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La Revision Du Code De La Famille Doit Etre Un Imperatif Pour Les Parlementaires Nouvellement Elus

La Revision Du Code De La Famille Doit Etre Un Imperatif Pour Les Parlementaires Nouvellement Elus

Maimouna Astou Yade et Présidente chez JGEN Women Global Entrepreneurship et membre du Collectif des Féministes du Sénégal. Dans cet entretien accordé à Seneweb, elle appelle la nouvelle assemblée nationale à se pencher sur la révision du Code de la Famille. Sans langue de bois, elle évoque aussi  l’homosexualité et de l’avortement médicalisé, sujets qui figureront sans doute dans l’agenda de la nouvelle législature.

Le Sénégal a élu de nouveaux représentants et représentantes du peuple à l’assemblée nationale pour un mandat de 5 ans, avez-vous des attentes particulières comme citoyenne et militante engagée pour les Droits des Femmes ?

Évidemment, comme toute citoyenne car notre pays a une belle et longue histoire démocratique. Maintenant en tant que féministe et militante pour les droits des femmes, je pense que cette 14ème législature sera élue dans un contexte social marqué par une effervescence des revendications féministes pour l’avancement des droits des femmes dans de nombreux domaines.

Le plaidoyer de la société civile pour l’avancement des droits des femmes est un exercice bien connu des  femmes parlementaires sénégalaises, car ces dernières sont des partenaires privilégiées des défenseurs des droits humains particulièrement des droits des femmes. Nous attendons beaucoup de cette nouvelle législature et nous continuons à nous mobiliser pour la révision du code de la famille particulièrement en ses articles 152, 153, 111, 196, 277 entre autres dispositions discriminatoires à l’égard des femmes.

Nous pensons que la révision de ce code doit être un impératif pour les parlementaires nouvellement élus.

“Il faut que cette nouvelle législature ait le courage nécessaire de prendre des initiatives innovantes au nom de la dignité des femmes sénégalaises

Quelles sont ces dispositions discriminatoires que vous pointez du doigt ?

Le comité technique national de révision des dispositions législatives et réglementaires discriminatoires à l’égard des femmes a proposé les révisions suivantes qui concernent principalement :

    L’âge du mariage

Texte actuel de l’article 111 : « le mariage ne peut être contracté qu’entre un homme âgé de plus de 18 ans et une femme âgée de plus de 16 ans sauf dispense d’âge accordée pour motif grave par le président du tribunal régional après requête »

Modification proposée :

« L’âge minimum requis pour le mariage est fixé à 18 ans, aussi bien pour les filles que pour les garçons »

Toutefois, le Président du Tribunal peut, après enquête, et pour juste motifs, accorder une dispense d’âge à titre exceptionnel à partir de 16 ans ».

    La direction de la famille

Texte actuel de l’article 152 sur la puissance maritale : « le mari est le chef de la famille. Il exerce ce pouvoir dans l’intérêt commun du ménage et des enfants ».

Texte actuel de l’article 375 sur les charges du ménage : « Sous tous les régimes, les époux s’engagent entre eux et à l’égard des tiers, à pourvoir à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants communs.

Modification proposée :

Pour l’article 152 : « le mari a la responsabilité de la famille. Il l’exerce dans l’intérêt commun du ménage et des enfants »

Modifier l’article « puissance maritale » en « Administration de la famille ».

Article 196.  Interdiction de la recherche de paternité

L’établissement de la filiation paternelle est interdit à tout enfant qui n’est pas présumé issu du mariage de sa mère ou n’a pas été volontairement reconnu par son père, exception faite des cas prévus à l’article 211. L’enfant dont la filiation paternelle n’a pu être établie peut toutefois obtenir des aliments par l’exercice de l’action prévue par les articles 215 à 218.

Chapitre premier. La puissance paternelle

Paragraphe premier. L’attribution de la puissance paternelle

Article 277 :  Enfants légitimes

Modification proposée :

Il est proposé de modifier le titre du chapitre et de l’intituler « Attribution de l’autorité parentale » au lieu de « Attribution de la puissance paternelle ».

Article 196.  Interdiction de la recherche de paternité

L’établissement de la filiation paternelle est interdit à tout enfant qui n’est pas présumé issu du mariage de sa mère ou n’a pas été volontairement reconnu par son père, exception faite des cas prévus à l’article 211. L’enfant dont la filiation paternelle n’a pu être établie peut toutefois obtenir des aliments par l’exercice de l’action prévue par les articles 215 à 218.

A LIRE  Obstination démentielle d’Alpha Condé (Par Pierre Moussa CISSE)

Modification proposée :

Modifier l’article 196 pour autoriser la recherche de paternité et abroger les articles 211, 215, 216, 217, 218.

Ces différentes propositions doivent être portées par les  femmes élues pour ces 5 prochaines années , il faut que cette nouvelle législature ait le courage nécessaire de prendre des initiatives innovantes au nom de la dignité des femmes sénégalaises.

 

La phase de validation des listes a été marquée par plusieurs couacs parfois dûs au non-respect de la parité. Qu’est-ce que cela traduit ?

Regrettable. Oui nous avons tous  assisté à ce spectacle honteux orchestré par les politiques en toute connaissance de cause. Les politiques nous ont une fois de plus démontré que les intérêts de leurs partis sont plus importants que le respect des lois et règlements du pays. Cela prouve encore une fois que les droits des femmes n’intéressent que les femmes.  

Le collectif des féministes du Sénégal a écrit une tribune sur cette violation manifeste de la loi sur la parité afin de dénoncer cette injustice que les leaders politiques commettent au vu et au su des  Sénégalais. Le collectif a pu mener une campagne d’information et de dénonciation à travers les médias car on ne pouvait se taire devant une telle forfaiture.

Le même scénario s’est produit en 2014 et on espérait que cela servirait de leçon pour ces élections locales et législatives de 2022, mais hélas, nous continuons à faire face à la réalité des politiciens.

“Les femmes sénégalaises sont considérées par le patriarcat sénégalais comme des citoyennes de seconde zone”

Vous avez écrit dans une tribune (www.lemonde.fr/afrique/article/2022/06/02/il-est-temps-que-les-senegalai…) que les Sénégalaises sont traitées comme des citoyennes de seconde zone. N’est-ce pas un peu fort  ?

C’est quand même hallucinant de penser que cette phrase semble être de trop, dans un pays où le patriarcat exerce encore une suprématie sur les femmes, une suprématie qui coûte chère aux femmes de ce pays. Nous n’arrêterons pas de nous qualifier ainsi en tant que femmes sénégalaises car c’est la triste réalité. Alors je le répète, les femmes sénégalaises sont considérées par le patriarcat sénégalais comme des citoyennes de seconde zone.

“Des femmes parlementaires de la  13eme législature ont défendu d’importants dossiers avec un grand leadership”

C’est la dernière législature qui a voté la loi criminalisant le viol, elle a voté également une loi protégeant davantage les droits des femmes enceinte en milieu professionnel. Au-delà, quelle note donneriez-vous à cette assemblée sortante dans la prise en compte des revendications des femmes ?

Je commencerai d’abord par féliciter la société civile pour sa mobilisation dans le cadre de ce plaidoyer pour la criminalisation du viol et de la pédophilie au Sénégal. Les parlementaires ont également accompagné ce processus jusqu’au vote en décembre 2019.  À noter aussi qu’il y avait une réelle volonté politique à accompagner ce changement positif de la situation des femmes, particulièrement dans le cadre de leur protection contre les violences sexuelles.

La révision du code du travail concernant les conditions de travail des femmes enceintes en milieu professionnel reste aussi une belle avancée pour les droits des femmes, nous savons que la loi était imprécise à ce niveau et donc cette nouvelle loi est hautement appréciée.

La loi criminalisant le viol et la pédophilie implique quand même des changements dans la procédure pénale que les femmes ne connaissent pas certainement, ce qui motive notre travail en tant que féministe car nous savons que l’accès à l’information est un grand challenge pour ce qui concerne l’accès des femmes à la justice.

Bon, noter la législature sortante, alors, sincèrement, je ne saurai  quelle note leur attribuer mais ce qui est important c’est de savoir que des femmes parlementaires de la  13eme législature ont défendu d’importants dossiers avec un grand leadership. Cela reste quand même un signal fort et une référence pour cette nouvelle législature qui apparemment sera marquée par une belle présence des jeunes femmes.

Cela donne vraiment un espoir, on verra , on verra  ce que les nouvelles députés  femmes nous réservent comme surprises.

“Nous avons un gros problème avec les hommes qui pensent avoir le droit à la parole lorsqu’il s’agit du corps des femmes, pas de leur femme même, mais des femmes en général”

Vous militez en faveur du droit à l’avortement médicalisé. Pourquoi selon vous est-il utile de voter une telle loi ?

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Forcer une femme ou une fille à  garder une grossesse issue d’un inceste ou d’un viol est d’une extrême violence, c’est la pire méchanceté qui soit. Nous avons un gros problème avec les hommes qui pensent avoir le droit à la parole lorsqu’il s’agit du corps des femmes, pas de leur femme même, mais des femmes en général. Il faut vivre dans un pays où les hommes pensent être propriétaires du corps de la femme pour entendre de vraies inepties sur les droits sexuels des femmes. En matière de santé sexuelle, les hommes ont tous les droits et nous femmes tous les devoirs. Je pense que les femmes doivent apprendre à contrôler leur sexualité, ce n’est que de cette manière qu’elles pourront s’affranchir et ainsi s’épanouir, se libérer des chaînes du patriarcat.

“Ce à quoi nous avons assisté  avec ces rassemblements contre l’homosexualité ressemblaient plus à un lobby politique orchestré par des politiciens encagoulés qui prennent la religion comme prétexte”

La dernière législature a été également secouée par la question de l’homosexualité. Des députés en grande partie de l’opposition, soutenus par des officines religieuses, souhaitaient la criminaliser. Avez-vous une position sur cette question ?

Parler de la criminalisation de l’homosexualité dans un pays qui déjà la pénalise est juste absurde car il n’y a aucune cohérence.

Ce à quoi nous avons assisté  avec ces rassemblements contre l’homosexualité ressemblaient plus à un lobby politique orchestré par des politiciens encagoulés qui prennent la religion comme prétexte  pour se frayer un chemin politique. C’est dommage qu’on nous reproche, nous féministes, d’être contre la religion car ce n’est pas le cas, alors là pas du tout.  

Les féministes sont tellement incomprises et nous savons pourquoi beaucoup de faux religieux  de ce pays ne nous supportent guère. C’est juste parce qu’ils   se soucient plus de comment maintenir leur fausse apparence devant des millions de  personnes qui se noient aveuglément dans leurs prêches qui disent tout sauf ce que Dieu a dit.

C’est fatiguant ce qui se passe dans ce pays, ces gens-là nous épuisent mentalement et ce sont eux  qui réduisent les femmes à de simples procréatrices.

“La connaissance complète sur la sexualité n’a rien de tabou en Islam”

Dans une Tribune publiée dans Jeune Afrique (www.jeuneafrique.com/1265884/societe/la-societe-senegalaise-reste-tres-c…) vous écriviez, “les revendications pour l’avancement des droits des femmes portent encore sur des sujets extrêmement tabous, comme les droits sexuels des femmes”.  A quoi faisiez-vous référence ?

Les droits sexuels des femmes font référence à leur contrôle de leur santé sexuelle et reproductive, mais également à leur accès aux informations et services de santé sexuelle sans craintes de préjugés en raison de leur sexe ou du rôle social qu’on leur aurait attribué en tant que femme. Les droits sexuels des femmes renferment plusieurs aspects, la connaissance et la maîtrise de son corps, avoir la capacité de prendre des décisions éclairées sur son corps pour préserver sa dignité. Les femmes doivent décider de leur reproduction en fonction de leur choix de vie.

Le lobby des faux  religieux aussi doit vraiment arrêter d’avoir son mot à dire sur le corps des femmes, leur discours détruit l’estime de soi et la confiance en soi des femmes. La connaissance complète sur la sexualité n’a rien de tabou en Islam, mais eux, ils l’ont rendu inaccessible pour les femmes, alors nous aussi, nous essayons, en revanche, de la rendre le plus accessible possible aux femmes. C’est un droit fondamental.

“C’est « le patriarcat qui tue les femmes »  de par ses mythes, son pouvoir fabriqué et qui ne repose que sur la volonté de maîtriser le corps des femmes”

Évoquons l’actualité. Récemment, après le meurtre de  Seynabou Diop, jeune fille enceinte retrouvée morte à Touba, avec comme suspect principal son petit ami, le Collectif des féministes du Sénégal a écrit dans un tweet “Au Sénégal, les hommes préférent tuer les femmes…”. Là aussi ne peut-on pas vous reprocher une certaine forme d’exagération ?

Encore une fois rien n’est une exagération.  Il ne faut juste pas le prendre au sens péjoratif car on parle ici des actes des hommes dans leur majorité.  Moi je dis que c’est « le patriarcat qui tue les femmes »  de par ses mythes, son pouvoir fabriqué et qui ne repose que sur la volonté de maîtriser le corps des femmes  et ainsi de les rendre faibles éternellement.

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Seynabou DIOP est une victime de plus, nous sommes tellement peinées lorsque nous lisons ou entendons  pareilles histoires horribles. Paix à son âme.  On sait que les femmes vivent dans une société où l’apparence cache le caractère faux des personnes qui, aux yeux des sénégalais représentent la perfection et la vérité alors qu’elles sont tellement fausses. Nous sommes désolées, nous vivons dans un mythe, la réalité est tellement loin de cela. Notre combat pour les droits des femmes est tellement légitime et nous sommes déjà convaincues de cela  et nous demeurons prêtes à être les combattantes de cette cause.

Pouvez-vous définir pour nous le terme féminicide ?

Le feminicide renvoie au meurtre d’une femme ou d’une petite fille en raison de son sexe. Il faut penser exercer un vrai pouvoir sur la femme pour commettre un feminicide. Malheureusement, c’est un terme qui n’est pas reconnu juridiquement au Sénégal.  

Autres expression souvent utilisée “culture du viol”. Existe-t-il un culture du viol au Sénégal ?

Oui, les gens qui entendent cela de notre part nous disent que nous en faisons trop, mais encore une fois c’est parce qu’ils ne prennent pas la peine de suivre et de comprendre notre logique. Nous parlons de culture du viol pour designer l’ensemble des croyances socioculturelles et religieuses qui tendent à doter les hommes de supers pouvoirs, ces pratiques datent de très longtemps et c’est ce qui en fait une culture. Pour être plus précis, je donne l’exemple des commentaires que la société fait sur les victimes de viol, par exemple «  Qu’est-ce que tu allais faire la bas » « Pourquoi tu as porté tel pour aller voir un homme » «  Elle l’a provoqué » «  elle n’est pas de bonne mœurs » entre autres discours extrêmement violents pour la femme qui se fait agressée sexuellement.

Je ne suis pas sociologue ni anthropologue certes mais d’une logique simple on peut comprendre ce que veulent dire les féministes quand elles parlent de «  culture du viol ».

“Nous n’avons aucune relation personnelle avec Adji Sarr, ce n’est pas cela notre travail, notre travail c’est de libérer la parole des victimes quel que soit leur statut social”

En parlant de viol, l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr déchaîne des débats passionnés. La victime a, dans une récente, encore lancé un appel à plus de soutien des femmes. Les féministes sénégalaises sont-elles  trop timorées dans leur soutien à Adji Sarr ?

Je pense que Adji Sarr ne  connait pas grand-chose sinon rien du féminisme, elle a peut-être voulu parler des défenseures des droits des femmes dans leur globalité. Mais dans tous les cas, dire cela n’a aucun sens pour nous.  Nous n’avons aucune relation personnelle avec Adji Sarr, ce n’est pas cela notre travail, notre travail c’est de libérer la parole des victimes quel que soit leur statut social.

Je rappelle qu’Adji Sarr a un dossier ouvert  à l’Association des juristes Sénégalaises pour cette même accusation de viol, le collectif des féministes du Sénégal a fait ce qu’il devait faire et se réjouit du fait que cette affaire soit maintenant sur le point d’être élucidée.

Nous continuerons à faire notre travail pour toutes les plaignantes de ce pays  et cela va continuer de plus belle Inchallah.

Du fait de sa communication et de ses vidéos où elle peut apparaître exubérante, certains lui dénient le caractère de victime. Comment appréciez-vous ça ?

Exubérante ? c’est vous qui le dites vraiment. Ce ne sont pas des vidéos de ce genre qui donnent à une personne un statut de victime ou non. Il faut arrêter de mettre du jugement sur les plaignantes de violences sexuelles. Cette fille a vécu terrorisée et cloîtrée pendant des mois, donc si aujourd’hui, elle essaye de remonter la pente , laissez-la en paix.  Les discours politiques qu’elle peut tenir en rapport avec son dossier ne nous intéressent pas, nous valorisons seulement sa parole en tant que plaignante de viol et nous demandons qu’elle ait accès à la justice pour cette dernière puisse faire correctement son travail en toute impunité.







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