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L’actualitÉ De La Question Ukrainienne

L’actualitÉ De La Question Ukrainienne

« Cette idée selon laquelle nous allons envoyer en Ukraine des équipements offensifs, des avions et des chars …. Vous pouvez dire ce que vous voulez, les uns les autres, cela s’appellerait la troisième guerre mondiale » – Joe Biden.

A peine entrée dans une phase de relèvement précoce face à la pandémie d’une sévérité sans précèdent de la Covid-19 dont les conséquences économiques, sociales, politiques et culturelles n’ont pas été suffisamment évaluées, l’humanité se trouve confrontée à un dysfonctionnement des normes qui régissent les relations internationales à la mesure des nouveaux défis qui se posent dans la géopolitique mondiale à travers la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine au nom de la sécurité  de la fédération russe sous la menace de l’OTAN.  Sommes-nous en train de créer les conditions du déclenchement de la « troisième guerre mondiale » annoncée par le président américain Joe Biden pour repousser les pro-guerre contre la Russie avec une possibilité d’activer « la bombe atomique » selon les menaces du président Russe ? Au-delà du caractère factuel de la crise intolérable du point de vue politique et de la morale des relations internationales. Notre propos est de nous interroger sur les dynamiques du conflit dans la géopolitique actuelle ressuscitant les blocs post-deuxième guerre mondiale et la place de l’Afrique dans ce chaos et désastre humanitaire que subit l’Ukraine (plus de 3 millions de populations déplacées).  

Le 20eme siècle était marqué par un tournant historique sans précédent avec une mondialisation progressive qui a accéléré le processus d’intégration dans le marché mondial des différentes économies. La fin de la guerre froide a accéléré à la fois l’uni – polarisation de la loi du marché, la fin des guerres mondiales classiques et jeté les bases de la fragmentation de la géopolitique mondiale. La disparition des blocs a rendu possible les nouvelles dépolarisations sur des axes d’intérêts économiques et géostratégiques autour du contrôle de matières premières essentielles pour le siècle commençant surtout dans le contexte de changements climatique, vecteur de toutes les incertitudes auxquelles l’humanité doit faire face. La survenue plus fréquente des catastrophes naturelles telles que le tsunami, Katerina et l’assèchement de 90% de la surface du bassin du lac Tchad  sont là pour nous rappeler la fin de toutes les certitudes en matière de développement durable.

La chute du mur de Berlin le 9 Novembre 1989, les attaques des tours jumelles du World Trade Center, le 11 septembre 2001, la nouvelle piraterie internationale dominante en Somalie, le terrorisme, les migrations internationales massives observées, le renforcement de la puissance militaire israélienne, la chute de Saddam Hussein et la récurrence des conflits à travers le monde constituent un nouveau paradigme de la globalisation effrénée. Aujourd’hui, la paupérisation croissante des différentes couches sociales, les catégorisations sociales et politiques qui ont toujours caractérisé le monde (la guerre d’ influence géopolitique entre les pays du Nord pour le contrôle du marché pré et post colonial, les blocs Est et Ouest, les pays du Tiers-Monde et les pays développés, la guerre froide et les guerres de décolonisation) sont des formes d’interpellation sur  les  valeurs de civilisation et les effets secondaires de la globalisation dont le curseur est place sur l’impératif du contrôle des ressources notamment le pétrole et le gaz. L’humanité a fait face à des guerres de colonisation, des guerres de religions avec l’inquisition, des guerres mondiales. Il aurait suffi que l’Archiduc d’Autriche Franz Ferdinand soit assassiné le 28 juin 1914 à Sarajevo et que l’Allemagne en pleine récession économique envahisse les sudètes en Tchécoslovaquie en 1930,  annexe l’Autriche et la Pologne en septembre 1939 , que l’Italie fasciste s’attaque à l’Éthiopie et à l’Albanie pour leur  colonisation et que le Japon envahisse la Mandchourie en 1931 et le reste de la Chine en 1937 que l’humanité bascule dans les affres de deux guerres mondiales 1914-1918 ; 1939-1945 avec en toile de fonds la grande crise économique de 1929. La conflictualité prend aujourd’hui des formes singulières liées aux avancées technologiques et à la globalisation du marché mondial. L’histoire a-t-on coutume de dire ne se répète pas, mais peut bégayer avec notamment les contours et les dynamiques explosives en cours au cœur de l’Europe et pas si loin virtuellement de l’Afrique pour des raisons géostratégiques.

Le bégaiement de l’histoire des blocs

La crise actuelle entre la Russie et l’Ukraine renseigne sur les nouvelles formes localisées de la conflictualité dont la nouvelle Europe reste l’épicentre. Lewis A. Coser nous indique que la conflictualité peut être un élément structurant de la communication. La conscience citoyenne provoquée par la guerre en Irak et en Afghanistan contre l’administration Bush est un indicateur sur le fait que le conflit peut être un facteur de fédération des consciences et d’unité nationale. La Russie qui est la jonction entre la Chine et l’Europe dispose d’une grande taille de 17 millions de Km2, dont l’histoire est à la mesure de la grandeur de sa civilisation russophone qui rayonnait depuis la fin du XVIIIeme siècle ou Catherine II avait élargi les frontières européennes de la Russie en y incluant la Pologne, l’empire ottoman (Territoire Tatar) et la Crimée au nom de la nouvelle Russie (Novorossia) en 1783. La révolution Bolchevique de 1917 a aussi structuré dans l’imaginaire géostratégique toute la grandeur l’histoire de la grande fédération de l’URSS jusqu’à la démission de Mickael Gorbatchev, père de la Perestroïka. Ainsi, le drapeau rouge marqué de la faucille et du marteau a disparu et quinze républiques ex-soviétiques ont proclamé leur indépendance après 70 ans d’appartenance au même espace politique.  Pour assurer une transition douce, la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie s’accordent à Minsk le 8 décembre 1991 pour créer une Communauté des États indépendants. L’accord d’Alma Ata sera conclu le 21 décembre 1991 pour entériner la grande alliance de la CEI avec 11 ex-républiques soviétiques supplémentaires, et la Géorgie rejoindra en 1993. Il faut souligner que déjà l’Ukraine était un enjeu important lors de la seconde guerre mondiale 1939-1945 et était partagée entre l’URSS, la Roumanie, et la Hongrie. Il faut dire que l’Ukraine était une zone de polarisation entre Hitler, Staline et les alliés et un enjeu géostratégique majeur du fait de sa position géographique et des ressources.  

La transposition de la guerre économique dans les relations internationales

L’invasion russe de l’Ukraine a connu plusieurs étapes depuis 2014 en réponse à la politique atlantiste de l’Europe et des États-Unis, avec l’annexion de la péninsule de la Crimée combinée avec la mise sous contrôle des États post-soviétiques et la reconnaissance des territoires pro-Russes dans les frontières de l’Ukraine par la grande fédération Russe. Ce qui se joue entre la Russie et l’Ukraine est une transposition de tensions économiques mondiales traduites en guerre pour ressusciter les blocs et subrepticement l’industrie de l’armement sous le contrôle des grandes puissances. 

Cette stratégie totalitaire de la fédération russe consciente de ses forces notamment avec la richesse de son sous-sol en énergie fossile, n’absout pas l’Union européenne et les États-Unis de leur volonté exprimée par les États-Unis le 26 janvier 2022 de renforcer l’OTAN aux portes de la fédération de Russie. 

L’interdépendance économique entre l’UE et la Russie est une donnée majeure de la realpolitik, ce qui constitue un gap important à combler pour les États autosuffisants sur le plan énergétique avec le schiste bitumeux. En effet, la Russie un territoire-continent, un sixième de la planète avec 16 fuseaux horaires, dispose des plus grandes réserves mondiales de gaz (19,8%), les deuxièmes en charbon (15,2) et les sixièmes de pétrole (6,1%) et les forets représentent un cinquième de bois de construction de la planète. Il faut souligner par ailleurs que 40% des importations de gaz, 45% du charbon et 25% de pétrole de l’Europe provient de la Russie. La fédération de Russie perçoit 330 milliards de dollars de recettes pétrolières et une dette de 40 milliards de dette en Eurobond.

Six mois après, nous sommes toujours dans une phase d’escalade de la guerre qui accentue les déséquilibres de la crise économique avec son corolaire : l’insécurité énergétique, alimentaire et l’inflation galopante qui affecte les pays vulnérables, l’EIA américaine. Ce qui représente une manne financière importante qui pourrait se substituer au pétrole importé de la Russie par l’Union Européenne.

Par ailleurs, il faut noter que l’Ukraine est le 6eme producteur mondial de blé et de maïs en 2020, 4ème producteur mondial de pomme de terre (20 millions de tonnes) et 9,6 millions de tonnes de légumes. Les enjeux économiques de ce conflit sont énormes et méritent que des solutions soient trouvées avant l’accélération de la crise économique et de l’insécurité alimentaire mondiale qui est déjà là avec les alertes de la FAO qui vont impacter des millions d’enfants et de femmes enceintes à travers le monde.

Les réponses de l’Union Européenne et les USA tournent autour des condamnations dans les institutions internationales, des sanctions économiques et de soutien en armement de l’Ukraine pour isoler et étouffer la grande puissance économique de la fédération de Russie qui pèse sur l’économie mondiale

Et l’Afrique dans ce conflit au front européen ?

Le 21e siècle montre aujourd’hui que la taille du marché mondial suscite des ambitions économiques avec une profusion de nouvelles puissances économiques et politiques face aux puissances traditionnelles dans le sens d’une redistribution de la carte géopolitique mondiale. L’Union Européenne alignée derrière les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, la Turquie et la Corée, sont devenus autant d’acteurs qui veulent peser sur les relations internationales.

Aujourd’hui, le multilatéralisme prend des formes singulières avec une profusion de fora à la mesure des égoïsmes des grandes puissances, chacun cherchant à tirer profit du dividende de l’investissement en Afrique qui est devenue une niche de croissance. Ainsi, le Japon organise son bilatéral à travers le TICAD, Europe-Afrique, Chine-Afrique, USA-Afrique, France- Afrique , Francophonie , Turquie-Afrique… 

Conscient des enjeux de l’Afrique sur la géopolitique mondiale, certains des pays africains dont le Sénégal, ont décidé une position de non-alignement par rapport à la situation de l’Ukraine. Ainsi lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies le 2 mars 2022 qui exige que la Russie retire immédiatement, complètement et sans conditions toutes ses forces militaires d’Ukraine et condamne la décision de la Russie d’accentuer la mise en alerte de ses forces nucléaires, 16 pays africains dont le Sénégal se sont abstenus ; 8 pays africains n’ont pas pris part au vote, 22 pays africains n’ont pas exprimé d’opinion sur le conflit.

Cette situation est inédite du point de vue de la géopolitique de la période post-coloniale que 46 sur 55 pays refusent de s’aligner sur les positions du bloc occidental. Le cosmopolitisme, levier essentiel de la mondialisation a montré ses limites objectives notamment avec les lois scélérates contre la migration, le repli identitaire avec Donald Trump « l’Amérique d’abord », le Brexit de Boris Johnson, la pandémie de la Covid-19 et le renforcement de l’extrême droite à travers le monde. Les vieux démons ressurgissent à partir des politiques protéiformes complexes avec une hypercentralisation de la gouvernance et de plus en plus de régimes autoritaires aux USA avec l’épisode Trump, en Corée avec Kim Jong Un, en Russie avec Poutine, en Ukraine avec Zelenski, en Chine avec Xi Jiping, au Brésil avec Bolsonaro, en Inde avec Modi, en Israël avec Netanyahou et en Turquie avec Erdogan.

Les tensions actuelles dans plusieurs pays témoignent de la fragmentation de la géopolitique ou chacun tire la couverture à soi, dans le contexte de la globalisation néolibérale. Chacun de ses pays cherche son ancrage sur des zones régionales d’intérêt économique commun et géostratégique. Seules les industries de l’armement vont profiter de l’envahissement militaire russe en Ukraine pour retrouver leur compétitivité et relancer leur économie en perte de vitesse. La solution de la crise entre les deux pays réside dans la capacité des peuples russes et ukrainiens à se mobiliser contre leurs propres régimes autoritaires pour imposer la paix et arrêter l’escalade de la guerre des intérêts des oligarques russes, ukrainiens et de l’extrême droite néo-fascisante naturellement avec la solidarité internationale.

Un nouveau vent souffle en Afrique qui est devenue une niche de croissance avec la diversification des partenariats économiques notamment dans les infrastructures routières, aéroportuaires, le tourisme et les services sociaux de base sans aucune crainte de la géopolitique des blocs en se dotant d’une certaine liberté avec le partenariat gagnant-gagnant. L’Afrique qui est un vivier des matières premières avec à la fois des énergies fossiles et des énergies propres constitue un enjeu géopolitique majeur et continue de faire l’objet de plusieurs convoitises. L’Afrique doit se tourner vers l’Afrique et peser sur le plan économique, politique, social démographique et culturel au niveau des échanges internationaux. Ainsi, sans verser dans les caniveaux du multilatéralisme béat, la fédération des États-Unis d’Afrique, la monnaie unique et la ZLECA constituent un boulevard pour le développement du continent, et gardent toute son actualité brulante face à la fragmentation de la géopolitique mondiale. N’est-ce pas là le sens du vote de l’essentiel des pays africains lors du vote de la résolution des Nations Unies condamnant la Russie avec la fragilité actuelle de la géopolitique mondiale binaire des blocs ?  

apouye@seneplus.com

Références

  1. Poutine la stratégie du désordre, Isabelle Mandraud, Julien Théron ; Edition Talandier 2022 ;
  2. Le Monde diplomatique Avril 2022 « Ukraine, l’engrenage »
  3. La mondialisation est terminée. Les guerres culturelles mondiales ont commencé. David Brooks du New York times, opinion 2022
  4. Vladmir Fedorovski, Poutine de A à Z, Edition Stock, 2017
  5. Donald Trump, L’Amérique paralysée, Éditions du Rocher, 2016
  6. Steven Nelson « That’s called War III New York Post 11 Mars 2022







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