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Saint-louis Blues*

Autrefois l’on pouvait en toute sécurité

Se promener dans les rues tranquilles de l’île

Où souffle toujours cette agréable brise marine

Qui se mêle aux délicates senteurs fluviales

Dans le dédale des ruelles entrelacées L’on avait du plaisir à déambuler et flâner

Á la place Faidherbe l’on pouvait venir s’asseoir

Sur les bancs de pierre rustiques mais confortables

Sous l’ombre fraîche des grands arbres tutélaires

L’on y trouvait souvent des vieux du troisième âge

Venus pour prendre l’air ou refaire le monde Hélas !

Cette époque est aujourd’hui révolue

Les belles allées fleuries et les carrés de gazon

L’élégant jet d’eau et son joli bassin carrelé

Les bancs accueillants et les arbres aux essences rares

Tout cela a soudain disparu pour faire place

A un no man’s land désert et sans aucun attrait

L’on pourrait même croire qu’un mauvais magicien

Aurait d’un coup fatal de sa baguette maligne

Détruit cette place publique jadis si jolie

Pour la transformer en un cimetière de béton (A moins que ce ne soit un bazar à ciel ouvert)

Que l’on traverse triste et le cœur meurtri

Et certes à la vue de ce désolant spectacle

L’on ne peut à vrai dire que ressentir de l’amertume

Le dur et froid béton a tué la poésie de ces lieux

Tout à coup privés de ce qui faisait leur charme

La voie de dégagement qui jadis longeait le Rognat

Et permettait aux voitures de rouler sans encombre

Vers le pont Malick Gaye et la langue de Barbarie

Est elle aussi désormais fermée à la circulation

Provoquant embouteillages et carambolages

Au cœur de l’île à présent menacée d’asphyxie

Car sa principale artère est maintenant bouchée

Les piétons désemparés se sentent en danger

Et sont à tout moment menacés d’être heurtés

Par un camion fou ou une automobile sans freins

Roulant à toute allure dans un sens interdit

L’île est devenue un grand circuit automobile

Où de vrombissants bolides déboulent de tous côtés

Ajoutant au désordre et à l’anarchie ambiants

Devant l’ampleur des dégâts tout le monde se demande

Ce qu’il y a lieu de faire et comment rectifier le tir

Car tel est aujourd’hui le défi qui se pose

Á l’île de Ndar mais aussi à la langue de Barbarie

Pareillement menacée par l’érosion côtière

Qu’est venue renforcer une brèche meurtrière

Elle-même creusée en dépit de tout bon sens

C’est comme si l’on voulait gommer le prestigieux passé

De cette ville qui est pourtant le berceau du Sénégal Il faut le dire,

Ndar terre de culture et de symbiose

Cité magique et pétrie de spiritualité

Ville trois fois centenaire et chargée d’Histoire, Saint-Louis ne mérite pas d’être abîmée ou flétrie !

Nous devons tous la chérir et l’entourer de soins

Nous devons l’aimer l’entretenir et la protéger

Car elle est un héritage que nous avons en partage

Un patrimoine qu’il faut œuvrer à rendre immortel.

Louis CAMARA

Écrivain, poète, conteur Citoyen de Ndar

*Le titre de ce poème, qui m’a été inspiré par l’état préoccupant de l’île de Ndar, vient d’un air très populaire composé en 1914 par le bluesman Afro-Américain William Christopher Handy. Et encore ceci : Le traditionnel défilé du 4 avril qui s’est toujours déroulé sur l’île ne s’y est pas tenu cette année. Et pour cause : l’obstruction de l’ex-place Faidherbe a tout chamboulé et ne permettait pas qu’ait lieu la traditionnelle prise d’armes, suivie dans la ferveur par toute la population SaintLouisienne qui avait coutume de s’y donner rendez-vous à cette occasion. C’est bien dommage. Certaines innovations ne créent que des frustrations.







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