1945, après les destructions massives de la seconde guerre mondiale, l’Europe est en ruine, le continent pense à sa survie économique et politique, le plan Marshall américain ne suffira pas. Sous l’impulsion de précurseurs et visionnaires dont les ministres français Jean Monnet et Robert Schuman, naquit l’idée de mettre en commun les ressources minières, notamment le charbon et le fer, de tout le bassin du sous-continent pour relancer l’industrie et assurer la fourniture en énergie. Les pays européens ne souhaitent pas manquer l’opportunité de forger un destin économique et politique commun.
La mutualisation du charbon et de l’acier européen, régie par des institutions supranationales, est alors en marche avec la ratification par les Etats, en 1951, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la Ceca, ancêtre de l’Union européenne. Les résultats sont palpables après 50 ans ; la France, l’Italie, l’Angleterre et l’Allemagne sont membres du G7 et l’Union européenne est un bloc économique incontournable dans l’industrie mondiale. Le charbon a permis d’assurer une électricité bon marché pour la sidérurgie et l’industrie européennes au grand bonheur des classes moyennes du vieux continent.
Selon Eurostat, l’Union européenne est la puissance économique du monde. Elle représente 17,9% du Pib mondial, derrière les Etats-Unis (24,7 %) et devant la Chine (17,4 %) et le Japon (6%). Ce que le charbon et l’acier mis en commun ont permis aux Européens d’accomplir, contraste dans notre sous-région ici en Afrique de l’Ouest, avec l’Omvs qui fête 50 ans de gestion commune des ressources en eau au profit de quatre pays qui forment le bassin du fleuve Sénégal, à savoir la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Qui de l’approvisionnement régulier et suffisant des populations riveraines en eau dans les périodes de pluviométrie erratique, qui d’une fourniture régulière et stable d’une électricité aux états membres, qui d’une irrigation accessible pour les vastes étendues de terres cultivables dans le bassin des pays riverains malgré une morphologie des sols favorables ; qui de la navigabilité du fleuve sur toute l’année pour la libre circulation des biens et personnes, qui de la pêche et des ressources aquatiques diverses, etc..
Sur tous ces défis essentiels, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal reste loin du rêve et des ambitions des Pères fondateurs qui ont paraphé, en mars 1972 à Nouakchott, les accords instituant l’Omvs. Et pourtant que d’efforts consentis par nos Etats pour s’endetter en vue de financer une bureaucratie de luxe et des éléphants blancs.
Comparons l’apport d’un ouvrage de l’Omvs en mégawatt d’électricité avec par exemple une simple centrale éolienne comme Taïba Ndiaye dans la région de Thiès. Pour nous Ouest-Africains, l’utilité d’une telle organisation comme l’Omvs dans un contexte d’insécurité alimentaire structurelle et de déficit chronique en électricité sur fond de changement climatique et d’instabilité géopolitique mondiale, place la célébration des 50 ans de l’Omvs sous des auspices d’insatisfaction et de regrets. En tout cas, nous sommes loin des performances et acquis d’organisation similaires qui, dans leur contexte, ont servi de fer de lance aux pays membres de la Ceca.
Durant le présent Forum de l’eau au Dakar, c’est le Maroc qui a tendu le fanion d’anniversaire à l’Omvs, justement c’est au Nord du royaume chérifien que l’on localise la plus grande concentration de jeunes sénégalais, maliens, mauritaniens, guinéens qui tentent, au péril de leurs vies, dans des embarcations de fortune, une traversée pour rejoindre l’Europe, fuyant ainsi les terres asséchées, la soif et le manque d’électricité dans nos villages que pourtant l’Omvs devait contribuer à atténuer. Le bassin du fleuve est un puissant catalyseur de richesse, de commerce et de paix pour nos populations et l’Omvs doit y œuvrer efficacement et urgemment, loin des lambris de célébration.
Moustapha DIAKHATE
Expert et Consultant en Infrastructures