J’ai connu PPDA le journaliste star et le sportif avec qui j’ai partagé des compétitions. J’ai aussi connu le harceleur. Il n’y a pas d’autre mot. Un supérieur hiérarchique qui vous appelle régulièrement la nuit pour vous demander si vous dormez nue, qui n’arrête pas tant qu’un homme n’est pas allé lui parler, ça n’est pas de la drague pour moi.
J’ai aussi connu l’agresseur. Un soir où il était fragilisé par l’anniversaire de la mort de sa fille j’ai accepté de dîner avec lui, après 10 ans à la rédaction. J’avais mis les choses au clair, à plusieurs reprises avant d’accepter. Il a été charmant puis a brusquement changé de regard et m’a attrapée et touché les seins, suppliant pour une relation sexuelle. J’ai été virulente, menaçante, il m’a laissée partir.
Que ce serait il passé si j’avais été prise de panique et de sidération ? Aurait il pris l’absence de réponse pour du consentement ?
J’appréciais Robert Namias, directeur de la rédaction. Nous étions arrivés ensemble à l’émission du petit matin à TF1. Il voulait féminiser la rédaction et m’a promue durant ma carrière. Lui n’a jamais eu de comportement déplacé. Je lui ai parlé de ce qui s’était passé avec PPDA. Sa première réaction a été de me dire que cette affaire s’était déroulée entre adultes, à l’extérieur de TF1. Puis il s’est ravisé et engagé à s’occuper du problème.
Il existait un système PPDA, hors des normes sociales de l’époque. Il avait un salaire hors norme, une vie professionnelle hors norme et des droits qu’aucun autre professionnel n’avait. J’ai l’intime conviction que tout le monde savait que PPDA harcelait les jeunes femmes, qu’il avait les mains baladeuses, au-delà de simples baisers dans le cou. Mais qu’il allait jusqu’au viol nous ne le savions pas, je ne le savais pas sinon jamais je n’aurais accepté de dîner chez lui.
Je suis en colère contre notre arsenal juridique français. Il était impensable de témoigner à l’époque de sa toute puissance : qui nous aurait donné credit ? Et maintenant nous sommes prescrites juridiquement. Trop tard !
Quand nous regardons les chiffres des viols, 135 000 viols par an (mineurs compris) soit 1 viol toutes les 4mn, et seulement 1% condamnés, nous devrions avoir honte et ré-interroger notre droit. J’espère que notre combat à Metoomedia y contribuera.
Patrick Poivre d’Arvor a déclaré aux enquêteurs se souvenir « d’un jeu de séduction de part et d’autre » avec Cécile Thimoreau. Sur les appels téléphoniques, il dit : « Je n’ai jamais fait cela ». Sur les faits décrits par Cécile Thimoreau lors du dîner, il affirme: « J’ai dû lui faire des avances, légères, à la fin du dîner, et surtout pas dans la contrainte ».
Robert Namias, ancien rédacteur en chef du « 20 heures » et directeur de l’information a expliqué à Mediapart n’avoir « aucun souvenir » d’une alerte de Cécile Thimoreau. « ça ne veut pas dire que ça n’a pas existé », nous a-t-il répondu, comme il l’a déclaré à Libération.
Cécile Thimoreau est journaliste, secrétaire générale de MeTooMedia