Les accidents de la route ont fait huit morts au moins ces derniers jours. Le conseil des ministres de mercredi dernier a, de nouveau, déploré la sinistralité routière. Une agence nationale de sécurité routière a été mise en place. Un nouveau code de la route est en voie d’application. Il faut tout mettre en œuvre pour freiner l’hémorragie.
Mais on a beau insister sur de pareils outils, le mal et la racine se trouvent ailleurs. C’est la non-maîtrise du parc automobile qui constitue le nœud gordien du problème. Les tas de ferraille et d’épaves déversés constituent une arme redoutable braquée en direction des paisibles citoyens. La propension à vouloir une chose et son contraire est une schizophrénie qui défie toute logique.
Le président de la République a appuyé la sonnette d’alarme en procédant au lancement du Ter quand il disait : « Avec moins de 0,3% du territoire national, la région de Dakar concentre plus de 25% de la population et près de 70% de l’activité économique. Dakar concentre également l’essentiel du parc automobile et enregistre 40 000 nouvelles immatriculations par an, alors même que la région ne dispose pas d’un système de transport de masse fiable et prévisible ». Tout est dit. Il y a macrocéphalie et recours immodéré à la voiture.
L’automobile a pris trop de place. Elle balafre les paysages. Ce n’est plus tenable. Objet de désir et de plaisir, célébré tel un veau d’or, cet engin génère aujourd’hui plus de soucis qu’il n’en résout par la vie qu’il facilite.
C’est une source d’accidents horribles. 600 tués chaque année. Sans compter les innombrables blessés et traumatisés. La voiture crée énormément de pollutions, les gaz à effet de serre et les maladies cardiovasculaires. Le scandale du carburant sale et toxique vendu comme de petits pains en Afrique de l’Ouest est frais dans les mémoires. Le pot aux roses a été relaté en 2016 par une ONG suisse. Le gasoil qu’on utilise contiendrait 300 fois plus de soufre, donc de substances toxiques. Reste à savoir si le problème a été résolu depuis ce temps.
Un véhicule est aussi très encombrant. Les embouteillages n’en sont qu’à leurs débuts. Chacun et chacune entend disposer de son joujou. Il ne faut pas leur mettre des bâtons dans les roues. Mais il est urgent de réguler en rendant l’accès à l’automobile plus contraignant. Sans des mesures drastiques, on en finira jamais de verser des larmes de crocodile après chaque accident tragique.
On se berce peut-être d’illusions en voulant croire que quelque chose sera entrepris dans ce sens. La voiture est une poule aux œufs d’or pour les caisses de l’Etat. Après acquisition, le moindre fait et geste aux fins de la mise en circulation est taxé. De l’essence à la paperasse sans omettre les péages et les frais d’entretien. C’est un luxe qui coûte beaucoup trop cher. Dans de nombreux États, les propriétaires sont vus comme des pigeons qu’on déplume. Passer à la caisse est monnaie courante chez les conducteurs.
Le véhicule est plein d’ennuis. Tout le monde s’y complaît. Les maires parlent, à leur tour, plus de pavage que de la place de la voiture dans la cité. Aucune idée de zones piétonnes, nulle part. La panne d’idées neuves est consternante. Aucune tentative non plus dans la prévention en direction des enfants, des personnes vulnérables et à mobilité réduite. La voiture est une arme massive.
La grande insécurité routière au Sénégal, dépotoir de vieilles guimbardes d’Europe, en atteste. Il y a beaucoup trop d’homicides « involontaires » sur nos routes. Pour arriver à faire respecter le code de la route, il faut d’abord corser les sanctions prévues par le code pénal. Dans un pays où l’on a oublié que la vie est unique et sacrée, tout laxisme et toute incompétence s’avèrent plus dangereux que le camion fou ou le chauffard qui sèment le malheur jour après jour dans les artères du Sénégal.