Apparemment, notre collaborateur avait dansé plus vite que la musique. Ou avait-il été étourdi par la sarabande de milliards devant être dégainés pour l’acquisition d’un des fleurons bancaires de la place de Dakar. En écrivant dans notre édition d’hier que la Banque internationale pour le Commerce et l’Industrie du Sénégal (BICIS) était tombée dans l’escarcelle du Groupe burkinabé Vista, on s’est un peu trop emballés car la vente par la BNP Paribas française de ses 54,11 % de parts dans le capital de cette banque est toujours en cours. Certes, un premier tour au cours duquel les candidats au rachat ont subi une sorte de Grand oral pour se présenter et présenter leurs ambitions pour la mariée vient d’être bouclé en principe hier avec l’audition du Groupe panafricain Ecobank — invité surprise de cette vente — mais rien n’est encore décidé. En effet, une seconde phase au cours de laquelle les candidats au rachat vont présenter leurs offres financières, c’est-à-dire les choses sérieuses, devrait s’ouvrir dès la semaine prochaine. C’est à son terme qu’on devrait connaître l’heureux élu. Mea culpa donc. Et toutes nos excuses, s’il y a lieu, à nos lecteurs.
Il se dit que les arrangeurs de cette vente hors normes ont été impressionnés par la solidité du dossier de Vista Bank, ce qui sans doute a pu faire dire à certains que la cause était entendue et l’affaire dans le sac pour le groupe du Burkinabé Simon Tiemtoré. On n’en est pas encore là même si tout indique qu’il va engager la suite des négociations en pole position. Pour l’heure, quatre groupes ont fait des offres avant de se soumettre au Grand oral : Il s’agit, outre Vista Bank, d’Atlantic Financial Group de l’Ivoirien Koné Dossongui, du groupe Sunu de notre compatriote Pathé Dione et, last but not least, du groupe Ecobank.
Un fait pourrait jouer en faveur de notre compatriote Pathé Dione, c’est la détermination du président ivoirien Alassane Ouattara à peser de tout son poids pour que la filiale de BNP Paribas sur les bords de la lagune Ebrié soit rachetée par la Banque nationale d’investissement (BNI), qui est la première banque publique de son pays. ADO l’aurait en effet fait savoir aux propriétaires français, une manière d’indiquer qu’il s’opposerait à toute cession à des intérêts étrangers… y compris sénégalais ! Comme quoi, si les dirigeants de notre pays tenaient un tel raisonnement, Pathé Dione, seul sénégalais parmi les quatre prétendants, aurait toutes ses chances. Surtout que c’est à peu près le même raisonnement, ou carrément un sentiment anti-sénégalais cette fois, qui lui avait fait perdre la filiale guinéenne de la BNP Paribas finalement remportée par Simon Tiemtoré. En effet, l’alors président guinéen Alpha Condé, dont la détestation qu’il avait pour le président Macky Sall était un secret de Polichinelle, aurait tout fait pour favoriser le Burkinabé. Et barrer la route au Sénégalais.
Quant à Koné Dossongui, le patron d’Atlantic Financial Groupe, on le présente comme un spéculateur intéressé par la reprise de la BICIS pour la revendre après en empochant au passage un bénéfice substantiel. N’avait-il pas revendu son propre groupe bancaire au marocain BCP (Banque centrale populaire ) ?
Cela dit, à Dakar, on fait savoir que le rachat par un Burkinabé de la Bicis ne serait pas forcément une mauvaise nouvelle étant donné l’excellente qualité des relations entre Dakar et Ouagadougou. Ce encore une fois, même si les autorités commencent à être sensibles aux arguments de Pathé Dione. Même si, encore une fois, ce sont les Français qui vendent ! Seulement voilà, en faisant preuve de la même détermination que les gouvernements ivoirien et guinéen, il est bien possible d’infléchir leur position en faveur d’un national.
Cela dit, beaucoup de banquiers parlent d’occasion en or manquée par le gouvernement pour se remettre en selle dans le paysage bancaire national. En aidant la BNDE, seule banque à capitaux sénégalais — en dehors de la BHS, bien sûr, mais qui est plutôt spécialisée — à racheter la BICIS, l’Etat aurait favorisé la croissance externe de cet établissement (la BNDE) qui peine encore à se positionner. Et qui, du coup, en ajoutant ses moyens à ceux de la BICIS se retrouverait dans le Top 5 national. Au lieu de quoi, les rares établissements nationaux évoluent dans les marges, pour ne pas dire en queue du classement, le haut du pavé étant tenu par des banques marocaines, françaises, nigérianes et même burkinabé !
Mais bon, encore une fois, l’heure de la revanche des Sénégalais va bientôt sonner avec l’arrivée de la très attendue… Farba Bank !
Mamadou Oumar NDIAYE