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Au Nom De Qui Parlez-vous ?

Au Nom De Qui Parlez-vous ?

Nous sommes dans un moment où la parole politique est désincarnée et ne produit qu’une litanie de vulgarités et de mots qui symbolisent la bravade ridicule. L’un de ces moments classiques où les citoyens observent des adultes échanger des mots doux comme s’ils se lançaient dans un concours de qui franchira le plus vite la limite de l’acceptable, du raisonnable. Des membres très en vue de la Société civile sénégalaise adorent ces instants pour se donner une contenance, une légitimité voire une utilité. Ils se lancent dans de grandes envolées afin de crier à la dictature, à la course vers l’abîme proche. Depuis que je suis la politique, et depuis que je m’y intéresse en ayant une certaine proximité vis-à-vis des acteurs du pouvoir et de l’opposition, je vois les mêmes mots, les mêmes craintes énoncées, les mêmes émotions feintes et les mêmes exagérations pour justifier une présence, une discontinuité au cœur des affaires publiques.

Entendons-nous bien : la Société civile est essentielle pour un pays, même si celui-ci n’est pas à proprement parler une démocratie. Il suffit de voir les risques que les sociétés civiles russe, congolaise ou camerounaise prennent dans des contextes d’autoritarisme. Dans ces pays, militer, appeler au respect des libertés fondamentales peut conduire à la prison ou à la mort. Au Brésil, la militante féministe, Marielle Franco, a été assassinée par des personnes supposées appartenir aux milices néofascistes dans son pays. Il y a un honneur dans l’acceptation du sacrifice parfois au péril de sa vie, pour défendre les causes progressistes relatives à la démocratie, à l’égalité, à l’indépendance de la presse et aux libertés publiques.

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Aucune démocratie ne peut avancer sans l’apport d’une société civile consciente de son rôle et soucieuse de promouvoir la liberté, la justice et l’égalité.

Dans notre pays, nous avons une tradition d’une société civile -associations, Ong, collectifs- active qui a porté de grandes préoccupations et a poussé à les transformer parfois en lois pour le renforcement de l’Etat de droit.

Les mouvements féministes, les collectifs contre la précarité, les associations culturelles et sportives ne sont pas aussi visibles que ce que j’appelle la société civile des élections, mais ils ont une plus grande utilité dans les zones urbaines et les campagnes. A côté de ces militants, souvent désintéressés, existe une société civile des élections et du fichier électoral, qui existe plus sur les plateaux des médias et sur les réseaux sociaux que sur le terrain auprès des citoyens.

Yoro Dia a une belle formule qui les caractérise bien : «Les rentiers de la tension.» Ils prédisent les pires scénarii pour encore exister et importuner de leur parole creuse, faussement convaincue et au final lassante. La quête des financements rend la hargne mordante et la mesure absente. Il faut annoncer le pire et se dresser comme un médiateur, un facilitateur et rester au premier plan sur cette comique scène de la vie politique nationale, où le ridicule le dispute à l’obscénité.

Ils parlent d’alternance, mais restent à la tête de leur organisation pendant plusieurs décennies, dénoncent des magouilles mais ont des méthodes discutables, s’érigent en Monsieur Loyal des querelles politiques, mais prennent position au gré de leurs affinités. Mars 2021 fut un moment intéressant dans l’observation de cette «société civile des élections». Elle a pris fait et cause pour un groupe, reniant ses engagements à défendre la veuve et l’orpheline, ici en l’occurrence celle qui dit avoir été violée, et qui a reçu une injonction au silence. Elle a prétendu défendre la démocratie dans le M2D, groupuscule d’agités. Y’en a marre continue à se mentir à lui-même, n’assumant pas d’être devenu un régiment politicien. Fadel Barro, lui, s’assume ; en s’engageant en politique, il a quitté la direction du mouvement, faisant preuve d’honneur et de décence.

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J’observe cette société civile, et je souris. Tout sonne faux chez elle. Tout. Elle ne défend plus le droit, mais se meurt en postures et contorsions malhonnêtes. L’un des plus éminents parmi eux appelle ouvertement à violer la constitution et les lois régissant la matière électorale au nom d’un apaisement. Comment appelle-t-on une société dans laquelle le droit se soumet aux desiderata des coteries et des appareils partisans ? Le même a envahi la rue en 2012 au nom du M23. Le même soutient, sur Sud FM, le 6 mars 2022, concernant un homme politique inculpé pour viol, qu’il «faut juger cette histoire et le laisser dérouler sa carrière politique, car il a beaucoup de gens derrière lui». Il a ainsi rendu un verdict et acquitté un homme accusé par une femme pauvre et orpheline. Que défendent ces entrepreneurs de la matière électorale au juste ? La démocratie ? La paix ? Le droit ? Ou la survie de leurs petites combines qu’ils sont encore les seuls à penser secrètes ? Je passe outre les juristes de la Société civile ; ceux qui avalisent toutes les forfaitures de la majorité et les autres qui inventent un nouveau droit sénégalais pour toujours plaire à leurs maîtres dont ils espèrent demain un renvoi d’ascenseur.

Ils ne mènent aucune bataille de principe, mais de personnes et de petits sous. D’ailleurs, au fond : qui a mandaté ces gens ? Au nom de qui parlent-ils ?







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