Le pétrole attire. La ressource fait l’objet de savants calculs (de coûts et de prix) au gré d’un marché fluctuant. Le baril s’échange à 120 dollars sur les principales places de rating. Deux ans plus tôt, le même baril valait moitié moins. Dans les vingt plus grands marchés, l’énergie fossile n’a plus la cote. Son horizon s’assombrit à mesure que prospère l’énergie propre.
La conversion amorcée décourage-t-elle pour autant les futurs producteurs de l’or noir douchés par cette inversion de perspective annoncée ? Rien n’est moins sûr. En revanche, ce qui se perçoit comme une probable rectification de trajectoire économique traduit une sourde volonté de freiner un autre élan d’émergence sur un autre théâtre d’opérations.
Habitués au vertige et soudain pris de panique, les Occidentaux vivent mal l’époque présente qui leur échappe progressivement. Ils sont à la traîne face à d’autres régions du monde en expansion. Ils tiennent tant à l’indépendance et à la prospérité qu’ils les considèrent comme des acquis exclusifs du monde libre.
Peu importe que le prix du pétrole ou du gaz augmente ou baisse en valeur absolue, l’essentiel pour eux c’est d’avoir un accès facile à ces matières, d’en contrôler les prix, de fixer les quotas et de réguler le marché au gré des variations conjoncturelles. Pourvu simplement que rien ne vienne perturber ou compromettre leurs sources d’approvisionnement.
Par ailleurs, ils ne supportent guère que d’autres qu’eux-mêmes légifèrent ou participent à la gouvernance mondiale. Instruits par l’expérience vécue avec l’OPEP des décennies durant, ils redoutent que l’élargissement de la base de richesses par l’accroissement de revenus ne débouche sur un rééquilibrage des enjeux géostratégiques aux contours toujours mal définis.
N’avait-on pas en son temps prêté à l’OPEP, devenue incontournable, l’intention d’ébaucher un nouvel ordre économique mondial ? L’alors puissant ministre saoudien du pétrole, Cheikh Zaki Yamani n’excluait pas de contraindre l’Occident à transférer 25 % de son parc industriel vers les pays du tiers-monde. Le pétrole est une arme.
Les pays qui détiennent la ressource, sans les moyens de le valoriser, souffrent en secret, ballotés entre plusieurs hypothèses sur fond de surenchères entretenues pour maintenir la volatilité des rendements au sein de la solide organisation supranationale.
Ce même Occident, et particulièrement l’Europe dont la France, l’Angleterre et l’Allemagne, incitait les pays producteurs à gaspiller leurs stratégiques ressources pour le bien-être de sa population aisée. Le pétrole c’est du bruit et des fureurs aussi. Cet univers clos, si singulier, s’accommode mal d’un plafond de verre et oscille entre « opacité » et « désinformation ». Transparence, connait pas !
Quand on voit aujourd’hui une palanquée d’ONG revendiquer une gestion raisonnée des matières premières convoitées à l’échelle du monde, on se demande si elles n’oublient pas que l’autre nom du pétrole c’est « or noir ». Qui ne brille ni ne luit. C’est plutôt la boue et la gadoue. Malgré ces exécrables conditions d’extraction, le pétrole reste un enjeu de pouvoir.
Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer la scène politique sénégalaise truffée d’acteurs loufoques, absurdes et cyniques, qui se prennent, hélas, très au sérieux dans le débat sur les hydrocarbures. L’exacerbation de l’adversité politique qui s’observe en moment ne s’explique autrement que par l’appétit qu’aiguisent les produits pétroliers, objets de toutes les convoitises, des plus saines aux plus obscènes.
Dans un an le gaz et le pétrole seront disponibles au Sénégal, selon des prévisions optimistes. Quels scénarios pour des simulations de débouchés, d’achats et de vente de ces produits érigés au rang de « classe mondiale » ? Il n’échappe à personne que l’objectif de vente des ressources attendues présuppose l’existence d’un marché économique réel.
Soyons attentifs aux jeux concurrentiels auxquels vont se livrer prochainement producteurs, raffineurs et dans une moindre mesure distributeurs. L’âpreté de la concurrence engendre (le plus souvent) des surproductions qui saturent un marché incapable, prime à bord, d’absorber les quantités disponibles. Celles-ci agissent sur les prix qui glissent tantôt à la hausse quand la production est ajustée ou tantôt à la baisse en cas d’abondance.
Une intense rivalité n’est pas à exclure si, en amont, le Sénégal ne modifie pas en substance sa politique économique en lui imprimant davantage de rigueur. Car les calculs, voilà le jeu favori des pétroliers. Que nous coûte l’exploitation du pétrole rapportée aux gains qu’elle procure ? A quel prix faudra-t-il préserver l’environnement en sachant que la ressource est épuisable et substituable à la fois.
La fragilité de la planète provient pour partie de la gravissime frénésie de consommation de biens qui se raréfient à un rythme plus qu’inquiétant. Sur le triangle Thiès-Mbour-Dakar, s’étendent à perte de vue des agglomérations. Sur l‘axe Dakar-Saint-Louis par le littoral, s’agrègent des cités.
Ces cartes postales inédites préfigurent les villes de demain bâties de manière hâtive et agressive sans souci d’intégration de l’écologie dans un futur qui se dessine déjà. Des terrains « achetés au prix du désert et revendus au prix de l’oasis » transforment cette exubérante zone des Niayes en un gigantesque amas de ciment, de fer et de béton. Danger.
La différence doit s‘opérer dans la conjugaison des intelligences collectives pour tirer profit de nos ressources, prélever des quotes-parts réservées aux générations de demain et moins heurter l’environnement, parce qu’en la préservant l’homme se sauve.
A-t-on assisté cette semaine à une prémonitoire anticipation sur les marchés financiers internationaux ?
Leur rôle accru coïncide avec l’essor des services de notation. Non seulement le marché des capitaux se décloisonne mais il se globalise en même temps. Or l’intégration rime avec la suppression des entraves pour rendre effectifs les mouvements de capitaux et la disponibilité des liquidités à flux intense.
De nombreuses monnaies se créent mais ne deviennent pas encore des devises (réserves). Les investisseurs adoptent de nouvelles attitudes. Certaines grandes banques ajoutent à leur cœur de métier de nouvelles vocations centrées sur des demandes de liquidités alors qu’elles étaient fournisseurs de capitaux pour le marché financier. En un quart de tour les ondes de chocs se transmettent d’une zone à une autres.
Sous ce rapport, le Sénégal entre dans le cercle des économies interdépendantes, une réalité du monde des affaires dans lequel foisonnent de nouveaux produits assujettis à de complexes transactions pétrolières, financières et à très hauts risques.