Oh ! regarde le train, là-bas, au loin dans le paysage, …», me suis-je émerveillée l’autre dimanche, de retour vers Dakar. Comme si cela était la première fois ? Souvenirs du train du pays enfouis dans ma mémoire ? Quelle joie de les faire resurgir ! Eh oui ce train que l’on avait quasiment oublié, et pourtant ! Hamidou Anne a écrit dans un quotidien de la place, un certain mardi 29 mars 2022, à propos du TER, qui l’a « reconnecté aux souvenirs de son enfance ».
J’adore le train. Ce « billet » si bien pensé, si bien écrit que j’ai eu plaisir à lire et à dire, a réveillé en moi des souvenirs …
Ceux de mon enfance, où en famille, on allait visiter les parents à Rufisque, à Thiès …
Thiès et Saint-Louis m’auront offert mes plus belles vacances d’ado. Nous allions avec les amies voir les grandes sœurs en poste là-bas. Loin des parents, le temps des vacances, au milieu de bandes de copains-copines, des sœurs … À nous la liberté !
Merveilleuses tranches d’adolescence, en partie formatrice de ce que nous sommes aujourd’hui devenues. Ah lala ce train-là, qui souvent mettait une journée, pour faire les 300 km nous séparant de notre point de départ. Ce train que l’on attendait des heures, parce qu’en panne quelque part vers …
Et surtout que l’on attendait avec une grande philosophie, laissant nos quelques bagots sur le quai, sans aucun risque, pour aller flâner dans ce Dakar peu encombré de l’époque, pas du tout pollué…
Ou encore ce train allant à Saint-Louis qui s’amusait à tomber en panne, quand on pensait être arrivés, genre à la gare de Mpal, ou à Rao …
Cette grande convivialité entre passagers, avec des arrêts épiques dans ces belles petites gares où les marchandises passaient de partout, portes, fenêtres, pour s’introduire dans le train. Certes nous étions dans les années 60 mais, n’est-ce pas peu de temps, à l’échelle d’une vie de ville, de pays ?
Alors oui, il me fallait le prendre ce TER-là ! J’avais plusieurs plans en tête. Celui d’aller visiter ma jeune sœur qui travaille dans les fameuses sphères ministérielles. « Quand le train arrivera làbas, et que je pourrais m’attabler à un bistrot en t’attendant … », lui avais-je promis. Le rêve !
Ou encore : « Hé les filles allons faire les belles, un dimanche après-midi à Rufisque, pour admirer les gares si bien réhabilitées, prendre une charrette et nous pavaner à travers ce si beau cœur de ville encore épargné ».
Finalement, seule comme une grande, et au sortir d’une réunion à la mairie de Rufisque, j’ai dit à mon collège avec qui j’avais fait le voyage aller depuis Dakar- Point E en pratiquement une heure : « déposes-moi à la gare ! ».
Il s’est un peu moqué de moi en me demandant si je n’avais pas oublié la ville dans laquelle j’ai entraîné mes étudiants durant des années en visite pédagogique ? Ingrate es-tu, aurait-il pensé ?
Honte à moi ! Ce nouveau tracé m’avait fait perdre un peu mon bon sens de l’orientation car en fait, il ne m’a fallu que traverser ce mythique boulevard Maurice Guèye, nom évocateur, plus poétique que la RN 1, qu’elle est de fait et que nous avons rêvé de requalifier avec les étudiants, pour laisser aux Rufisquois et à tous une ville plus homogène, non coupée par cet axe si dangereux.
Arrivée sur cette place de la gare – selfie – entrer dans le hall de gare -selfie– admirer ceci et cela, arriver sur le bon quai -selfie – entendre le train arrivé à l’heure – entrer dans le train en 1ère classe question de tester – selfie – admirer l’uniforme des contrôleurs et pour l’occasion une contrôleuse – selfie – arriver dans la gare de ma ville, celle que j’aime plus que toutes les autres villes – selfie!
Les enfants m’auraient taxée de « wacc’bess » ou encore « dago’, gahou… » que sais-je ! Tout cela est tout-à-fait juste sauf que j’étais en plus très émue, heureuse de ce train. Même si …
J’ai regardé à travers la vitre le paysage et je n’ai pas fait de selfie.
Je me suis surprise moi-même, puisque dans ce compartiment nous n’étions que 2, à aller d’un côté à l’autre dans ma rangée, pensant que le paysage serait différent. Que nenni !
Jusqu’à pratiquement Hann, que du béton, des maisons inachevées, les unes sur les autres et parfois limite sur l’emprise du rail. Je serai tentée de dire une horreur, en fait l’envers du décor que l’on a, côté autoroute. Et tout comme de ce côté-là, celui de l’autoroute, j’ai cherché les arbres vainement.
À la question d’un ami étranger : « mais pourquoi tout cet inachevé sur le tracé de la route, dans les quartiers … ? J’ai dû bredouiller quelques justificatifs, peu crédible j’ai dû être. C’était il y a longtemps, et les choses continuent d’empirer dans la course à la maison inachevée, toujours plus proches de l’obstacle, l’autoroute, le train. ça pousse comme des champignons de béton et …même la forêt classée n’est pas épargnée, on la sent grignotée de jour en jour. Serait-ce une illusion ?
Le tracé du train, celui de l’origine, donnait aux voyageurs les meilleurs « points de vue », pour susciter l’envie de voyager, regarder par la fenêtre et voir des paysages, mais aussi des villes agréables.
Le train doit être un formidable moteur touristique donc un levier économique pour le pays.
Histoires de train, ai-je dit !
Oui bien sûr, et quelques-unes très évocatrices, comme ce trajet Addis-Ababa /Harare. J’ai été éblouie dans cette Éthiopie du Raïs, pauvre pour la plupart des Ethiopiens, mais si riche dans sa diversité culturelle et ses paysages, allant de la plaine à la montagne, de la steppe à la forêt … Une merveille ce pays ! C’était il y a exactement 50 ans, un jour de Ramadan, et la coupure, moment de grand partage, sûrement avec des dattes, je ne me souviens plus, mais ce dont je suis certaine, c’est bien cette herbe folle nommée « Qat » qui circulait tranquillement …
Le train de mes années étudiantes en France, consommé sans limite d’ailleurs, car voyageant avec des cartes de réduction frauduleuses, le billet me revenait à presque rien. Des bêtises de jeunesse ! Et comme à l’époque « tous les nègres se ressemblaient », nous en avons usé sans vergogne.
On allait là où « le point de vue » est soigneusement travaillé au grand dam des ultra-écolos et pour le plaisir des yeux, quand même.
Ayant quittée Paris dans la nuit je me suis réveillée au petit matin, le train au ralenti dans un chemin étroit bordé par de très hautes montagnes enneigées. Angoissée, totalement j’étais, moi du bord de mer.
Et au point où j’en suis, pourquoi ne pas m’approprier les histoires des autres ?
Mon amie a testé le TER pour arriver à la Somone, venant de Dakar plateau, et ensuite « Allo Taxi » l’a déposée devant son autre chez elle, diminuant en partie le stress de la conduite… Elle adore ! Même si elle a cherché l’ascenseur en pensant aux personnes à mobilité réduite, à celles avec de lourds bagages …
Je pense aussi au voyage en train de mes amis baroudeurs des années 70 qui, de Dakar à Bamako, bus jusqu’à Ouaga, puis le train jusqu’à Abidjan, nous avaient régalé à travers leurs carnets de voyage si bien relatés dans la revue culturelle de référence de l’époque, « Warrango », nous donnant envie de suivre leurs traces.
Autre souvenir : Un jour, ma grande sœur demande à notre maman si je pouvais l’accompagner voir son amie quelque part. « Nous irons en train », avait-elle lancé pour rassurer.
À peine sorties de la maison, nous voilà sur le bord de l’autoroute à faire du stop jusqu’à destination, quelque part dans les montagnes, et pour aller retrouver son amoureux.
Très heureuse de cette expérience autour d’histoire de train sentant le gentil mensonge !
Aucun regret, que de bons souvenirs, et je sais être bon cobaye.
J’avais 15 ans ! Le train finalement mène à tout.
Alors oui le train est indispensable à Dakar, au Sénégal
Mais comment avons-nous pu ne pas résister à cet ajustement structurel qui nous en a privé pour arriver aujourd’hui à ce train-là qui aurait dû, à ce prix là, aller jusqu’en Casamance, jusqu’après Tambacounda, dans nos montagnes à nous ?