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El Hadji Sy Ou La Syntaxe En Art

« Mon propos n’est pas audible, il est visuel !» Ma rhétorique est silencieuse, nous-dit Elhadji Sy, elle se capte par la vue.

C’est donc en oxymore qu’Elsy a décidé de définir sa prise de … parole ! Cette figure de style, qui postule une apparente contradiction, traduit en fait toute la complexité de son œuvre. En réalité, l’Art d’Elsy n’interpelle pas que la vue, encore moins le toucher ou l’ouïe d’ailleurs ! Il ne met pas sur orbite un sens, pris isolément. Il sollicite tous nos sens humains à la fois, d’un coup les inhibe, d’un autre les apaise !

Refusant le cantonnement dans un style prédéfini, Elsy use de tous moyens et outils (de la peinture à huile à l’acrylique, du goudron au crayon noir, de l’encre, à la peinture à eau, indifféremment) et sur tout support à portée de peinture : toile ou toile de jute, papier mâché, papier craft, bois, sous verre, murs de béton, mosaïque de carreaux….

Figuratif ? Abstrait ? Mixte ? je vais rester honnête : je ne sais pas !

Malgré les nombreuses années, noyé dans les immenses pièces d’Elsy, de longues heures assis, en spectateur, ébahi de voir « sortir de toile » autant d’émotions et d’éléments, je n’ai toujours pas la réponse à cette question ! J’abdique ! À quoi bon savoir ? Qu’y a-t-il à savoir au fait ? et pour quel usage d’ailleurs ?

Elsy, en toute espièglerie comme à son habitude, échappe à notre tendance naturelle à vouloir catégoriser ou classer. Dakar d’abord, son laboratoire, sa source d’inspiration, qu’il ne quitte jamais longtemps ; ensuite de Sao Paulo à Bale, de Berlin à San Francisco, Francfort, Johannesburg, Varsovie, Washington, Elsy s’installe, de manière volatile, sur l’univers transformé pour la circonstance en support multidimensionnel, pour partager avec le monde l’ensemble des « humanités qu’il porte », selon ses propres mots.

Oui, en effet, la peinture d’Elsy est un humanisme, une œuvre à la fois d’avant-garde et bien de son temps, évolutive mais constante dans son engagement militant, anticonformiste, voire « déviante » mais très ancrée, et sans complexe, dans les influences authentiques du foisonnement culturel d’un Sénégal postcolonial en quête de réappropriation de son imaginaire remodelé.

Qu’attendre d’autre de celui qui, pour « (…) fouler du pied (…) » les préceptes d’un Art Nègre contingenté dans le sillage de la bienpensante École de Dakar, « clone » de l’École de Paris, a, à un moment donné, décidé de peindre avec ses pieds ?

N’a-t-il pas osé, en plein vernissage, bousculant bienséance et protocole, jeter à la figure des autorités officielles, la représentation en sculpture, d’un bateau chavirant, portant en son sein les restes anonymes de victimes de la tragédie du bateau le Joola ?

Qui encore, lors de la première édition de Dak’Art en 1992, a décliné l’invitation des autorités par un retentissant épistolaire « Je ne suis pas quelqu’un qu’on invite quand recevoir me revient » ?

Elsy donne aux contemplateurs de ses œuvres, à ses contemplateurs tout court, une alternative claire : apprécier ou … apprécier ! On ne sort pas indemne de son œuvre ; en sort-on d’ailleurs ? On y reste, scotché, absorbé par la gravité des traits, la profondeur insaisissable des émotions, la versatilité du style…

Peut-être en ai-je finalement trop dit sur quelqu’un qui considère que son « (…) art est une syntaxe visuelle », qui parle, sans mot, sans son et n’en attend aucun en retour !

Trois (3) ans, après sa brillante flash-expo « 7 Portes Pour Entrer En Peinture » au musée de l’IFAN, Elsy, rare et précieux, nous revient dans cette édition du Dak’Art 2022, en OFF collectif (Esprit Boulangerie à Ouakam), et en solo au Plateau (Galerie Selebe Yoon) ! En force et en douceur ! Oxymore, a-t-on dit !







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