Trois autres jeunes sénégalais sont morts le 17 juin 2022 suite à une manifestation politique de l’opposition regroupée au sein de la coalition Yewwi askan wi (Yaw). Ces vies perdues désolent toute la Nation, d’autant que ces morts ne pourront même pas être inscrits sur la liste des héros pour les conquêtes démocratiques. Bien au contraire, ces personnes ont perdu la vie pour avoir participé à une bravade de violation assumée de l’ordre public et de la loi. Il convient de situer les responsabilités.
L’opposition avait tenu sans encombre le 8 juin 2022, une manifestation pacifique, démocratique, qui avait rassemblé d’importantes foules. C’était un moment de respiration de notre système démocratique et tout le monde s’en était félicité.
La coalition Yaw avait voulu réitérer ce beau coup et c’était de bonne guerre, mais elle a été rattrapée par l’agenda du système démocratique.
La loi électorale, fruit d’âpres combats menés par des acteurs politiques de tous bords, avait posé le principe, d’ailleurs en vigueur dans la plupart des grandes démocraties du monde, d’interdiction de toute activité politique pendant une période précédant des échéances électorales.
Cette disposition est communément appelée «l’interdiction de toute propagande politique déguisée» et a toujours été de rigueur depuis le Code électoral de 1992, objet d’un consensus politique, notamment en son article L61. Et tous les acteurs politiques qui tentaient de s’en éloigner ont été rappelés à l’ordre. Ainsi, le Conseil national pour la régulation de l’audiovisuel (Cnra) avait tenu à rappeler, le 7 juin 2022, comme il le fait du reste avant toute échéance électorale, les dispositions légales qui interdisent toute propagande durant la période précise du 10 juin au 9 juillet 2022, précédant donc la campagne électorale pour les élections législatives du 31 juillet 2022. Le Gouverneur de Dakar a réitéré ce rappel dans un communiqué du 11 juin 2022.
Mais les responsables de Yaw ont voulu considérer que la loi électorale ne saurait leur être opposable et ont ainsi voulu la braver en tentant de tenir, à tout prix, une marche le 17 juin 2022. Naturellement, les autorités administratives ne pouvaient laisser se dérouler une telle manifestation, à moins de consacrer un principe tortueux que la loi ne serait plus une règle générale et impersonnelle. Il est d’ailleurs bon de rappeler, qu’en vertu de ces rappels du Cnra et du Gouverneur de Dakar, la coalition Benno bokk yaakaar (Bby), au pouvoir, a décidé d’annuler un rassemblement politique prévu à Dakar pour le mercredi 16 juin 2022.
Mieux, le Président Macky Sall a lui aussi annulé un déplacement prévu dans les régions de Sédhiou et Kolda, où il devait inaugurer des infrastructures publiques réalisées par l’Etat. Le Président Sall disait vouloir éviter qu’on lui fasse un mauvais procès en maintenant sa tournée, car il serait difficile d’éviter que des responsables politiques locaux ne se mettent à profiter de cette occasion pour faire de la propagande politique en direction des élections prochaines.
Les préfets de Dakar et Ziguinchor s’étaient donc fait fort d’interdire les marches prévues par la coalition Yaw pour la journée du 17 juin 2022. En outre, ont-ils invoqué «des risques majeurs de troubles à l’ordre public» car les différents leaders de Yaw s’étaient passé le mot de Ousmane Sonko pour dire que cette marche devait être l’occasion de «déloger le Président Macky Sall du Palais». Ousmane Sonko avait annoncé la couleur en clamant «assumer cet appel à l’insurrection».
C’est dire que les manifestations de Yaw du 17 juin 2022 devaient être interdites à bon escient et les autorités de l’Etat ont ainsi pris leurs responsabilités au regard de la loi. En conséquence, la responsabilité entière des événements malheureux survenus à cette marche incombe aux organisateurs qui avaient voulu délibérément violer la loi, d’autant que la coalition Yaw avait introduit le 16 juin 2022, un recours infructueux devant la Cour suprême pour contester la décision d’interdiction. La Haute juridiction, au motif qu’elle ne saurait autoriser une violation de la loi, a tranché le différend en rejetant un tel recours. Au demeurant, il ne saurait être question d’autoriser allégrement une violation de la loi. Yaw continuait alors de bander les muscles et de vouloir tenir ses manifestations à tout prix. Dans un Etat de Droit, on ne se met pas dans une posture de ne reconnaître que les décisions de Justice qui vous sont favorables.
Néanmoins, d’aucuns ont voulu enfouir la tête dans le sable, pour prêcher la «bonne parole» et prôner qu’au nom de la paix, l’Etat devrait laisser les manifestations se dérouler. Une telle tendance qui fragilise l’Etat de Droit devrait cesser, car la vie publique démocratique dans ce pays a été bâtie sur des fondamentaux qui ont fait leurs preuves et qui valent au Sénégal l’image d’une démocratie affirmée ; et l’irruption de nouveaux opposants en culotte courte, quel que soit leur bagout, leur insolence, leur arrogance ou même leur nocivité pour la démocratie, ne devrait obliger à renoncer à ces fondamentaux. Pour quelle raison devrait-on essayer de contenter Ousmane Sonko ou céder vulgairement à ses menaces et chantages pour s’asseoir honteusement sur les règles qui ont régi la vie publique depuis plus de 30 ans ? A l’heure du bilan, on regrettera moins les égarements que les renoncements dictés par la peur.
Yaw voulait semer le chaos
La violence a marqué le discours de l’opposition tous ces derniers mois. Les déclarations de Ousmane Sonko, Barthélemy Dias, Déthié Fall, Habib Sy, Aïda Mbodji sont sans équivoque, appelant à une insurrection pour renverser le régime de Macky Sall. Ces acteurs politiques n’ont même pas rechigné à s’allier avec des rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) dans leurs velléités de déstabilisation. Quand Le Quotidien a tiré la sonnette d’alarme, ils étaient nombreux à nier la participation du Mfdc aux casses de mars 2021, qui avaient occasionné 14 morts, un trop lourd tribut pour les escapades de Ousmane Sonko dans un bordel. Mais quand, en prélude à la marche de l’opposition du 8 juin 2022, des éléments dûment identifiés du Mfdc ont été interpellés, les acteurs politiques de Yaw ont crié au complot sous prétexte que le pouvoir a trouvé des rebelles pour infiltrer leur marche. Seulement, une fois que les accointances de Ousmane Sonko avec ces éléments du Mfdc ont été mises définitivement à nu, la ligne de défense de Yaw a viré pour dire que «rien ne prouvait que ces rebelles ont été amenés sur les lieux par (leur) leader ou encore que ces rebelles se sont retrouvés à Dakar de leur propre chef».
Du reste, qui a entendu un responsable politique de Yaw condamner ou se démarquer de toute velléité de compagnonnage réel ou supposé avec le Mfdc, si tant est qu’il voudrait rester républicain et fidèle à l’idée d’un Etat de Droit, démocratique et attaché à l’unité nationale ? Ou même condamner tout recours à la violence ?
Qu’à cela ne tienne ! La police a saisi à Rufisque, dans la banlieue de Dakar, dans des locaux appartenant à des responsables de Yaw, un arsenal de matériels de subversion avec des cocktails Molotov prêts à l’emploi, ainsi que quantité d’armes et de produits chimiques. De nombreuses arrestations ont été opérées et des produits et matériels identiques à ceux découverts dans cet arsenal, ont été retrouvés entre les mains de personnes arrêtées lors de la manifestation.
L’usage de la violence avait donc été préparé et on peut estimer que n’eût été la vigilance des Forces de sécurité, le bilan des événements du 17 juin 2022 aurait pu être encore plus dramatique. Il faut dire que c’était manifestement l’objectif recherché, car Ousmane Sonko n’a de cesse de menacer publiquement le Sénégal d’une «deuxième vague» qui devrait être plus meurtrière que celle des 6, 7 et 8 mars 2021, et qui devrait «balayer le régime de Macky Sall».
C’est dire qu’il conviendrait de bien déterminer l’origine des tirs d’armes à feu qui ont causé la mort de deux personnes à Ziguinchor et Bignona et blessé une dizaine d’autres. On ne saurait accréditer aussi promptement la thèse claironnée par des responsables de Yaw, qui mettent ces coups de feu sur le compte des forces de police et de gendarmerie qui réprimaient des manifestants ; surtout qu’il est de notoriété publique que dans les zones de rébellion armée, la détention d’armes n’est l’apanage de personne. Il reste curieux que l’opposition, qui a habitué son monde à réclamer promptement des commissions indépendantes et/ou internationales, n’en fasse pas autant dans le cas d’espèce pour faire la lumière sur ces tragiques tirs d’armes à feu à Ziguinchor et Bignona.
Il s’y ajoute que l’attitude de Ousmane Sonko qui avait appelé, contre toute attente, à une marche à Ziguinchor, qu’il prévoyait d’ailleurs de diriger personnellement, avant de rappliquer à Dakar, peut laisser croire qu’il avait fini de préparer un coup tordu avant de s’éloigner des lieux. A moins que Ousmane Sonko n’ait prévu un autre coup tordu pour effacer une dame ! Accompagné de son chauffeur et d’un garde du corps, le leader de Pastef a suivi, tard dans la nuit du 15 au 16 juin 2022, depuis Sacré-Cœur jusqu’à Thiaroye, la voiture d’une pauvre femme qui ne se doutait de rien. Ousmane Sonko ne pouvait-il savoir qu’il était lui aussi filé et filmé ?
La commode trouvaille de Barthélemy Dias : manifester à partir de sa terrasse
La police a expliqué, dans un communiqué du 18 juin 2022, les circonstances de la mort d’un jeune manifestant à Bopp, un quartier de Dakar. La personne voulait allumer un pneu avec un liquide inflammable mais a malheureusement vu ses habits prendre feu et a ainsi tristement succombé. Il est à déplorer que cet adolescent n’ait pas eu la chance du fils de Ousmane Sonko qui, ce jour-là, a été bien encadré par son père pour lui permettre d’aller tranquillement à l’école. C’est le service de communication de Pastef qui a diffusé une vidéo, devenue virale, montrant Ousmane Sonko en train de négocier avec les policiers qui ont bouclé son domicile, un passage pour son épouse qu’il disait en train de conduire son fils à l’école. Ousmane Sonko était visiblement dans une logique de victimisation ou d’exfiltration de sa famille, d’autant que ce jour du vendredi 17 juin 2022, l’école de son fils avait préalablement prévenu les élèves et parents qu’en raison des risques liés à la marche politique prévue, les classes ne seraient pas ouvertes. Cette vidéo lui est revenue comme un boomerang, de même que cette autre vidéo dans laquelle il cherchait à montrer que la police l’empêchait d’aller à la prière.
Autrement, les Forces de sécurité ont bien contenu les manifestations à Dakar. Sans doute qu’elles ont été aidées quelque part par la couardise des leaders de Yaw. Ils sont nombreux à n’avoir pas cherché à mettre le nez dehors et étaient restés cloîtrés dans leur domicile. Le maire de Dakar, Barthélemy Dias, s’est épargné d’assister à l’absurdité du saccage des édifices publics de sa ville et des biens de ses administrés par des manifestants qu’il avait lui-même préparés et chauffés à blanc. En effet, il était resté haut perché sur la terrasse de sa maison pour défier les policiers, comme le montrent des vidéos qu’il a postées.
Ousmane Sonko rembobine son discours régionaliste
Au soir de la manifestation qui a viré à la Bérézina, Ousmane Sonko a fait une déclaration dans laquelle il s’en prend une fois de plus au Président Macky Sall qui, dit-il, «ne considère pas les Casamançais comme des humains». Nous avons toujours flétri ce dangereux et irresponsable discours régionaliste de Ousmane Sonko qui, à chaque occasion, tend à détacher la région naturelle de la Casamance du reste de la Nation sénégalaise. Il entretient ainsi la rhétorique du Mfdc. C’est un devoir citoyen que de le dénoncer. C’est pourquoi les «éminents» membres du Conseil pour le respect de l’éthique et de la déontologie (Cored) qui s’obstinaient à stigmatiser Le Quotidien pour avoir dénoncé de tels travers, doivent être dans leurs petits souliers. Pour une chronique en date du 24 mars 2021 intitulée «le prix de l’honneur d’un fils de Casamance», nous avions été réprimandés par cette structure faîtière des médias, pour nous être insurgés contre l’instrumentalisation par Ousmane Sonko et certains de ses proches, d’un sentiment irrédentiste casamançais. Aussi, le silence du Cored devant les dérives constatées quotidiennement de journalistes qui poussent le bouchon jusqu’à élaborer en direct sur des plateaux télés des stratégies d’organisation d’émeutes, est assez préoccupant. Dommage que tout cela finisse par nous conforter davantage dans le triste sentiment que d’aucuns ont juste eu la volonté de mordre une main qui les a nourris !