Nous avions pressenti une période de transition 2022-2024 marquée par un équilibrage des forces pouvoir-opposition, mais de là à imaginer l’absence totale des députés de la coalition du pouvoir à l’Assemblée nationale, cela ne pouvait effleurer nos esprits cartésiens. Pourtant, à la faveur des contrôles de conformité des candidatures par les parties en compétition, il apparaît que la liste nationale de BBY ne respecte pas la parité au niveau des suppléants. Quelle énorme bévue !
En effet, cette erreur gravissime rend d’office la liste nationale de BBY non conforme. Aucune modification n’étant à ce stade possible, il devient évident que BBY ne peut plus présenter aucune liste, pas même dans les départements ou circonscriptions, la liste nationale étant indispensable pour pouvoir concourir.
Si donc, le Conseil constitutionnel pouvait encore tenter un subterfuge afin de faire valider la liste BBY malgré le « parrain de trop », là il s’agit d’une faute rédhibitoire qui ne saurait passer sous silence sans causer des remous sociaux d’une ampleur non maîtrisable. Accepter la liste BBY dans ces conditions signifierait ni plus ni moins que de jeter aux orties l’État de droit. Ce serait une forfaiture légalisée par une institution reconnue comme le dernier rempart pour notre jeune démocratie. Aller à l’encontre de l’évidence serait juridiquement insoutenable et appellerait naturellement une réponse violente d’un peuple déjà frustré par les iniquités.
J’invite le président Macky Sall à reconnaître publiquement la faute de sa commission des investitures et à en tirer les conséquences. En effet aucune institution internationale, aucun état partenaire (encore moins la France déjà malmenée dans son pré-carré francophone) ne prendrait le risque de soutenir un forcing. Les quelques raisons à cela sont :
– le Sénégal constitue un modèle de démocratie pour la communauté internationale ;
– le président Macky Sall, président en exercice de l’UA ne peut prendre le risque de ternir l’image de l’UA en posant des actes antidémocratiques et surtout anti-républicains ;
– l’instabilité politique de plusieurs pays voisins constitue une menace qui grandit avec la présence de troubles sociaux internes ;
– les perspectives d’exploitation effective des ressources pétrolières et gazières dès 2023 plaident pour une pacification du champ social. Or le pays ne peut s’offrir le luxe de reporter cette exploitation qui apporte un bol d’air frais à la soutenabilité de la dette ;
– le président Macky Sall doit envisager une carrière post présidentielle et, à cet effet, sortir par la grande porte.
Ainsi donc, au-delà du caractère burlesque de cette situation, le président de la République n’aura d’autre choix que de rassurer les esprits quant à son rôle de gardien de la Constitution et d’accepter de vivre pour les deux prochaines années avec un gouvernement d’opposants !
Dura lex, sed lex.
Bruno d’Erneville est président du PAC, membre fondateur de la coalition BUNT-BI.