Les Assises de l’Union internationale de la presse francophone (Upf) viennent de s’achever à Benguérir au Maroc. Elles ont été une occasion pour moi d’être trempé en plein dans l’Université polytechnique Mohammed VI de Benguérir. J’en sors frappé d’admiration par ce qui se fait dans ce temple d’éducation du royaume chérifien, qui a tout de l’université africaine de l’avenir. Le Maroc a su mettre en place une université qui n’a rien à envier à aucun établissement d’enseignement supérieur dans le monde. C’est ça aussi tirer son épingle du jeu.
Cette université part d’une initiative de l’Office chérifien du phosphate (Ocp), une des sociétés minières leaders sur le continent, qui avait voulu mettre en place son campus de cadres afin de former les bras et têtes voulus et de pouvoir y mener ses initiatives de recherche et développement. La copie d’origine sera modifiée par le Roi du Maroc, Mohammed VI, selon qui l’Ocp, étant une société publique, se devait d’être plus englobante et inclusive dans la mise sur pied d’une université. Ainsi, sur un site de 1000 hectares qui fut jadis une mine de phosphate, la construction d’une université pour l’Afrique intégrant les domaines que sont l’agriculture, les sciences et technologies, les sciences humaines et sociales, les métiers du management, l’entrepreneuriat et l’hôtellerie, fut entamée.
Sur le campus de l’Université polytechnique Mohammed VI de Benguérir, on est avant tout renversé par la qualité des infrastructures. Des logements étudiants aux laboratoires, en passant par les salles de cours et espaces de vie, les meilleurs outils ont été mis à disposition de la communauté. Un incubateur dénommé Stargate pour les entrepreneurs et startups est sur le campus principal pour permettre le développement de différents projets à des promoteurs venus du monde entier. Un parc technologique déjà opérationnel est ouvert aux industriels afin de pouvoir développer leurs idées de recherche avec le concours des étudiants. Une ferme expérimentale de 170 hectares est à disposition de l’université comme laboratoire vivant pour répondre à l’impératif de la recherche agricole poussée. La faiblesse que constitue la recherche scientifique dans les pays africains est le défi majeur que les promoteurs de l’Université polytechnique Mohammed VI cherchent à relever. Le Maroc investit à date moins de 0,76% du budget d’Etat dans la recherche scientifique et la recherche appliquée. En investissant dans une université technologique, les industriels comme Ocp tentent de résorber ce gap tout en offrant à leur économie nationale des voies de compétitivité.
L’université de Benguérir n’hésite pas, dans sa stratégie de recrutement du corps professoral, à débaucher les meilleurs professeurs dans le monde selon les disciplines. Une politique de recrutement incitative mettant en avant tout un écosystème de vie autour du campus est mise en œuvre. Une stratégie similaire est également conduite pour le recrutement des étudiants. Des bourses d’excellence sont offertes aux étudiants de tout le Maroc et l’Afrique, avec une prise en charge intégrale des frais d’études et d’intendance. L’idée est d’en faire des ascenseurs sociaux en misant sur une sélectivité dans l’éducation avec l’octroi des bourses aux meilleurs profils dans tout le Maroc et sur tout le continent africain. A titre d’exemple, plus de 6000 candidatures sont reçues pour intégrer chaque année l’école d’ingénieurs de cette université, mais 40 uniquement sont sélectionnées après écrémage.
Après cinq ans d’activité, l’Université polytechnique Mohammed VI dispose de campus dans les principales villes du Maroc avec une orientation sur des disciplines spécifiques pour chaque site. Elle vise à l’horizon 2025 d’avoir 6000 étudiants dont le quart issu de toute l’Afrique.
Un tel campus orienté recherche est une belle réussite du modèle d’investissement d’utilité publique et citoyenne que peuvent réaliser les industriels. Un industriel, en misant sur sa compétitivité technologique, parvient à offrir à tout un pays, voire à son continent, une université aux standards mondiaux. Quand on se rend compte que dans notre cher Sénégal, plusieurs de nos industriels peinent dans leur collaboration avec les établissements d’enseignement supérieur à offrir des stages ou des immersions professionnelles dignes de ce nom, le fossé peut être grand. Toutefois, il ne faudrait pas ménager d’efforts pour inciter nos industriels à investir dans l’éducation. Les Etats-Unis ont leur plateau éducatif actuel grâce à l’action de philanthropes ou de corporations qui ont voulu investir dans la recherche. Cornelius «Commodore» Vanderbilt, magnat des chemins de fer et de la marine marchande, ouvrait une brèche en 1873 en offrant 1 million de dollars pour la création d’une université de recherche au Tennessee. Ce modèle fera des émules dans le monde. Le Maroc montre une voie, à nos industriels de la suivre.