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Retrait De La France, VolontÉ De DÉpart Ou Effet D’annonce ?

Sauf retournement de situation de dernière minute, la France va donc quitter le Mali. Sous la pression du pouvoir à Bamako, Paris s’apprête à amorcer le retrait du Mali. Avec lui, ses partenaires européens qui l’ont jusque-là accompagné dans le dispositif militaire pour contrer l’avancée jihadiste.

La nouvelle stratégie de riposte pour un nouveau redéploiement de la force française sera-t-elle capable de réussir là où les forces Barkhane et Takuba ont véritablement, voire lamentablement échoué ? Quels seront les contours du futur dispositif militaire régional français en préparation quand on sait que s’il y a échec, c’est plutôt du côté politique marqué par un discours inapproprié de Paris ?

Les réactions de désapprobation des populations maliennes qui avaient placé beaucoup d’espoir en la capacité de riposte des forces françaises sont là pour en attester. Du côté militaire, personne ne savait plus rien de la situation en dehors des informations émanant des troupes françaises laissant croire à une amplification de la rébellion sur le terrain. Seule exception à ce tableau peu reluisant et peu rassurant de la présence française, la situation présentée ces dernières semaines laissant penser que les incursions rebelles ont été bien contenues et certains de leurs éléments neutralisés.

En réalité, c’est cela qui était attendu de l’armée française et de ses alliés européens dont la mission était d’arrêter l’avancée djihadiste et de démontrer ainsi leur capacité de riposte dans une guerre asymétrique. Au vu du déploiement des troupes et de l’arsenal militaire présent sur le terrain (drones et dispositif de surveillance sophistiqué), on pouvait légitiment s’attendre à mieux que les résultats annoncés. Le discours politique, n’a pas, à ce sujet, été à la hauteur des forces en présence sur le terrain.

 Annoncer la destruction de bombes de fabrication artisanale du côté de l’ennemie sans pouvoir le neutraliser définitivement, constitue, en effet, un aveu d’impuissance pour ne pas dire d’échec. En effet, seules trois attaques à la bombe artisanale la semaine dernière ont été signalées faisant 9 morts, dont un Français, dans le nord du Bénin et, fait plus marquant, l’élimination de 40 jihadistes impliqués dans ces attentats au Burkina Faso voisin. Et c’est justement sur ce terrain que la France a échoué dans sa communication.

Emmanuel Macron, le Président français est attendu aujourd’hui sur sa décision d’opérer ou non, un retrait du Mali des forces françaises de l’opération Barkhane en marge d’un sommet Union européenne – Union africaine prévu à Bruxelles. De sa décision dépendra le futur de la présence européenne, au-delà de la France, en Afrique de l’Ouest et, probablement sur l’ensemble du continent, eu égard aux répercussions que ce retrait pourrait avoir sur les relations entre l’Europe et le l’Afrique.

Le Mali est un maillon d’une importance stratégique dans les relations entre l’Occident et l’Afrique. Avec 1 241 238 kilomètres carrés, le plus vaste État d’Afrique de l’Ouest après le Niger, le Mali est le 24e plus grand pays du monde. Le Nord Mali qui est convoité par les rebelles, couvre 827 000 km², 66 % du territoire national avec 1,5 million d’habitants soit 8,6 % des 20.250.834 habitants qui peuplent le Mali. Mais plus que la population, c’est l’intérêt stratégique ce cette partie septentrionale, région entièrement désertique représentant les deux-tiers de la surface malienne qui est aujourd’hui en jeu. Zone contigüe à l’Algérie avec laquelle Bamako partage 1329 km de frontière, son tracé situé en plein Sahara est hérité du découpage de la colonisation française. C’est dire l’importance du mini-sommet de Paris avec les chefs d’État de pays sahéliens (Niger, Tchad, Mauritanie) et de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest qui doit précéder ces annonces. Si le statu quo n’est « pas possible dans un contexte marqué par la présence de ce que les Occidentaux considèrent comme une milice privée russe », réputée proche du Kremlin, Wagner, si c’est impossible de continuer dans ces conditions, pour la France et ses alliés, comme le confie le ministre estonien de la Défense, les quelque 25 000 hommes actuellement déployés au Sahel, dont environ 4 300 Français (2 400 au Mali dans le cadre de l’opération antijihadiste Barkhane), seront obligés de se redéployer ailleurs en Afrique.

Aujourd’hui, si les Européens de Takuba et leurs partenaires britanniques et américains, s’accordent sur la nécessité de ne pas laisser le champ libre à l’influence russe au Mali, il leur faudra poser de nouveaux actes qui ne seront pas forcément et exclusivement sécuritaires mais prendraient en compte les questions de pauvreté et de justice dans la répartition des ressources. Dans cette nouvelle coalition occidentale, la France, ex-puissance coloniale, devrait lever le fort sentiment anti-français au Sahel. Le prétexte avancé à un futur déploiement pour poursuivre la lutte antijihadiste dans la région, face à des mouvements affiliés à Al-Qaïda ou au groupe État islamique ne saurait, à cet égard, constituer un argumentaire solide pour susciter l’adhésion massive des populations du Sahel. Il en faut plus et dans tous les domaines. Il est évident que Paris doit réinventer un nouveau partenariat avec ces pays du Sahel et de l’Afrique en général dans des domaines qui dépassent le volet sécuritaire et qui rassurent les populations quant aux véritables intentions de la France.

Sous ce rapport, la France et les autres pays occidentaux ont un véritable défi à relever car le crédit engrangé par le système libéral pour ne pas dire capitaliste et la démocratie jusque-là prônée pour garantir les droits de l’homme et une société plus juste et plus équitable sont en train de s’effriter sous la poussée des autres puissances alternatives. Lesquelles semblaient jusque-là laisser le champ libre aux Occidentaux pour conduire des politiques de partenariat avec l’Afrique. La Chine qui a tenté des incursions diplomatiques et économiques ne s’est pas avancée sur le terrain sécuritaire axant sa coopération dans un domaine quelle maîtrise encore, du moins officiellement.

La Russie, depuis la fin de la guerre froide, n’a véritablement pas joué de son influence dans une Afrique en rupture avec le communisme et plus portée vers l’Occident parrain de la mondialisation. Mais, c’est justement au nom de cette mondialisation et du respect de l’autodétermination des peuples, que les populations africaines revendiquent plus de considérations dans la façon de gérer leur destin. Ce que vous faites pour moi, sans moi est contre moi est un vieil adage que les africains semblent avoir bien assimilé. C’est dire que personne n’a intérêt à un tel retrait qui entérinerait la fin du partenariat entre la France et le Mali, mais aussi le discrédit de la coopération si souvent déclamée entre l’Occident et le continent africain. La France, au vu de tout ce qui la lie historiquement au Mali et au Sahel se doit de réfléchir sur les actes qu’elle pose à l’égard de cette partie de l’Afrique. Le Mali, de son côté, a tout à gagner à reprendre langue avec Paris pour se maintenir dans le champ du partenariat dynamique qui fonde le destin des deux continents. Certes des erreurs ont été commises de part et d’autre, des incompréhensions ont été décelées dans les prises de positions, des faiblesses enregistrées dans la prise en charge de la question sécuritaire. Cependant, rien n’est encore perdu si chacun se persuade qu’il ne peut aller l’un sans l’autre.

Le Mali a besoin de rester dans la communauté ouest-africaine et mondiale pour assurer sa sécurité et la France a besoin de maintenir sa présence dans cette zone pour éviter d’être supplantée par d’autres forces qui pourraient l’écarter définitivement des solutions aux problèmes du continent.

Mamadou Kassé

Journaliste-écrivain

madoukasse@yahoo.fr







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