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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

LÉgislatives, Prime Aux Bons ÉlÈves

LÉgislatives, Prime Aux Bons ÉlÈves

Huit coalitions sont en lice pour solliciter les suffrages des Sénégalais aux élections législatives du 31 juillet prochain. Les enjeux sont multiples mais il en est un sur lequel beaucoup, quel que soit le bord politique, semble s’accorder : des résultats de ces élections dépendra l’attitude du président Macky Sall au sujet du 3ème mandat. Tout du moins la 3ème candidature. Un consensus risqué car le mode d’élection offre, dans l’absolue, à la majorité présidentielle un avantage qui jusque-là a toujours mené à la victoire, même à la Pyrrhus. Il eut été peut-être plus habile pour l’opposition, me semble-t-il, de, stratégiquement, jouer le nombre de voix plutôt que la majorité et une hypothétique cohabitation. Ils auraient pu ainsi miser collectivement, malgré leurs divergences, sincères ou tactiques, sur leur capacité à contraindre Macky Sall à un second tour synonyme de défaite pour un sortant sous nos cieux pour annihiler le projet de 3ème mandat.

Mais qu’à cela ne tienne ! L’ambition déclarée pour chaque coalition de conquérir la majorité nous impose de les prendre aux mots et de scruter comment elles se positionnent et ce que chacune propose. Parce qu’à la fin de tout ça Il n’y a que deux certitudes : nous élirons de nouveaux députés et le président Macky Sall sera encore là, au moins pour deux ans. Dès lors l’enjeu principal pour l’électeur doit être de choisir les meilleurs représentants. A ce petit jeu, je suggère d’aller chercher les meilleurs « élèves » de ses élections pour donner du sens à la méritocratie que chaque Sénégalais appelle théoriquement de ses vœux.

Ça ne peut naturellement pas être BBY !

Avec la meilleure volonté du monde on parviendrait difficilement à trouver des arguments qui plaident, objectivement, en faveur du renouvellement de la majorité BBY. La manière dont ils mènent campagne l’illustre parfaitement d’ailleurs. Ils ne misent pas sur leur bilan parlementaire mais plutôt sur les réalisations de l’exécutif et la manière docile avec laquelle ils les ont accompagnés. Il faut dire qu’entre les scandales judiciaires, le niveau abyssal de certains députés et la présidence partisane de Moustapha Niass, il est préférable d’essayer de convaincre les populations du potentiel danger que représenterait la victoire de l’opposition plutôt que de miser sur l’intérêt qu’aurait la leur. BBY doit être ajourné dans l’intérêt supérieur du pays.

Bok Gis Gis disqualifié

Pape Diop incarne une particularité dans le landernau politique : il participe peu au débat public. En revanche il adore aller aux élections. Il y va toujours. Gratte quelques élus et se terre à nouveau. On ne sait pas réellement ce qu’il pense, ni ce qu’il veut. On a, par moment, l’impression qu’il veut juste qu’on ne l’oublie pas. Tâche ardue quand on s’associe à Aliou Sow dont aucune sortie publique ne résiste à l’envie ridicule de justifier une certaine réussite sociale.

Pape Diop a présidé l’Assemblée nationale et le Sénat pendant des années. Il n’en reste rien. C’est largement suffisant pour disqualifier toute liste à laquelle il participe.

Les serviteurs devront repasser

Une des coalitions surprises portée par Pape Djibril Fall. Un très gentil journaliste doté d’une certaine rhétorique, en wolof surtout. Je ne le connais pas personnellement mais j’use du qualificatif « gentil » par ce qu’on a envie de ponctuer chacune de ses interventions par « qu’est-ce qu’il est gentil ». Il est en train d’apprendre, peut-être à ses dépens, que la politique à défaut d’être un métier (dogme qu’il serait peut-être temps de remettre en cause), reste un milieu particulier. Les immunités durement acquises sautent les unes après les autres avec une légèreté déconcertante.

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Pape Djibril et son groupe veulent servir. Ambition noble. D’aucun rajouterait encore faudrait-il savoir pour mieux servir. Il est difficilement compréhensible de voir Pape Djibril penser qu’il serait plus utile à sa société en tant que député minoritaire avec un temps de parole famélique, à moitié couvert par des insultes, plutôt qu’en tant que journaliste/éditorialiste ayant pignon sur rue dans une télé de grande audience. Il est à considérer qu’au-delà du peuple, le désir de servir de PDF s’adresse aussi à quelques égos dont peut être le sien. C’est un moteur en politique mais souvent une très mauvaise boussole. Les serviteurs ont beaucoup de mérite et sans doute du courage mais pour moi ils devront repasser. PDF ne ferait néanmoins pas tâche à l’Assemblée Nationale quand on sait à quoi nous sommes habitués.

Bunti bi tëju në !

Ce qui s’est passé à Bunt-bi avec Théodore Chérif Monteil rappelle à bien des égards ce qu’a vécu Ndeye Fatou Touré, l’excellente député dont le mouvement Tekki nous avait gratifiés. Après une mandature sur laquelle même ses adversaires s’accordaient sur la qualité, elle a dû céder à Mamadou Lamine Diallo, patron du mouvement, pour des raisons politiques.

Il suffit de lire le communiqué de Bunt-bi qui justifie l’exclusion de Chérif Monteil pour comprendre que la lumière qu’il a prise du fait de la qualité de son travail à l’Assemblée Nationale a ébloui ses anciens camarades. Ne parlons même pas du récent méli-mélo entre le reste de la troupe. Quand on n’est pas capable de fermer la porte des divergences personnelles pour proposer aux citoyens un représentant digne de son bilan, il est illusoire de s’appeler bunt-bi. Il faut refermer cette porte.

Natangue Askan wi, Yalla téré

Ils font semblant de concourir mais les querelles de leadership apparues après la validation des listes trahissent les non-dits sur leur véritable ambition. Du reste la tête de liste de Natangue, Sheikh Alassane Sène Taree Yalla reste un mystère pour moi. Il fait partie de cette longue liste de personnalités publiques dont personne ne peut concrètement expliquer l’ascension et la place médiatique. Une raison suffisante pour passer son chemin à mon avis. Taree Yalla, Yalla téré !

Ça ne peut aucunement être Wallu !

Ils ont mis Abdoulaye Wade comme tête de liste. Je passe outre son âge et m’arrête sur les dernières lois qu’il a voulu faire voter à l’Assemblée nationale : le quart bloquant et le ticket présidentiel. Quand on a si peu de respect pour les institutions de ce pays, on doit éternellement demeurer au purgatoire politique. Je rajoute que tous ceux qui sont partis se réfugier derrière lui ont démontré un manque de courage politique qui ne mérite pas qu’on leur accorde des voix. Sans compter qu’il est quasi certain qu’une partie d’entre eux ralliera le camp présidentiel après l’élection. Ne gâchez pas votre dimanche si vous souhaitez voter pour eux.

Ça aurait dû être YAW !

La coalition YAW a réussi un coup de maître en s’imposant comme la principale force d’opposition à Macky Sall. Elle l’est, à travers les résultats des dernières locales et les leaders qui la composent dont le maillon principal : Ousmane Sonko. De l’idée qu’on se fait de lui dépend, à mon avis, pour une part importante des électeurs, la décision de voter ou non pour YAW.

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Quelqu’un m’a dit un jour : on ne sait pas vraiment ce que tu penses de Sonko. Je me suis alors rendu compte en répondant que je ne le savais peut-être pas moi-même. Par moment je me demande comment rester insensible à ce parcours et ce discours lorsqu’on exècre les dérives du régime de Macky Sall et qu’on ambitionne de faire de la justice sociale une réalité dans ce pays. Comment s’exclure, et pourquoi d’ailleurs, de cet engouement populaire qui défie toute l’oligarchie habituelle ? Qu’a-t-on sacrifié d’aussi précieux que lui pour prouver notre engagement pour ce pays ? Un parti a-t-il autant réconcilié les citoyens avec la politique que Pastef ne l’a fait aujourd’hui ? Autant d’interrogation dont chaque réponse possible est normalement une marche qui doit mener Ousmane Sonko à la tête de ce pays.

Et pourtant la séquence d’après je m’interroge sur la valeur d’un tel discours lorsqu’il est sous-tendu par autant de contradictions dans les actes, y compris pour des raisons dîtes stratégiques. Le film des alternances récentes défile alors dans ma tête et m’impose une froideur dans l’analyse. C’est à cet instant précis, ce moment qui ressemble à une avant dernière étape avant le sacre, qu’il faut mettre les garde-fous et remettre les principes au-dessus des émotions ? La logique qui consiste à conquérir le pouvoir par tous les moyens pour ensuite redevenir soi, nous a toujours perdu. Il y a certaines transformations dont on ne revient pas. Dans son ascension « Seydina » Ousmane a choisi de se délester d’un certain nombre d’artefacts moraux jugés trop lourds, avec l’ambition les récupérer une fois au sommet, si on en croit certains de ses partisans. Il a décidé de ratisser large, populiste et démagogique. De Wallu à Samm Jikko Yi tout y passe, tant que rien ne dépasse. Choix étonnant que de délaisser, à minima partiellement, la ligne qui avait obtenu 15% des voix en 2012 pour en épouser une qui, si elle a souvent conduit à la victoire dans le passé, empêche clairement de gouverner de manière différente.

Yaw-Wallu, du fait de leur position de force, joue la carte du référendum pour ou contre Macky Sall, avec comme atout légitime le funeste projet de 3ème mandat. L’histoire récente nous commande d’en exiger plus. A la fin du scrutin, ce sont des hommes et des femmes qui iront à l’Assemblée nationale pour nous représenter. Attelons-nous à bien les choisir. YAW s’est sabordé en donnant l’occasion au pouvoir en place de sabrer sa liste de titulaires. YAW s’est alliée à la coalition dont le noyau central est la cause de beaucoup de dérives que perpétuent le régime actuel. YAW gagnerait largement à comprendre que les résultats des élections locales ne constituaient pas un blanc-seing et que la volonté de faire partir Macky Sall n’est pas incompatible avec la proposition d’une alternative qui va au-delà des postures. Ils doivent mieux faire.

Ce sera Aar Sénégal, malgré tout !

Cette coalition est le fruit d’un concours de circonstance. Si Thierno Bocoum avait trouvé une place qui lui sied dans YAW et si ces derniers avaient daigné répondre aux appels du pied maladroitement exigeant d’Abdourahmane Diouf, elle n’aurait pas existé. Pas sous cette forme en tout cas. Ils ont néanmoins très habilement exploité la situation. Il était évident qu’entre YAW et BBY il y avait un espace politique et que celui qui voudrait l’occuper devrait faire face aux deux. Avec naturellement une adversité plus prononcée pour YAW parce que les réserves de voix sont naturellement dans l’opposition. Il fallait une alternative dans l’opposition et ils ont réussi le pari, médiatiquement en tout cas, d’occuper la place.

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L’avantage majeure de Aar c’est qu’ils jouent, eux, véritablement le jeu des élections législatives. C’est évidemment stratégique mais c’est éminemment important. S’il y a un palier que notre démocratie doit franchir c’est bien celui-là. Le niveau d’adversité envers le pouvoir en place, quelle que soit l’ampleur des dérives, ne doit plus nous imposer d’accorder du crédit à quiconque propose tout juste son départ.  Le corollaire de tout ça est qu’il faut rompre avec la tradition d’une opposition unique. Elle doit être plurielle avec l’ambition de trouver des compromis dans l’intérêt du pays plutôt que de se satisfaire juste d’avoir un ennemi commun.

Aar Sénégal se réclame de l’opposition et assume des divergences avec Yaw-Wallu. C’est de bonne guerre. Ils visent le même électorat avec un avantage certains pour Yaw-Wallu. Les accusations de collaboration dont Aar Sénégal est victime rentrent aussi dans ce cadre-là.

Aar Sénégal a eu l’intelligence de régler les problèmes de positionnement à l’entame de leur coalition et d’épargner aux Sénégalais le spectacle irrespectueux du bal des égos qui secoue presque toutes les autres coalitions.

Aar Sénégal regroupe des personnalités qu’on qualifie volontiers de compatibles du fait de leur parcours et de leur profil. Jusque-là, même sans le dire, personne ne conteste le fait que notre Assemblée nationale s’honorerait à avoir en son sein des députés comme Thierno Alassane Sall, Abdourahmane Diouf ou autre Ibrahima Hamidou Dème.  De même, il serait difficile de lister des députés qui ont marqué leur mandature de par la qualité de leur travail sans citer Thierno Bocoum, Théodore Chérif Monteil, Thierno Omar Sy ou encore Marième Soda Ndiaye. Alors on pourra toujours convoquer la rigidité de Thierno Alassane Sall, l’aspect moralisateur de Bocoum, les passages d’Abdourahmane Diouf et Monteil à BBY mais rien de tout cela n’est en mesure, à date, de contester le positionnement et les convictions qu’ils revendiquent.

Aar Sénégal a fait l’effort de présenter un contrat de législature avec un calendrier respectueux du scrutin et des électeurs. Il y aurait beaucoup de chose à en dire mais l’effort témoigne encore une fois de la volonté de jouer le jeu des élections et aussi d’un effort de séduction envers l’électorat. Pas le plus populaire malheureusement.

Aar Sénégal a joué la carte des bons « élèves » en s’en tenant strictement à la nature de ces élections et en misant sur l’intelligence des Sénégalais pour la suite. C’est un positionnement risqué mais qui mérite d’être soutenu. Il est bon qu’on encourage ceux qui font bien les choses ou qui essayent en tout.

En votant Aar Sénégal dimanche, on s’assure de renforcer l’opposition mais surtout de miser sur des députés dont on n’aura certainement pas à rougir. On envoie aussi un message clair aux autres prétendants sur notre volonté, en tant qu’électeur, d’être séduit et pas que par l’intensité de notre capacité de contestation.

 







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