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Le Post-colonialisme ExpliquÉ À Ma Fille

Le Post-colonialisme ExpliquÉ À Ma Fille

Hier, ma fille m’a posé une question curieuse : « Papa, qu’est-ce que le postcolonialisme ? » Ma fille a douze ans. À cet âge on ne s’intéresse normalement pas à ce genre de sujets. Et pourtant, elle s’y intéresse. « Où as-tu trouvé ce mot, lui demandais-je ». « Sur Internet, me répondit-elle ». J’étais sidéré. C’est fou comme on peut aujourd’hui avoir accès à tout, pensaisje. Mais là n’était pas la question. Il fallait que je dise quelque chose à ma fille ; que je lui explique ce qu’est le postcolonialisme. De deux choses l’une : ou je lui disais que ce sujet n’est pas important pour elle, ou alors je lui avouais toute la vérité. Je me sentais comme devant la barre ; sans avocat, tétanisé. Elle était la juge. Moi, j’étais l’accusé appelé à comparaître. Je gardais mon calme, respirais profondément et lui dit : « Vois-tu ce soleil brille qui brille au-dessus de nos têtes ? Il ne fait de différence entre qui que ce soit. Il brille sur toi, sur ta maman, sur ta tante Lisa, sur moi… Il brille partout. Ainsi en était-il des humains. Au commencement, nous étions comme le soleil. Nous aimions tout le monde. Nous partagions notre amour, notre confiance, notre amitié. Bref, nous ne faisions de distinction entre personne. Jadis, il n’y avait pas de guerre. Il n’y avait ni blanc, ni jaune, ni rouge, ni noir ; ni bons ni mauvais. La terre était une et belle. On pouvait aller d’un pays à un autre, traverser les frontières, sans craindre d’être arrêté comme un bandit, ou mis en prison. C’était la paix parmi les vivants.

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Puis un jour tout changea. Je ne sais pas pourquoi, mais tout devint différent. À ton avis, que se passe-t-il quand le soleil cesse de briller, demandais-je à ma fille ? » « C’est la nuit, me dit-elle ; on ne peut plus voir ». « Ainsi en est-il de l’humanité, continuais-je. Comme le soleil, nous cessâmes de briller. La nuit s’abattit sur nous. Nous ne pouvions plus voir ; nous tutubions tels des aveugles. Depuis le jour où notre lumière s’est éteinte, l’orgueil est entré dans nos cœurs. Nous commençâmes à distinguer nos amis de nos ennemis. Nous choisissions ceux qui nous ressemblaient, et jetions les ‘autres’ en prison. Nous leur faisions la guerre, arrachions leurs biens, brulions leurs maisons… Bref, depuis ce jour où notre soleil s’est éteint, nous avons cessé d’être des humains ». Puis, j’expliquais à ma fille comment la terre subit fatalement les effets de cette ‘éclipse de l’humain’. Je poursuivais : « Certes, l’histoire de la guerre est très ancienne ; mais depuis environ cinq siècles, celle-ci a connu une escalade ahurissante. À sa sortie du Moyen-âge, convaincue d’être l’incarnation de la ‘Raison Universelle’, l’Europe décréta qu’elle était la figure de l’humanité accomplie et la mesure de toute chose : du bien et du mal, du vrai et du faux, du juste et de l’injuste… Pétrie de cette foi aveugle, elle s’octroya un droit absolu de propriété sur la terre et le vivant. Elle lança l’assaut contre les autres nations du monde et fit la guerre aux peuples d’Amérique, d’Afrique, d’Asie, et d’Orient… Possédée par sa folie meurtrière, elle détruisit toutes les civilisations qu’elle croisa sur son chemin certes, il y a eu des résistances à cette barbarie européenne. Les peuples luttèrent pour défendre leurs terres et leur dignité. Beaucoup moururent au combat. Mais depuis ce jour, le rapport entre l’Europe et les autres peuples n’est plus le même. C’est cette relation que veut réparer le postcolonialisme. Au-delà de ses spécificités, il défend l’idée qu’il n’existe qu’une seule ‘race humaine’, et que tous les humains sont égaux en droits et en dignité. Aucun peuple, aucune nation n’a le monopole de la vérité et ne peut donc, sous ce prétexte, asservir un autre. Cette idée n’est pas un mythe, elle n’est pas un article de foi, mais une évidence de la conscience. Certes, la multiplicité des cultures peut donner l’impression qu’il existe des différences entre les sociétés. Elle peut laisser croire que certaines histoires valent mieux que d’autres. Mais ceci n’est qu’une illusion. Au fond, en rentrant en soi-même, par-delà la ruse de la culture et des histoires particulières, chaque être humain peut comprendre ce lien intrinsèque qui l’unit au reste du monde, et à l’univers tout entier. Ce lien a trait à la vie et à la mort, qui sont l’horizon de notre séjour terrestre. C’est dire que le postcolonialisme veut non seulement résister contre l’impérialisme européen ; il veut ouvrir la voie à une pensée débarrassée du fardeau de l’ethnicité et de la ‘race’. Il veut faire émerger un savoir qui transcende les provincialismes chauvinistes et les historicismes des communautés humaines.

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Cependant, au creux du ventre gourmand européen, subsiste toujours cette singulière nostalgie d’être la fille aînée de l’humanité. Au-delà de l’Europe, on peut aussi voir des gens ou des peuples qui croient, secrètement ou à haute voix, qu’ils sont le centre éternel du monde. Tous oublient hélas que les choses ont changé. « C’est triste, me dit-ma fille, le regard comme meurtri de compassion pour cette humanité endormie. Crois-tu qu’un jour, grâce au postcolonialisme, l’humanité brillera comme le soleil ? » ajouta-t-elle. « Le postcolonialisme a fait son chemin, lui répondis-je. Une nouvelle ère s’ouvre à nos yeux. Qu’il existe, durant ce siècle, des individus ou des nations qui persévèrent dans leur aveuglement est un scandale. Il revient néanmoins à chacun de poursuivre l’aventure humaine terrestre dans la lucidité. Non plus nécessairement en s’opposant à l’Europe, mais en luttant contre. Tout ce qui aliène l’humain et tue la lucidité. Ou nous nous réveillons chaque matin, et éclairons l’univers tel le soleil ; ou nous laissons l’obscurité régner sur le monde. Tout dépendra de nous ! » Soudain, je vis comme une lumière sur le visage de ma fille. « Moi, je brillerai comme le soleil dans l’univers, me dit-elle en souriant ! »







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