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Non Au Dogmatisme De Notre SociÉtÉ

Non Au Dogmatisme De Notre SociÉtÉ

Ce qui est convenu d’appeler aujourd’hui « l’affaire Gana Gueye » met en ébullition les réseaux sociaux et les médias dans une espèce de violence de part et d’autre qui m’étonne et m’émeut !

On n’hésite plus à jeter à la tête de son contradicteur des anathèmes dignes des temps les plus obscurs de notre histoire et des insultes vulgaires les plus éhontées. Est-il donc impossible de s’exprimer sur un sujet – quel qu’il soit – sans pour autant tomber dans la caricature la plus outrée et dans la violence verbale la plus incroyable ?

Que Gana Gueye ait choisi de ne pas s’associer à un évènement en faveur de la cause LGBT, c’est son droit le plus absolu et ses soutiens ont raison de rappeler à ce sujet la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, notamment dans son art. 18 qui précise que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ».

Ce qui me gêne en revanche, alors que nous vivons dans la 22e année du XXIe siècle, c’est que son choix devient le fer de lance d’un dogmatisme religieux d’un autre temps dans lequel les personnes homosexuelles sont traitées en paria de la société.

Toutes les sociétés, qu’elles soient occidentales ou orientales, africaines ou européennes, ont connu ou connaissent encore des préjugés sur certains de leurs membres, préjugés liés à la naissance, à la religion, aux maladies ou aux handicaps, aux mœurs enfin et donc à la sexualité. Dans notre pays, ce sont les castés, les handicapés mentaux, les albinos et les homosexuels. Au nom d’une pseudo-culture, au mieux, on cache et on méprise – il n’est pas rare d’entendre aujourd’hui encore que le Sénégal n’aura jamais un président casté ! –, au pire, on maltraite, on sacrifie et on tue ! Les albinos et les handicapés mentaux en savent quelque chose ! Ces préjugés ne sont plus justifiables aujourd’hui.

Chacun sait que les religions du Livre condamnent l’homosexualité depuis plus de 2 000 ans. La religion chrétienne a été d’une violence inouïe condamnant à la mort la plus infamante, c’est-à-dire par le bûcher jusqu’au XVIIe siècle, ceux qui en étaient coupables ou même soupçonnés. Est-ce pour autant qu’en ce début du XXIe siècle nous devrions agir de la sorte ?

Plus près de nous, en France, en 1959, le directeur de la police judiciaire considérait sérieusement que « l’homosexualité est intrinsèquement liée à la criminalité ». Ces mœurs n’ont d’ailleurs été acceptés légalement dans ce pays qu’en 1982. De son côté, l’Organisation Mondiale de la Santé a rayé l’homosexualité de la liste des maladies mentales en 1990. Cela veut dire que les mentalités peuvent changer et que nous ne pensons pas forcément comme nos ancêtres des siècles précédents. Même le Pape François a, dans une déclaration courageuse, osé affirmer lors d’une interview en 2013 : « Si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? ajoutant par ailleurs « nous ne devons pas mettre en marge ces personnes pour cela, elles doivent être intégrées dans la société », faisant ainsi preuve d’une charité remarquable.

Il n’y a pas plus de personnes homosexuelles en Occident que dans notre continent africain. Il y a seulement la possibilité de vivre en paix et de s’épanouir par une sexualité qui n’est pas choisie mais imposée par la nature de celui qui la vit ! On ne choisit pas d’être homosexuel comme on choisit d’être footballeur, banquier ou cultivateur ! Le hasard nous faire naître noir ou blanc ! Aux États-Unis l’apartheid semblait naturel dans les années 1960 pour un grand nombre de Blancs comme il était insupportable pour ceux qui en étaient victimes. Il a fallu une prise de conscience des responsables politiques blancs et un combat acharné des leaders noirs pour qu’il y soit mis fin. Ne créons pas « d’apartheid sexuel » à l’égard d’une partie de la population au nom de la religion ou d’une pseudo culture africaine ! Aucune religion, aucun groupe prétendant défendre une religion ne peut dicter à ses membres le rejet d’une partie de la population. Lyncher un être humain parce qu’il est, ou, pire, « serait » homosexuel est indigne d’une religion, d’un pays, d’une civilisation !

Il n’y a pas plus de tradition homosexuelle en Europe ou en Occident qu’il n’y en a en Afrique. Il y a juste une prise de conscience que les personnes homosexuelles sont des êtres humains dignes de respect dans leur différence comme tous les êtres humains, pas plus, pas moins.

La différence conduit souvent à l’inquiétude, l’ignorance de la différence mène parfois à la violence ! C’est ce que disait déjà au XIIe siècle le philosophe musulman Abou Al-Walid ibn Rushd dit Averroès, Grand cadi de Cordoue : « l’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation. » Voltaire l’a dit lui aussi à sa manière quelques siècles plus tard : « Ceux qui peuvent vous faire croire à des absurdités, peuvent vous faire commettre des atrocités. »

Réfléchissons-y et évitons les anathèmes d’un autre temps !







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