Site icon Senexalaat

La Corruption Doit Être Fermement Combattue

La Corruption Doit Être Fermement Combattue

Il y a quelques jours, l’Ofnac (Office national de lutte contre la fraude et la corruption) a publié ses rapports 2019, 2020 et 2021. Une lecture rapide de ces rapports montre que la corruption demeure un véritable problème au Sénégal et entraîne d’importantes conséquences négatives.

Le détournement de fonds publics amenuise les ressources de l’Etat et empêche que des services publics de qualité puissent être offerts à la population sénégalaise. Ces fonds auraient pu servir à construire de meilleures écoles ou de meilleurs hôpitaux et à les équiper, à soulager les couches les plus vulnérables du Sénégal.

Associé à la surfacturation des coûts des infrastructures publiques, cela provoque un Etat qui dispose de moins de possibilités pour accomplir ses missions. Il est urgent que le Sénégal lutte plus fermement contre la corruption pour restaurer la confiance des Sénégalais envers l’Etat. Quand la population croit que l’argent de ses cotisations est détourné, elle ne sera pas encline à faire preuve de civisme fiscal. Pourquoi ? Elle estimera qu’entre les impôts prélevés et les services et bénéfices reçus en retour, il n’y a pas d’égalité : les premiers sont largement supérieurs aux seconds. Les pays les plus civiques sont aussi ceux où le niveau de corruption est le plus faible. Cela crée un cercle vertueux qui fait croire à la population qu’elle a intérêt à cotiser, parce que tout le pays en profite avec des infrastructures, un système éducatif et sanitaire de meilleure qualité.

En plus d’être un frein au développement, la corruption est aussi l’un des principaux vecteurs du blanchiment de capitaux. L’argent issu de la corruption ne peut être utilisé directement dans le circuit économique ; il doit être blanchi à travers trois phases : le placement, l’empilage et l’intégration. Le placement consiste à déposer les fonds issus du blanchiment de capitaux dans les institutions financières, l’empilage à effectuer une série de virements pour dissimuler l’origine illicite des fonds, l’intégration en injectant l’argent sale dans le circuit économique à travers des activités légales (restauration, immobilier […]).

La notion de Personne politiquement exposée (Ppe) a émergé du fait du lien élevé qui existe entre corruption et blanchiment de capitaux. Une Ppe est une personne qui exerce ou a exercé des fonctions politiquement importantes au sein d’un Etat ou d’un organisme international.

Par cette influence, elle est plus exposée au risque de corruption et par conséquent, de blanchiment de capitaux. L’origine du concept de Ppe est liée à l’affaire Sani Abacha, l’ancien Président du Nigeria entre 1993 et 1998. Il fut accusé, avec ses proches, d’avoir volé plus de 4 milliards de dollars à l’Etat nigerian et tenté de les blanchir dans les banques occidentales. Depuis lors, les législations sur le blanchiment de capitaux, mises en place un peu partout dans le monde, imposent des mesures très strictes sur l’entrée en relation avec les Ppe et la surveillance étroite de leurs transactions. La loi sénégalaise 2018-03 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, transposition de la directive n°02/2015/Cm/Uemoa relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les Etats membres de l’Uemoa, en ses articles 22 et 54, impose que des mesures de vigilance renforcée soient prises par les assujetties (voir les articles 5 et 6 de la loi) dans leurs relations avec les Ppe.

C’est une chose d’avoir une excellente législation sur le papier, mais c’en est une autre de l’appliquer. Sans cette application, la lutte contre la corruption sera vouée à l’échec. Je suis en train de relire le livre de Robert Klitgaard, Combattre la corruption.

Dans ce livre, Robert Klitgaard démontre que la lutte contre la corruption ne peut réussir sans le soutien du haut sommet de l’Etat. Les AngloSaxons disent le «tone from the top». Le très haut sommet de l’Etat doit montrer que la lutte contre la corruption est importante pour lui. Cela revient à faire preuve d’équité dans cette lutte. Si seuls les membres de l’opposition sont poursuivis pour des faits de corruption, il y aura une forte présomption que ce combat n’est engagé qu’à des fins politiciennes.

Au contraire, si l’Etat est impartial, sanctionne de la même manière toutes les personnes coupables de corruption, cela prouvera qu’il la soutient, qu’il veut véritablement l’éradiquer. Très souvent, j’ai l’impression que dans le cadre de la lutte contre la corruption, il y a des intouchables au Sénégal, des personnes épinglées dans les rapports des organes de contrôle mais qui ne sont jamais inquiétées. Ce sont ces faits qui font douter qu’au Sénégal le tone from the top soit une réalité dans la lutte contre la corruption, qu’il ne semble pas exister une impulsion forte pour lutter contre ce fléau qui nuit énormément à l’image de notre pays. Aujourd’hui, le Sénégal fait partie de la «liste grise» du Gafi (Groupe d’action financière), c’est-à-dire les pays avec des déficiences stratégiques dans leur dispositif anti-blanchiment de capitaux.

S’il n’y a pas une lutte ferme contre la corruption, le combat contre le blanchiment de capitaux sera perdu d’avance. Il est possible de vaincre la corruption. Le livre de Klitgaard précité montre comment Hong-Kong et Singapour sont parvenus à diminuer très grandement la portée de la corruption. Des agences anticorruption ont été créées, dotées d’une indépendance claire : l’Independant commission against corruption (Icac) à Hong-Kong et le Corrupt practises investigation bureau (Cpib) à Singapour. Elles étaient dirigées par des personnes reconnues pour leur probité. Aussi bénéficiaientelles d’un fort soutien de leur Etat, qui leur a donné tous les moyens nécessaires pour lutter contre la corruption. Ces deux exemples montrent que la corruption ne constitue pas une fatalité, qu’elle peut être efficacement combattue. Cela requiert plus que des mots, mais également des actions fortes.

Par ses effets négatifs, frein au développement et impact sur le blanchiment de capitaux, la corruption doit faire l’objet d’une lutte ferme au Sénégal. Sans cela, il en ira de sa réputation à l’international et du civisme de sa population. Cela mérite que cette lutte soit conduite avec sérieux et impartialité. Avec cette attitude, le Sénégal atteindra plus facilement l’émergence et le développement.







Quitter la version mobile