En dépit des très lourdes peines prononcées, ce 6 avril, au procès sur l’assassinat de Thomas Sankara, il demeure de nombreuses zones d’ombre, quant au rôle des principaux accusés dans la fin tragique, le 15 octobre 1987, de l’icône de la jeunesse africaine. Doit-on, pour autant, considérer ce procès comme un rendez-vous manqué du Burkina avec son histoire ?
Au-delà de la justice, pour les victimes, l’intérêt de ce type de procès réside, d’ordinaire, dans l’occasion qu’il offre, à une nation, de laver en famille l’intégralité de son linge sale, pour crever les abcès, vaincre la méfiance et les suspicions, et se mettre à rebâtir ensemble un avenir commun. Certes, les condamnations donneraient à penser que justice a été rendue. Mais, il se trouve, hélas ! que ce procès a un peu oublié de faire la lumière sur les mœurs politiques de l’époque, qui pourraient tout expliquer, y compris le sanglant feu d’artifice qui a coûté la vie à Thomas Sankara et à ses douze compagnons d’infortune. La vérité, essentielle, pour réconcilier un peuple qui a vécu de telles violences, aura terriblement manqué, dans ce procès, parce que certains ont déserté ou choisi de se taire.
Comment faire la lumière, lorsque, la plupart des accusés présents dans le box brillent, justement, par leur mutisme ou la dénégation ?
C’est une forme d’omerta qui les a desservis. Entre deux cures de mutisme, le général Diendiéré ne se privait pas de signifier à ses accusateurs qu’ils ne comprenaient rien à ce dont ils parlaient. Il aurait pu, de manière plus explicite, rappeler que dans un environnement de western, où tous avaient la main sur la gâchette, Thomas Sankara, toute une icône panafricaine qu’il était, n’en était pas moins un des leurs, avec une claire conscience des règles du jeu.
Blaise Compaoré, aurait pu, lui aussi, se présenter à la barre, en s’inscrivant résolument dans le registre de la vérité intégrale, en précisant le contexte, et même en plaidant la légitime défense. Car, si lui et ses compagnons avaient perdu ce jour-là, rien ne leur aurait été épargné. On se souvient, d’ailleurs, que dans son premier discours à la nation, il avait implicitement assumé cette mort violente de Sankara, qui n’aurait pas été prévue, et même pas voulue, disait-il. Avec une certaine dignité, il avait alors admis que son « ami » avait su incarner les espérances de leur peuple.