Mais que se passe-t-il dans les hôpitaux sénégalais ? Deux drames. Presque coup sur coup. Deux tragédies qui n’ont pas fini de secouer le pays tout entier. Deux défaillance dramatiques qui ont provoqué une immense vague d’indignation à travers tout le Sénégal. Une profonde «onsternation» tout au sommet de l’État.
Après «l’affaire Astou Sokhna» du nom de cette jeune enceinte qui a perdu la vie en même temps que son bébé, du fait de la négligence coupable du personnel médical de l’hôpital régional de Louga, voilà que plus d’une dizaine de bébés viennent de succomber dans un hôpital public. Des morts toutes évitables. Et toutes, les conséquences d’une succession de graves défaillances humaines et systémiques. C’est la seconde fois en l’espace de 57 jours que le système sanitaire national est tragiquement frappé au coeur.
L’aveuglement coupable de la confrérie sanitaire
Il n’existe pas de mots pour exprimer l’intensité de la douleur de perdre une dizaine de bébés. Et j’exprime ma profonde compassion et solidarité aux parents.
Toutes ces tragédies qui se jouent quotidiennement dans nos hôpitaux et entraînent souvent mort d’hommes, sont pour la plupart, les conséquences de l’insoutenable déshumanisation dans nos institutions sanitaires et de l’irresponsabilité personnelle de ceux qui ont charge la gestion de nos hôpitaux.
Les esprits simplistes et politisés auront vite fait de pointer la responsabilité de l’État. Même s’il n’est nullement question ici d’accabler l’institution sanitaire, se pose la question de la culpabilité politique et pénale des personnes qui face à leurs fautes évidentes et tragiques, trouvent refuge dans un corporatisme institutionnel et syndical parfois suffocant d’indécence.
Les menaces de grève après le jugement qui a condamné le personnel en cause dans l’affaire de l’hôpital de Louga est la preuve de l’aveuglement coupable d’une « confrérie sanitaire » toujours dans la dénégation de ses responsabilités et rarement pour ne pas dire jamais, dans la reconnaissance de ses dysfonctionnements.
Mais pour qui se prennent-ils, ces personnels médicaux et paramédicaux pour se croire au dessus de la loi ? Jusqu’à plus ample informé, ils sont des citoyens ordinaires soumis aux mêmes lois et règlements que n’importe quel Sénégalais.
N’épargner personne, aucune responsabilité
Il est plus que temps pour la justice de se saisir de cette question et de fendre l’armure d’impunité que semble vouloir revêtir une profession dont personne ne conteste dans sa globalité, le professionnalisme et la compétence.
Mais il faut se rendre aujourd’hui à une désastreuse évidence. Nos hôpitaux sont de plus en plus perçus comme des lieux de transaction financière où la prise en charge du malade est conditionné au poids de son portefeuille. Alors, il est plus que temps d’inoculer un peu plus d’humanité dans les veines de la santé publique.
La tragédie incommensurable de l’hôpital Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh de Tivaouane reprise par quasiment les médias du monde entier, oblige le président de la République.
Le Sénégal est à son écoute. Il ne doit épargner personne et aucune responsabilité. Pas un seul Sénégalais ne comprendrait, face à l’ampleur d’une telle tragédie, que le chef de l’État tire un trait de plume sur la mort d’autant de bébés dans un endroit qui devait être leur porte d’entrée dans la vie. Tous les coupables doivent payer le prix de leur tragique et infernale irresponsabilité. C’est une obligation morale. Un impératif catégorique politique. Macky Sall ne peut rester insensible face à son peuple accablé par tant de peine et de douleur. Au risque de provoquer l’affaissement de son regain d’empathie dans l’opinion. Pour ne pas brouiller la nouvelle trame de la nouvelle histoire qu’il est en train d’écrire et rétablir la confiance des Sénégalais, il y a urgence pour le président à réagir vite et très vite. Ferme et très ferme.
À lui l’électrochoc politique et à la justice l’électrochoc pénal. Car au-delà de cette triste affaire, c’est toute la question de la responsabilité des hommes politiques qui est posée. Et dans le cas d’espèce, Macky Sall doit se sortir de tout carcan politique et affectif. Et à l’échelle des décisions à prendre, le limogeage de son ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr serait un signal fort envoyé non seulement à une société de plus en plus dans la défiance mais aussi et surtout, un message envoyé à tous ceux ont qui la responsabilité de la gestion des affaires publiques. Pour Abdoulaye Diouf Sarr, « l’affaire Astou Sokhna » devait être une dernière sommation. Le « scandale des bébés de Tivaouane » devrait logiquement sonner le glas politique de l’ancien maire de Yoff.
Malick Sy est journaliste et conseiller en communication.