l’enseignement sans vocation, sans déontologie et pensant qu’ils ont toujours le statut d’étudiants, bravèrent l’autorité en brûlant des pneus pour retards de salaires ou en répondant aux demandes d’explication écrites de leurs autorités hiérarchiques par des Sms envoyés à partir de leurs téléphones avec un message standard : «Je respecte le mot d’ordre syndical.»

Avec plus de 47 syndicats et plusieurs cadres et alliances, certains enseignants suivirent à la lettre tous les mots d’ordre sans même être affiliés à un syndicat quelconque. Plusieurs enseignements majeurs sont à retenir de cette situation inédite de 2016 : défiance, crise d’autorité, irresponsabilité, incapacité de l’Etat à juguler les crises.

N’eût été l’intervention le 13 juin 2016 des chefs religieux, en l’occurrence feu Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine Rta et son ainé et confident, Serigne Sidy Makhtar Mbacké Rta, par le biais de facilitateurs dont moi-même (suivant les traces de mon illustre homonyme Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh) et l’honorable député, Hélène Tine, à Tivaouane et feu le médiateur de la République, Me Alioune Badara Cissé, à Touba, le système éducatif et au-delà même le pays, allaient sombrer dans une crise sans précédent.

2017 fut une année sabbatique sans perturbation majeure avec le processus enseignement/apprentissage bien déroulé et les évaluations faites à terme à part la seule fausse note liée aux fuites au baccalauréat. 2018, après plusieurs préavis sans suite, les syndicats reprirent la lutte dans un nouveau contexte de recomposition syndicale avec le G7 (syndicats les plus représentatifs issus des résultats des élections de représentativité), la Feder et l’inter-cadre.

Mêmes causes, mêmes effets

Les plans d’actions se succèdent : débrayages, grèves, rétention de notes, marches nationales délocalisées dans les régions, présence négative ou passive pour exiger de l’Etat le respect des accords.

Tous ces différents syndicats réunis dans le cadre d’unités d’action et non organiques perturbent profondément le système mais ne sont pas encore parvenus à un blocage total du système.

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Mais en réalité, le seul point fédérateur qui mobilise tous les enseignants (tous corps confondus) cette année, c’est l’augmentation substantielle de l’indemnité de logement pour certains et l’alignement pour d’autres.

En 2018, après plusieurs plans d’actions et plusieurs négociations avortées avec le gouvernement, le chef de l’Etat en dernier ressort accéda à la requête des enseignants avec le relèvement progressif  de l’indemnité de logement de 60 000f à 100 000f pour tous les ordres d’enseignement.

Rappeler que l’indemnité de logement à l’origine, était uniquement destinée aux instituteurs.

Suite à la fameuse grève historique d’une journée  du Sudes, le 13 mai 1980, l’indemnité de logement  connut son extension aux autres ordres d’enseignement.

Cette indemnité a connu des hausses avec les différents régimes mais de 2012 à 2018, aucune hausse et en contrepartie,  il y a eu une baisse des impôts sur les revenus.

Entre droits et devoirs

Entre droits et devoirs, les principales victimes ce sont les élèves, surtout de l’école publique. L’enseignant a le droit d’aller en grève pour l’amélioration de ses conditions de travail et d’existence, mais aussi il a le devoir de respecter le contrat qui le lie à l’Etat, à savoir dispenser une éducation de qualité et respecter le temps de travail, sans compter le contrat moral qui le lie aux apprenants.

L’Etat a le devoir de garantir une éducation publique de qualité à tous les enfants du pays et de veiller au fonctionnement correct de l’école, publique surtout.

L’élève a le droit à une éducation de qualité dans le respect du quantum horaire ; mais le constat est que nous avons de plus en plus des élèves en classe de CM2, 3ème, Terminale (classes d’examen) mais pas des élèves de CM2, 3e ou Terminale avec des programmes biaisés, des lacunes cumulées combinées à la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et le système de redoublement quasi inexistant.

Une autre dimension immatérielle mais morale qui n’apparaît pas dans les différentes plateformes revendicatives (du préscolaire au supérieur), et que les autorités doivent intégrer dans la recherche de solutions, c’est la revalorisation de la dignité et de la fonction enseignante, car les sentiments les mieux partagés dans le ressenti et le vécu des enseignants aujourd’hui sont : la précarité, les frustrations combinées, la stigmatisation, l’iniquité, la démotivation…

Nouveau contexte, nouveaux paradigmes

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Les années 2020 et 2021 marquées par la pandémie du Covid, connurent une accalmie et un élan de solidarité de toutes les forces vives de la Nation face à la riposte.

Les enseignants (ces soldats du savoir), au-delà d’une contribution symbolique à l’effort de solidarité nationale, se distinguèrent par leur capacité de résilience.

Les efforts conjugués des autorités, des enseignants, des élèves et parents d’élèves avec un protocole pédagogique et sanitaire adapté menèrent à des performances et des résultats scolaires très appréciés surtout en 2020.

Dans ce contexte d’année électorale 2022 (locales et législatives)  avec un front social en ébullition, une nouvelle reconfiguration sur le champ politique, une demande sociale et citoyenne accrue, l’état gagnerait à créer les conditions d’un dialogue permanent,  sincère et inclusif, gage de paix et de stabilité sociale à la place du dilatoire et du pourrissement.

L’agenda électoral ne doit pas occulter les autres questions prioritaires dont l’éducation. Avec le retour prochain du poste de Premier ministre et la formation d’un nouveau gouvernement, je pense qu’une accalmie s’impose et le sens de la responsabilité de part et d’autre. Que le chef de l’Etat s’implique au plus haut niveau et à court terme, pour une résolution de cette crise qui risque de dégénérer avec l’effet de contagion sociale, chez les élèves qui commencent à manifester un peu partout et à juste titre pour le respect de leur droit à l’éducation.

Au rythme des plans d’actions successifs, les scénarios de 2006,  2016 et 2018 risquent de se reproduire cette année électorale 2022 avec une jonction des forces politiques et des forces sociales. Pour des solutions structurelles (sauver le système éducatif et non l’année scolaire),  il faut :

– rétablir la confiance entre les différents acteurs.

– éviter la politisation de l’espace scolaire et la jonction entre les forces sociales et politiques.

– préserver l’outil de travail qu’est surtout l’école publique en déliquescence avec la centralité de l’élève.

– renforcer le dialogue social et le monitoring des accords.

– le respect des protocoles d’accords conclus avec les syndicats d’enseignants.

– revoir le système de rémunération des agents de l’Etat pour plus d’équité et appliquer correctement les conclusions et recommandations issues des assises nationales de l’éducation et de la formation.

Abdou Aziz DIOP

Membre du comité du dialogue social Thiès
moulaymakhtar@gmail.com







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