Par un retournement de conjoncture dont le sport a le secret, la politique, la vraie, renaît et retrouve des couleurs dans notre cher pays visité par la grâce. Le prestigieux trophée de la CAN trône chez nous aux termes d’un époustouflant parcours des Lions victorieux d’une pâle équipe d’Egypte, de surcroît méconnaissable parce que craintive face à un Sénégal assurément conquérant.
Le « tiébou djeun », géniale trouvaille culinaire, se voit consacré par l’UNESCO patrimoine immatériel au même moment où un jeune prodige des Lettres, Mbougar Sarr en l‘occurrence, remporte le Prix Goncourt avec une rare dextérité saluée par la critique. Ces trois faits agrégés donnent une dimension nouvelle de l’exception sénégalaise saluée et vantée sous de nombreuses chaumières d’Afrique.
A cette fin d’ailleurs, une détente s’amorce. Dans l’air flotte une mélodie d’une tonalité estivale. Entamée à l’accueil massif des Champions d’Afrique de retour du Cameroun, l’ambiance rieuse se poursuit en s’étendant à d’autres sphères de vie avec notamment le dégel des rapports crispants entretenus au sein de la classe politique.
Macky, Idy et Déthié Fall ont eu une franche rigolade dans le feutré salon présidentiel de l’aéroport militaire de Yoff. A cette occasion, la multiplication des apartés redresse une fausse perception d’hostilité entre les acteurs de l’échiquier politique. Ils entretiennent des rapports normaux. Ils sont adversaires mais pas ennemis. Ils se parlent et se rencontrent dans des cadres moins exhibés pour aborder des sujets dits sérieux, à l’abri des regards curieux ouj inquisiteurs. Très certainement le sens des priorités sera au centre des différents agendas politiques du Sénégal dans les mois à venir.
Au vu de l’affluence, jamais autant de leaders politiques ne s’étaient retrouvés en si grand nombre dans un seul et même endroit attendant l’arrivée des Lions sacrés champions d’Afrique à Yaoundé. Les maires, bien élus et déjà installés, découvrent les rigueurs de la gestion et sans doute un ardent désir de donner satisfaction les anime en même temps que les défis de réalisation vont jalonner leur cheminement de premiers magistrats des villes et de communes conquises. Ce cumul de gestes maîtrisés, est-ce un avant-goût des évènements futurs dont le plus immédiat est l’inauguration ce mardi 22 février du stade Abdoulaye Wade ?
Le nouveau stade de football, érigé au sein d’un fastueux complexe olympique, doté d’une pelouse hybride, va porter le nom de l’ancien Président Me Abdoulaye Wade. L’infrastructure de 50 mille places a coûté quelque 156 milliards de francs CFA. La décision de parrainage a été prise par le Président Macky Sall dont le rapprochement avec son mentor a déjà été acté depuis le mois de septembre 2019 lors de l’inauguration de la Grande Mosquée Mouride de Massalikoul Jinaan. Le Khalife Général des Mourides, Sérigne Mountakha Bassirou MBacké avait béni la réconciliation sous une assistance conquise par la solennité de l’événement et
l’exemplarité de l’acte posé par deux des poids lourds les plus significatifs de la classe politique du Sénégal.
Depuis lors, la classe politique avait renoué avec l’urbanité sans toutefois dissoudre sa personnalité. De ce fait, elle garde certes sa consistance et sa cohérence mais se montre vulnérable aux divisions et à la dissonance, deux écueils qui guettent au lendemain d’élections locales très disputées aux quatre coins du pays. Cette étape a été vite franchie. Elle laisse en revanche une empreinte de maturation du jeu électoral.
Des béances sont apparues avec des élus dépourvus d’expérience, naïfs mêmes et tatillons pour certains surpris dans un affligeant état d’impréparation qui en dit long sur l’incompétence que ne parvient pas à masquer une arrogance certaine. Les incantations ne sont guère des projets politiques. La comédie humaine, si chère à l’écrivain français Balzac, offre des fresques insaisissables dans leur fureur mais révèle la société telle qu’en elle-même, traversée d’intérêts et travaillées par un choc d’ambitions entre groupes sociaux aux intentions bien peu claires.
Pour preuve : une dislocation de coalitions reste perceptible au gré des évolutions d’ici aux prochaines élections législatives. Il n’est pas à exclure la formulation d’autres offres politiques à mesure que se rapproche l’échéance en vue, précisément au mois de juillet. Dans la foulée de cette recomposition, des lignes de démarcation vont davantage se préciser sur fond de clivage idéologique de moindre envergure. Les affinités prendront plutôt le dessus.
S’il y a des vérités à ne pas exhumer, d’autres sont à dire pour définir de nouveaux rapports politiques. Ira-t-on vers une réunification de la famille libérale éclatée en plusieurs chapelles ? Si oui, quelle forme revêtiront ces retrouvailles ? De Macky à Pape Diop en passant par le PDS et d’autres encore en retrait momentané, le spectre reste large. Force est de constater que l’émiettement a eu pour effet de disperser des rangs devenus clairsemés.
En face, le camp socialiste a un réel ancrage dans le pays profond. Les épreuves politiques endurées et la lointaine perte de pouvoir confine cette formation à une permanente quête d’alliance selon les cycles politiques qui s’ouvrent. En conservant la mairie de Dakar, le PS sait ce qu’il doit aux autres alliés dans un attelage si hétéroclite que la hache de guerre ne tardera pas à être déterrée, tôt ou tard. En clair la nature reprendra le dessus au sein d’un alliage qui incorpore des éléments disparates dont l’unité organique n’est que circonstancielle pour ne pas dire de façade.
Devant tant de tourments redoutés, les acteurs donnent l’impression d’oublier l’essentiel : à savoir l’économie qui peine à se relancer après un douloureux Covid-19. La pandémie a englouti plus de mille milliards dans un gigantesque plan de riposte. Cette dépense obère les finances de l’Etat obligé, pour une longue période, de se mettre au régime (sec ?) et contraint de retourner en sa faveur une situation en dégradation visible.
La crise sanitaire n’a pas en outre manqué de souligner à traits renforcés la faiblesse de notre économie encore tributaire de facteurs exogènes. S’y ajoute la dette qui se rapproche du plafonnement de l’UEMOA à hauteur de 70% du PIB. Pour plus de la
moitié, cette créance est détenue par des acteurs étrangers voire des institutions de la finance internationale. Ces contre-performances économiques s’accommodent-elles d’un climat social tendu et entretenu sous la forme d’une surenchère financière que rien ne saurait justifier ? Les syndicats de la santé et de tous les ordres d’enseignements sont ainsi avertis. Sans frais du reste…