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Une Maitresse Des Lieux Qui Soufflait Dans L’oreille Des PrÉsidents

Une Maitresse Des Lieux Qui Soufflait  Dans L’oreille Des PrÉsidents

Comme lors du décès prématuré du regretté Bruno Diatta, j’avais convoqué l’histoire pour saluer le grand Homme d’État que fut Bruno Diatta, lui qui, comme Talleyrand, avait pu traverser tous les régimes politiques avec comme unique boussole l’intérêt national et comme seul souci le sacerdoce républicain.

Tous ceux qui ont fréquenté l’assemblée nationale ces 26 dernières années, des présidents du Parlement aux membres du Bureau, aux députés, aux personnels d’appui, me donneront raison sur la capacité de certains êtres exceptionnels à incarner une institution au point de se confondre avec elle.

En effet, l’image et la vie de Joséphine Diallo s’étaient tout simplement fondues dans l’institution parlementaire dans toute sa splendeur et dans tous les grands Rendez-Vous de son histoire de ces quarante dernières années et plus.

Infatigable Secrétaire générale, vissée sans broncher sur son siège de « gardienne du temple », subissant des séances interminables, constamment à quelques centimètres de l’oreille du président de séance, le visage sans émotion partisane, le regard toujours plongé sur son bréviaire (le règlement intérieur), le cerveau habité en permanence par les réminiscences, les jurisprudences, les archives parlementaires, ainsi était la grande et sublime Joséphine Diallo, telle qu’en elle-même !

Marie Joséphine Diallo pour l’Assemblée nationale, Bruno Diatta pour le protocole présidentiel étaient inamovibles simplement à cause de leur loyauté sans faille à l’institution plus qu’aux hommes et femmes qui l’incarnaient de façon temporaire. Que ces derniers fussent socialiste « vert », libéral « bleu » ou libéral « beige », Joséphine est toujours restée « verte-jaune-rouge ». Le Sénégal donc ! Toujours le Sénégal ! Rien que le Sénégal et au service de tous les Sénégalais !

C’est avec un tel viatique, qu’elle a pratiqué jusqu’au bout sa doctrine de « Servir le Sénégal et le Sénégal Rek » et l’a vécu avec courage en s’attirant respect et affection de nos compatriotes de tous les bords politiques de l’hémicycle. Si « l’improbable unanimité » (si difficile chez nos compatriotes !) s’est rarement manifestée dans notre pays pour saluer certains illustres fils et filles du Sénégal, Joséphine et Bruno ont eu le rare privilège d’une telle unanimité !  

Quelques heures avant son rappel à Dieu, j’ai eu l’ultime faveur de lui parler au téléphone et en fait « de dire au revoir sans le savoir ». Je n’oublierai jamais la sérénité et la douceur de sa voix. Je l’ai rarement appelé « madame la SG ». Elle m’a rarement appelé « monsieur le président ou monsieur le ministre d’État ». Elle a préféré « mon frère », et j’ai préféré « ma sœur » et parfois « chère grande sœur » ! Sa dernière phrase : « mon frère, je règle ça à la première heure et je te rappelle pour te dire que c’est réglé ! »

En lieu et place, c’est mon illustre ainé, ami et grand frère, le président Niasse lui-même, qui m’a appelé le même jour, tard dans la soirée, pour m’annoncer la terrible nouvelle : « Joséphine nous a quittés » !

Le Sénégal, sans peut-être le savoir, venait ainsi d’être plongé dans un deuil d’une ampleur nationale, tandis que l’assemblée nationale était envahie par une grande émotion et la vie parlementaire de notre jeune nation frappée par une immense perte.

À l’heure où notre pays s’apprête à renouveler son Parlement, l’image et l’éthique de Joséphine Diallo devraient hanter tous les acteurs politiques pour leur rappeler ce qu’ils font semblant d’oublier parfois : « Le Sénégal est plus important que nous tous réunis. Nos ambitions personnelles sont une goutte d’eau dans l’immensité océane incarnée par ce beau pays que Joséphine, Bruno et d’autres ont servi jusqu’à leur dernier souffle et ont aimé tant et plus! »

Or donc, la seule question qui vaille : sommes-nous prêts à relever le défi de leur patriotisme, de leur service et de leur amour pour le Sénégal ?

Très chère sœur Joséphine, que tes leçons de vie aux générations (présentes et à venir), basées sur ton œuvre titanesque, soient immortalisées très vite en lettres d’or en baptisant la grande salle de plénière de l’Assemblée nationale « salle SG Marie Joséphine Diallo » ! Les cinq présidents de l’Assemblée, dans l’oreille desquels elle a soufflé 26 ans durant, ne peuvent que rejoindre les députés et tout le personnel de l’assemblée dans la matérialisation de cette doléance… parlementaire non partisane !

Que Dieu bénisse l’âme de notre sœur bien aimée Joséphine Diallo et lui ouvre grandes les portes de son Paradis éternel ! Amine/Amen ! 

Cheikh Tidiane Gadio est vice-président de l’Assemblée nationale, ancien ministre des Affaires étrangères.







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