Un mot, juste un petit « vous », de Serge Djorie, ministre la Communication et porte-parole du gouvernement centrafricain, à Guillaume Thibault, (journaliste à RFI, ndlr), vous a semblé tomber particulièrement mal à propos, cette semaine où l’on commémorait la journée mondiale de la Liberté de la presse. Qu’y avait-il donc de si gênant dans ce seul « vous » ?
Il convient de rappeler que le ministre était interrogé sur les conséquences de la décision du FMI et de la Banque mondiale de surseoir à tout décaissement en faveur de la RCA, pour ne pas avoir à verser indirectement leurs honoraires aux mercenaires auxquels le gouvernement centrafricain nie toujours avoir recours. Ce coup dur pour les finances centrafricaines intervient moins d’un an après la coupure, par la France, de son aide budgétaire à ce gouvernement. Avec un évident agacement, Monsieur Djorie rétorque à Guillaume Thibault que cela n’inquiète personne, puis il lance : « Je pense que c’est un chemin de l’indépendance que vous êtes en train de nous apprendre ! ».
Ce « vous » tendrait à signifier à Guillaume Thibault que lui et le gouvernement français ne font qu’un, englobant même, pourquoi pas, le FMI et la Banque mondiale. Une telle insinuation trahit une conception singulière du métier de journaliste.
Peut-être l’a-t-il dit, parce que RFI est un média au financement public…
Les journalistes des médias financés par l’État ne sont pas, partout, aux ordres. Sous certaines latitudes, ces journalistes finissent en prison, sont empoisonnés, ou même assassinés, parce qu’ils osent, justement, exercer leur métier dans le respect d’une certaine déontologie. Ailleurs, ces journalistes, par leur sérieux et leur rigueur, embarrassent quotidiennement les pouvoirs politiques. Ils font même, parfois, tomber des politiciens puissants, voire des gouvernements. Certes, à l’intérieur de chaque système politique, il y a des nuances, des subtilités, le pire et le meilleur, qu’il importe d’intégrer à toute analyse crédible.