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L’Ère Macky

L’Ère Macky

En 2011, je fus un des compagnons de Macky Sall, président de l’Alliance pour la République (APR) et candidat à la présidence de la République du Sénégal. Je fus le compagnon appelé pour aider à définir et structurer une communication politique qui tardait à prendre son envol.

De la première université d’été de la COJER (Coordination des Jeunes Républicains) à Mbodiène en 2011, au premier mandat du président, en passant par la campagne électorale présidentielle, mon cœur a battu au rythme des faits et gestes de ces hommes, de ces femmes que j’ai rencontrés et côtoyés de si près et dont les trajectoires ont connu des bonheurs divers.

Souvent quand je repensais à l’histoire du Sénégal, je revoyais ses illustres fils, ceux qu’on n’oublie pas. J’avais une pensée particulière pour le président Senghor qui savait si bien décrire une image que les autres ne pouvaient pas forcément voir. Ne disait-il pas dans les années 70 qu‘en l’an 2000 Dakar serait comme Paris ? Point de statistiques, ni de longues explications, juste une image ! Une image aseptisée dont nous parlaient déjà nos immigrés, ouvriers dans les usines d’automobiles du Havre, de Poissy ou de Flins, qui revenaient en vacances dans leur Fouta natal. Dans cette phrase devenue célèbre, Senghor s‘affirmait déjà, comme un grand communicant de l’optimisme, – d’aucuns diraient de l’arrogance, ou même de la naïveté –. Dans l’imagination d’une situation meilleure, Dakar serait comme la ville des Lumières et la date de cette mutation serait l’an 2000.

Cette image, Senghor la chantait avec ses mots choisis, avec sa politique d’éducation, avec sa politique culturelle, avec son amour pour les sciences, etc.

En pensant donc à cet illustre homme du Sénégal, je me félicitais que la croisée des chemins me donnât une occasion, une opportunité de participer à l’histoire future de ce pays. Nul besoin de dire combien ce sentiment était exaltant !

Dix ans plus tard, – mars 2012 – mars 2022 – que retiendra-t-on de ce que fit mon candidat ? En relisant les premières pages de Yoonu Yokkute* – devenu depuis lors PSE – je notais le chemin parcouru.

Des trois cibles prioritaires à l’époque, – monde rural, femmes, jeunesse – il aura engrangé de belles réussites sur le monde rural et avec les femmes, seule la cible jeunesse aura souffert de manque de résultats malgré les injections massives d’argent.

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Des cinq axes retenus d’alors :

•      Mettre fin aux injustices sociales,

•      Assurer les bases économiques du développement,

•      Atteindre une meilleure productivité,

•      Devenir un modèle de démocratie efficace,

•      Garantir la paix, la sécurité, la stabilité et promouvoir l’intégration africaine.

Ses fortunes furent diverses. Macky aura assurément réduit la fracture sociale et jeté les bases économiques du développement. Les programmes PUDC, PUMA, Promovilles, CMU, bourses familiales ont fait un bien fou au monde rural et ont changé la vie de plusieurs de nos citoyens. L’équité territoriale devient peu à peu une réalité. L’écart abyssal entre villes et campagnes d’alors, se comble petit à petit.  L’eau arrive un peu partout et l’électricité rurale devient une réalité pour beaucoup de nos compatriotes « des champs ». Les coupures intempestives d’électricité de 2011, ne sont plus que de mauvais souvenirs. En ce qui concerne les routes, je peux me rendre de Dakar à Cas-Cas dans le Fouta, sans jamais quitter le bitume, et en un temps record. Le pays a connu des avancées majeures en termes d’infrastructures. Il lui faudra encore cravacher pour une meilleure productivité agricole, pour nous assurer une autosuffisance alimentaire longtemps due. La démocratie restera un point noir de son bilan. Sous ses dix ans de présidence, elle aura reculé au Sénégal. Nous sommes passés de « démocratie imparfaite », en « régime hybride » à partir de 2019. Elle aura aussi reculé presque partout ailleurs, dans le monde durant cette période. Le Rwanda que nous admirons tant, et que nous citons volontiers en modèle, trône à la 34e place africaine selon l’indice démocratique*, soit plus de 20 places derrière nous !

Le président Sall est assurément un bâtisseur. Dans la lignée de Wade, il aura profondément transformé l’intérieur du pays. On pourra lui reprocher pèle mêle, les modalités d’exécution de ses projets, l’inefficience de la dépense, mais indéniablement des programmes sont réalisés et des résultats obtenus. À propos des routes qui sillonnent le Fouta par exemple, leurs habitants vous diront : qu’importe qui les réalise, pourvu qu’elles soient faites. Elles nous permettent de nous désenclaver et c’est ce que nous demandons. N’est-ce pas là l’essentiel pour eux ? Le quoi qu’il en coûte macronien fait des émules.

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Il faut avoir la nuque bien raide pour continuer, malgré les critiques souvent féroces, à engager les travaux d’infrastructure commencés ça et là : hier l’autoroute à péage, aujourd’hui le pont de Foundioune et, demain celui de Marsassoum. Le président maintient la cadence.

Plus proche de nous, dans le Sénégal d’aujourd’hui, un constat s’impose : tout est sujet à tiraillement et on assiste à de sempiternels recommencements. D’éternels travaux de Sisyphe avec des rochers en coton engendrant des rotations plus rapides. Nous tournons en rond autour des mêmes sujets : fichier électoral, parrainages, calendrier d’élections, affaires de moeurs. Nous tenons des débats vifs et passionnés sur des sujets secondaires comme si nous avions peur des vrais sujets qui concernent la vie des gens, des sujets auxquels nous devrions apporter des réponses si nous ne voulons pas continuer à voir ce beau pays sombrer.

La guerre en Ukraine a renchéri le coût de notre vie et a mis à nu notre dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur, tout comme le Covid avait mis à nu la fragilité de notre système de santé. Il aura fallu une pandémie et une guerre pour démonter les slogans tels que l’autosuffisance alimentaire. Jamais nous ne pensons que c’est collectivement que nous devons affronter les problèmes. Pourtant c’est dans des moments d’émotions fortes que nous avons montré notre force, et exprimé notre belle cohésion nationale. Quand une peur immense s’est abattue sur notre pays, comme partout ailleurs dans le monde, nous avons, sans moufter fait front commun, abandonnant notre chère liberté individuelle dans les mains d’un président auquel pourtant, la plupart d’entre nous ne faisait jusqu’alors guère confiance. L’opposition a accouru au palais pour prêter main forte à un président dans ses habits d’autorité comme rarement ce fut le cas. L’union sacrée face au Covid-19 fut le message à la nation. L’autre moment fort eut lieu lorsqu’une immense clameur, s’éleva de la fournaise du stade d’Olembe à Yaoundé là-bas au Cameroun, quand Sadio Mané, de rage transperça les filets égyptiens pour nous offrir une première Coupe d’Afrique des Nations si longtemps attendue. Dans les rues de toutes les villes du Sénégal, ce furent des déferlantes mugissantes de gens jetées par milliers dans les rues. Une ferveur incroyable s’empara du pays. C’était la fête partout. Jamais visages ne furent autant épanouis, jamais rancœurs ne furent autant tues. Les embrassades, les félicitations fusaient de tous bords. Des gens que je n’avais jamais vus se jetèrent dans mes bras, tant elles étaient transportées de joie et de bonheur. La liesse fut collective, et réelle. À part ces moments disais-je, chacun se la joue perso. Les coalitions fleurissent çà et là, véritables phalanstères bourrés de disputes, de coups tordus et qui ne tiennent que parce que chacun des membres a la certitude de perdre, s’il y va seul. Les alliances se font au gré des intérêts et de sordides calculs où le moi occupe une place centrale. Les menaces récurrentes de brûler le pays sont proférées et tiennent lieu de débats. Sur les ondes, les chaines de télévision et dans la presse écrite, notre vie publique n’en finit plus de caboter dans des mangroves de plus en plus nauséabondes. Pire, plus personne ne s’offusque de cette atmosphère délétère.

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Le président a une bonne occasion de s’élever au dessus de la mêlée, de rendre caducs ces challenges qui empoisonnent la vie nationale. François Bayrou n’a-t-il pas offert sa signature de parrainage à des partis extrémistes, qu’il combattait par ailleurs, juste pour qu’ils puissent être présents dans le jeu électoral ? Quel beau geste de démocrate ! Pourquoi le président n’enverrait-il pas un signe similaire ? Lui qu’on accuse d’utiliser le parrainage, pour éliminer des adversaires.

Ensemble, faisons taire les récriminations diverses des uns et des autres, apaisons le climat dans le pays pour qu’ensemble on le construise. Il le mérite.  Tel doit être notre seul et unique credo.

tsow@seneplus.com

Dr Tidiane Sow est coach en Communication politique.

Notes :

Yoonu Yokkute : Programme de campagne en 2012

PSE : Plan Sénégal Emergent

Indice démocratique : Source : The Economist Intelligence Unit







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