Je viens d’apprendre, avec indignation, par les médias occidentaux que le Royaume-Uni et le Rwanda viennent de signer un accord par lequel ce dernier pays accepte d’accueillir sur son sol les réfugiés indésirables en Angleterre en contrepartie de quelques poignées de livres sterlings.
Cette entente intervient au moment où les Anglais viennent de prendre unilatéralement la décision spectaculaire d’héberger sans conditions cent mille Ukrainiens qui fuient la guerre qui ravage leur pays. Pourquoi cette politique de « deux poids, deux mesures » ? Le droit international serait-il à géométrie variable selon l’origine des demandeurs d’asile ? Le droit à la protection contre la souffrance et la mort serait-il sélectif selon la provenance des individus en danger ?
Ceux que l’on qualifie de réfugiés économiques ne sont-ils pas exposés à la précarité, la souffrance, la misère quotidienne qui leur ôtent toute perspective de vie décente. Peut-on leur reprocher leur tropisme vers les pays ultra-riches qui ont bâti leur fortune sur l’exploitation à outrance et sans contrepartie, pendant des siècles, des ressources des pays dont ils rejettent aujourd’hui les ressortissants ?
Cet accord auquel nous assistons aujourd’hui qui ressemble à une entente tendant à organiser un trafic officiel d’êtres humains entre deux Etats dont l’un se réclame berceau des droits de l’Homme, l’autre encore meurtri par un génocide fraternel sans précédent, rappelle l’ignoble et triste commerce des esclaves mis en place pendant des siècles par les colons Européens en particulier Anglais, pour la mise en valeur de leurs colonies en Amérique – qui avait propulsé l’Europe au rang de première puissance mondiale, rang qu’occupe aujourd’hui encore l’Occident dans son ensemble.
Ainsi l’Afrique qui a servi et sert encore de réservoir de main d’œuvre et de matières premières aux pays développés assiste au rejet de ses fils par un monde dont elle a été et est encore un pilier majeur de sa prospérité. Cet accord est, au-delà de son indécence, un accord de dupes. Le petit territoire du Rwanda qui sera vite saturé pourra-t-il résoudre à moyen et long terme le problème d’expulsion des immigrés indésirables du Royaume-Uni ? Ma crainte est que cette opération suscite une émulation chez d’autres dirigeants Africains cupides et corrompus, à la recherche permanente de fortune personnelle.
Dans cette transaction, les Britanniques ne manqueront pas de procéder à un tri sélectif des réfugiés en n’envoyant aux Africains que des « déchets » dont ils ne veulent pas, transformant ainsi l’Afrique en une déchetterie d’êtres humains pour le monde riche enfermé dans ses égoïsmes. Ces indésirables qui seront probablement sans qualifications professionnelles pourraient comprendre en leur sein des terroristes et autres activistes susceptibles de déstabiliser les sociétés et les régimes politiques africains qui ont besoin d’un climat apaisé pour bâtir leur développement. D’autre part, comment s’assurer que le Rwanda pourra contenir ses nouveaux « hôtes » à l’intérieur de ses frontières sans risque de les voir s’échapper et se disséminer dans les pays voisins dont certains n’en voudraient pas avec la menace de provoquer des conflits entre Etats et de créer de nouveaux foyers de réfugiés potentiels qui chercheront à rejoindre à leur tour l’Occident ?
Ainsi le Royaume-Uni en renvoyant sa patate chaude au Rwanda ne risque -t-il pas d’engendrer une poudrière de plus dont l’Afrique n’a pas besoin ? On sait que les Occidentaux ont échoué à convaincre les pays d’origine d’accueillir leurs ressortissants refoulés. Pourtant les Anglais ne manquent pas de pays bien placés pour abriter ce genre d’opérations. C’est le cas de l’Australie et du Canada, deux déserts démographiques membre du Commonwealth, conquis par les Britanniques aux siècles précédents et dont la Reine d’Angleterre est le Chef de l’Etat.
Face à autant de mépris, d’inconsidération, d’avanie nous devons revisiter notre Histoire pour mettre fin à l’humiliation et au déshonneur auxquels nous sommes constamment exposés afin de préserver notre dignité et notre respectabilité. Nous ne serons traités de plain-pied par nos partenaires que si nous commercions avec eux dans un esprit d’égal à égal, sans complexes d’aucune sorte et comptions davantage sur nous-mêmes pour prendre en charge notre propre destin.