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Entente Criminelle Contre La SantÉ

Entente Criminelle Contre La SantÉ

Aucun décompte, aucun bilan humain de ces journées ne sera fait. Ou même si, dans l’improbable, il était fait, personne ne voudrait le rendre public.

Trois jours durant, toutes les formations hospitalières publiques sont restées fermées. Et même là où on était censés assurer le service public, on entrevoyait à peine une blouse blanche, bien pressée de faire remarquer que «tout le monde est en grève».

 Cette situation de paralysie de l’hôpital public est née de l’inculpation de quatre sages-femmes de l’hôpital de Louga, à la suite du décès, dans des souffrances, de Mme Astou Sokhna. Leurs collègues, à travers tout le pays, se sont solidarisées et ont décrété un mot d’ordre de grève, porté par tout le corps médical. Car hier, les pharmaciens se sont engouffrés dans la brèche.

Le mot d’ordre des sages-femmes du Sénégal était terrible de cynisme : «Journée sans accouchement.» Comme un avertissement à toutes ces femmes dont les grossesses sont arrivées à terme et qui n’auraient d’autre recours que les services publics de santé.

Sous le prétexte de se sentir menacés pour avoir fait leur travail, les personnels de la santé, sous l’égide de leurs syndicats, ont voulu ainsi frapper un grand coup en attirant l’attention de l’opinion. On pourrait ajouter, quitte pour cela, à faire d’autres victimes comme Astou Sokhna, telles que l’on en a recensées à certains endroits du pays. Car ceux qui pâtissent des carences des services de santé dans ce pays, ce n’est pas le petit nombre de personnes ayant les moyens de se diriger dans les cabinets médicaux privés et les cliniques privées appartenant, pour une bonne partie, à des médecins et professeurs d’université, payés par l’Etat.

La peine et les souffrances des nombreux malades ordinaires ne suscitent, chez ces gens et leurs semblables, qu’haussement d’épaules. La preuve en est donnée par l’indifférence qu’a rencontrée le mouvement de grève dans les hôpitaux. Le chef de l’Etat n’a pas jugé nécessaire, avant de s’embarquer pour Djeddah, de décréter la réquisition de certains fonctionnaires. Il n’a d’ailleurs eu aucun mot là-dessus. Son ministre de la Santé en a à peine fait mention au cours d’une émission à la télévision. Et c’était pour rappeler, comme son chef, les efforts déjà fournis par l’Etat en termes de construction et d’équipements des hôpitaux.

Aussi bien les pouvoirs publics que les médecins, les sages-femmes et pharmaciens auraient pu être poursuivis pour association de malfaiteurs ou entente pour commettre d’un crime. Comme nous le disions à l’entame de cette réflexion, aucun décompte ne sera fait des malades qui seraient morts ou dont les cas se seraient aggravés faute d’avoir été secourus du fait de cette grève. C’est vrai que dans certains postes de santé, des femmes ont été «secourues par humanité» et que des malades ont pu être pris en charge dans les centres militaires de santé, dans des camps militaires. Pour ceux-là, combien n’ont pas eu cette opportunité ? Le plus choquant est que tout le monde va faire, à la fin, comme si de rien n’était.

Après la grève, la vie va reprendre son cours normal. Jusqu’au prochain incident, aux prochaines tragédies et à l’émotion qu’elles vont susciter. Et ainsi de suite. Il est plus que temps d’en finir. On ne peut pas toujours cacher les problèmes sous le tapis, en espérant les laisser à nos successeurs. Si on peut remercier et féliciter le Président Macky Sall d’avoir pu construire plus d’hôpitaux que chacun de ses prédécesseurs, on a également le droit de ne pas accepter le sort qui est réservé à Le Dantec, où les médecins qui y servent ont dernièrement attiré l’attention de manière dramatique. C’est dire qu’au-delà de l’émotion, il serait temps que l’on accorde à notre système de santé la même attention que celle qui est dédiée, par exemple, aux questions de mobilité.







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