Paris, le 26 juin dernier, les dirigeants respectifs de Total, Edf et Engie, tous dirigeants des trois sociétés, cœur énergétique de la France, avertissent leurs clients et compatriotes sur les risques de pénurie d’électricité, de gaz et d’essence. Ils prédisent un hiver difficile de rationnement dans la distribution et la disponibilité de ces produits essentiels aux consommateurs. Ces dirigeants, issus tous du filtre ultra-élitiste français, craignent des émeutes de l’énergie en parlant de menace sur la cohésion sociale. Pour eux, si les consommateurs ne contrôlent pas leur consommation d’énergie, l’offre ne pourra pas suivre.
A travers le monde, le tableau est plus que préoccupant :
– Le prix du baril a plus que doublé, à 120 dollars et l’hypothèse d’un pic à 150 dollars n’est pas exclue. Les combustibles pétroliers ont triplé s’ils ne sont pas souvent introuvables avec la crise ukrainienne et la fermeture des raffineries en Europe de l’Ouest pour cause de transition énergétique.
– Le prix du gaz subit une surcote de 70%, conséquence de la rareté du produit du fait des tensions géopolitiques de la guerre russo-ukrainienne, aggravé par les perturbations des méthaniers durant la pandémie du Covid-19. Nous payons tous l’ultra-dépendance au gaz russe bon marché et leur acheminement sur le continent européen via les réseaux gazoducs Nordstream.
L’électricité fossile gourmande en gaz et charbon chez les Européens, en combustibles pétroliers dans nos centrales ici en Afrique, dominent nos parcs de production malgré nos champs solaires et éoliens, et malheureusement 80% des coûts de production d’électricité dans nos pays, le Sénégal y compris, sont corrélés aux combustibles. Aujourd’hui, la flambée du prix du gaz pousse même certains pays européens signataires des accords de Glasgow à rouvrir des mines de charbon pour redémarrer des centrales fermées depuis longtemps pour cause d’émissions de CO2.
Au Sénégal, ce sont 508 milliards de F Cfa de subvention publique pour le secteur énergétique, aujourd’hui tous les acquis dans l’efficience énergétique et la réduction de coûts et charges au sein de l’énergéticien public -pour ne citer que ce dernier- sont absolument sans effet, même la montée en puissance des productions d’énergies propres issues des parcs solaires et éoliens. Les pertes d’électricité s’accumulent du fait des sous-investissements sur le réseau de transport, le courant continu solaire et éolien accentue et amplifie ces pertes faute de mécanismes de stockage robuste.
Après la pandémie du Covid19 puis la crise ukrainienne qui sévit aujourd’hui, l’explosion de la masse salariale de la Fonction publique et le service de la dette, c’est la trésorerie de l’Etat qui ne pourra plus suivre les injections de liquidités et d’argent requis pour garantir l’accès à l’électricité pour tous, d’où l’urgence d’un consensus national sur notre avenir énergétique et sur nos habitudes de consommation d’énergie.
La facture pétrolière devient lourde et ne nous laisse plus de marge de manœuvre pour l’équilibre de notre balance des paiements extérieurs. Il fautforcer les Sénégalais à la sobriété dans la consommation énergétique si nous ne voulons pas vivre le traumatisme de 2011, suite aux coupures longues et intempestives d’électricité. Les queues devant les stations d’essence vont se multiplier et impacteront la mobilité en milieu urbain.
Notre pays n’a pas les moyens de subventionner nos nouvelles habitudes de consommation. Même les changements climatiques ne nous laissent plus le choix, surtout pour l’énergie issue des cours d’eau et barrages. Ces nouveaux défis imposent de nouveaux paradigmes qui dictent, voire imposent des changements de comportement par rapport aux usages de l’électricité et du carburant en attendant le pétrole de Sangomar et le gaz de Gta.
Moustapha DIAKHATE
Expert et Consultant en Infrastructures
Ex Conseiller Spécial PM
Ex Conseiller Spécial Présidente Cese