Au Sénégal, la religion est présente dans le débat politique depuis l’époque coloniale.
En effet, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle avec les violences perpétrées par certains princes à l’encontre de leurs sujets et l’impérialisme militaire étrangère, de nombreux paysans rejoignirent les communautés religieuses musulmanes, lesquelles constituaient des foyers de contestation opposés aux inégalités sociales. Ce qui fit de la religion en général et des confréries religieuses en particulier le nouvel ordre dans lequel seront accueillies une partie de l’élite bourgeoise et les anciennes familles princières déchues par le colonisateur.
Mais chemin faisant, depuis plusieurs décennies la question de la religion est devenue un enjeu majeur dans le règlement des problèmes politiques vécus par notre pays.
A ces chefs religieux, nous devons respect et dévouement pour qu’ils puissent continuer à jouer leur rôle important de régulateur dans une société majoritairement croyante.
Les leaders religieux ont eu à aider, dans une large mesure, le pouvoir politique en place à négocier des tournants difficiles. Ce fut le cas déjà lors de la crise de mai 68. Leur intervention avait été salutaire pour le régime socialiste de l’époque. En effet, les déclarations faites par certains dont Serigne Fallou Mbacké, Cheikh Ibrahima Niasse et Cheikh Tidiane Sy avaient lourdement pesé sur la balance pour un retour au calme.
Pendant les crises post-électorales de 1988 et 2019, l’intervention des religieux avait aussi permis de désamorcer la situation.
Last but no least, durant les émeutes de mars 2021 qui ont conduit à une guérilla urbaine avec 14 personnes décédées et des milliards perdues par notre économie nationale , le retour à la paix n’a été possible qu’avec l’implication des religieux, notamment le Khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké.
Cette médiation a porté ses fruits devant l’impasse brève, dangereuse et sans précédent dans laquelle se trouvait le Sénégal avec des manifestations d’une violence inouïe qui ont failli basculer notre pays dans le chaos.
En effet, les interventions du Ministre de l’intérieur, du Président du CESE n’y purent rien. Celle du Médiateur de la République, mieux appréciée, n’a pas pour autant fait bouger les choses dans le bon sens.
Le salut est finalement venu des religieux qui après avoir été reçus par le Chef de l’Etat et rencontré l’opposition regroupée autour du mouvement M2D ont obtenu l’arrêt définitif des manifestations.
Le discours radiotélévisé, tant attendu du Président de la République, est venu à point nommé pour clore cet épisode de violences et donner une lueur d’espoir d’un apaisement de la situation.
Bref, ces chefs religieux ont toujours joué un rôle de régulateur entre les citoyens et l’Etat qui, dans nos pays en voie d’émergence, n’arrive pas encore, même s’il fait de son mieux, à répondre aux attentes quotidiennes des citoyens, à maîtriser la crise économique, à endiguer le chômage des jeunes, à instaurer une véritable démocratie laïque qui ne saurait être synonyme de licence.
Cette licence est aujourd’hui en train de mener à des dérives qui, si on n’y garde, risquent de plonger le pays dans un nouveau cycle de violences et d’instabilité.
En effet, certains sont aujourd’hui en train de s’attaquer à nos Khalifes généraux et chefs religieux dont ils dénoncent le mutisme dans ce contexte préélectoral marqué par des dissensions entre la majorité et l’opposition.
Assumons nos ambitions politiques de manière responsable en rompant avec ces pratiques qui jurent d’avec le respect de nos valeurs religieuses et mêmes traditionnelles comme le concert de casseroles ou de klaxons qu’une certaine opposition envisage d’organiser pour redorer son blason après la déconvenue de sa manifestation du 17 juin.
Il faut impérativement laisser les chefs religieux hors du champ politique, ne pas faire un mélange de genre et séparer nettement la frontière entre la politique et la religion, deux champs qu’il nous faut bien distinguer pour la préservation de la paix et de la stabilité dans notre pays très chères à son Excellence, Monsieur le Président de la République Macky SALL.
A ces chefs religieux, nous devons respect et dévouement pour qu’ils puissent continuer à jouer leur rôle important de régulateur dans une société majoritairement croyante.
Attention disait Élie Wiesel: « la paix n’est pas un don de Dieu, c’est un don que nous nous faisons les uns les autres. »
Alors cultivons la paix dans notre pays !
Ibrahima Baba SALL
Député Maire de Bakel