Il est des tragédies qui ouvrent les yeux de ceux qui se voilent la face. Des électrochocs de nature à faire réagir, par le prisme de la justice, des hommes de pouvoir qui ne comptent guère sur leur système de santé national lorsqu’ils ont des égratignures. L’indigence de certains déserts médicaux africains n’est guère une nouveauté. Pourtant, une fois l’émotion canalisée, un drame flagrant et médiatisé engendre parfois un débat salutaire. Et celui-ci ne porte pas seulement sur les moyens financiers et techniques, mais sur l’investissement humain…
Au Sénégal, il y a moins d’un mois, Astou Sokhna mourrait en couches dans un hôpital public de la ville de Louga, après avoir demandé en vain une césarienne. L’étonnante célérité de la tenue du procès indique déjà à quel point l’affaire revêt une portée symbolique. En témoignent aussi l’affluence du public dans un Palais de justice sous haute surveillance policière, le flux incessant des débats sur la Toile, les pétitions, les manifestations et autres avalanches de témoignages sur la mortalité des femmes enceintes ou en couches. Au diapason de cette onde de choc selon les uns, ou conscient du buzz, selon les autres, Macky Sall, le chef de l’État, avait promis que « toute la lumière » serait faite sur ce drame.
Alors que le procès a repris le 5 mai – coïncidence, pour la journée internationale de la sage-femme –, six maïeuticiennes de l’hôpital de Louga sont poursuivies dans ce dossier, inculpées pour « non-assistance à personne en danger ». Le procureur a requis une peine d’un an de prison, dont un mois ferme, pour quatre d’entre elles, et la relaxe pour les autres.