C’est la mort dans l’âme, que l’opinion a pris acte de la toute dernière forfaiture du pouvoir APR, qui a consisté à amputer la liste nationale Yewwi Askan Wi, de ses titulaires, presque tous des cadres politiques connus et reconnus.
Un « serial killer » politique
Ce crime politique, unique dans les annales de l’histoire politique de notre pays, n’est qu’un jalon de plus dans la confirmation des sinistres états de services d’un malfrat politique.
De fait, il a déjà eu à jouer des rôles obscurs et sordides dans la neutralisation judiciaire d’adversaires politiques de son mentor à la présidentielle de 2019 et à instruire ses préfets d’ester en justice pour invalider les listes de l’opposition, lors des dernières locales.
En réalité, ce ministre de l’Intérieur, qui ressemble, de plus en plus à un « serial killer politique », ayant manigancé l’hécatombe ayant décimé les listes de l’opposition pour empêcher leur participation aux prochaines législatives, est disqualifié pour organiser une quelconque élection.
Cela d’autant plus qu’hormis la parenthèse du général Pathé Seck, qui n’aura passé qu’une dizaine de mois au gouvernement, le président Macky Sall nous a ramené plusieurs années en arrière, à l’ère des ministres de l’Intérieur politiciens et partisans.
Il y a fort à parier que la coalition Benno Bokk Yakaar fera tout ce qui est en son pouvoir, pour empêcher une expression libre du suffrage universel, lors du prochain scrutin, comme semble l’indiquer le zèle de l’administration territoriale à empêcher l’opposition de tenir des rassemblements ou de faire des tournées à l’intérieur du pays.
Ces tristes évènements tendent à dénaturer notre jeu politique, qui avait pourtant la réputation d’être de haut niveau.
La résistance à l’arbitraire n’est pas un délit
Si nos acquis démocratiques, fruits de décennies de luttes sont remis en cause aussi facilement par le régime de Benno Bokk Yakaar, c’est en grande partie à cause de deux décennies de libéralisme et du fait que l’activité politique se fait en marge des luttes populaires. Ils ont poussé l’outrecuidance à un point tel qu’ils cherchent à présenter d’héroïques actes de résistance contre l’oppression néocoloniale comme un délit, une infraction à leurs arrêtés et lois sur mesure confectionnés par des tailleurs juridiques, électoraux ou constitutionnels, comme l’ont brillamment démontré d’éminents juristes.
Mais si on en est arrivé là, c’est que plusieurs secteurs du mouvement démocratique national ont totalement abdiqué leurs responsabilités.
À tout seigneur, tout honneur ! Les ténors de la gauche sénégalaise, qui faisaient la fierté du peuple, autrefois chefs d’orchestre des luttes citoyennes, démocratiques et syndicales se sont mués en procureurs impitoyables des mouvements d’opposition démocratique, qu’ils diffament, à longueur de journée, alors qu’on ne peut leur reprocher qu’une seule chose : la résistance à l’oppression et à un ordre social injuste.
Cette nouvelle posture des partis progressistes a impacté la société civile, dont la contribution dans les luttes démocratiques et citoyennes ayant précédé la deuxième alternance avait été décisive. Elle semble se contenter, à présent, d’une posture d’arbitre, offrant sa médiation pour préserver la paix civile, au détriment de la justice sociale, laissant le pouvoir dérouler ses plans liberticides.
Le mouvement syndical est atteint par les virus de la léthargie et du corporatisme. Au niveau des centrales syndicales, les principaux dirigeants sont passés maîtres dans l’art de canaliser et de domestiquer les luttes spontanées des travailleurs les plus défavorisés. Ils forment une bureaucratie, désormais orpheline du soutien des cadres politiques de gauche, à la recherche effrénée et permanente de compromis avec l’adversaire de classe. Certains d’entre eux sont des présidents de conseils d’administration avec un standing de vie plus proche de celui du patronat que de celui du prolétariat, qu’ils sont censés défendre. Quant aux syndicats de base, ils mènent des luttes certes épiques mais caractérisées par un corporatisme étroit, qui semblent se désintéresser du sort des larges masses populaires laissées à la merci du pouvoir inféodé aux intérêts des patronats.
La liaison avec les masses, garante d’une lutte plus efficace
Il est temps de prendre au sérieux le rouleau compresseur de l’autocratie néolibérale en gestation, qui bénéficie du soutien franc et massif des puissances occidentales, dont certaines comptent sur notre gaz pour briser le monopole russe sur cette source d’énergie.
La seule approche électoraliste ne permettra pas de conjurer les menaces qui planent sur notre démocratie, car beaucoup de forces sociales dans notre pays, qu’elles en soient conscientes ou non, sont intéressées par la perpétuation du système politique actuel. Par ailleurs, l’hyper-présidentialisme dont bénéficie Macky Sall et que semblent occulter certaines franges de l’opposition, lui permet encore d’instrumentaliser les pouvoirs législatif, judiciaire, les forces de défense et de sécurité, qu’il semble avoir réussi à infiltrer avec un certain succès, mais aussi une grande partie de la presse.
L’opposition, quant à elle, serait bien inspirée de rompre d’avec sa stratégie exclusivement basée sur une vision de sommet, top-down, autour d’un groupe de leaders, car elle n’a aucune chance de prospérer.
Les tendances dictatoriales perceptibles dans l’arène politique mettent au premier plan, la nécessité de réformes démocratiques urgentes aussi bien sur les questions électorales que sur celles ayant trait à la refondation institutionnelle, telles qu’esquissées lors des Assises nationales.
C’est pourquoi, l’opposition gagnerait à davantage à décentraliser sa lutte à travers tout le territoire national, à se lier aux masses et à les inciter à mieux s’organiser dans des cadres de lutte appropriés sur les lieux de travail (syndicats), dans les quartiers et villages.
Cela leur permettra d’opposer une farouche résistance aux atteintes itératives aux droits et libertés et de s’impliquer encore plus dans la défense de leurs droits économiques et sociaux.