“Tous les arts ont produit leurs merveilles, seule la politique a produit des monstres.” (Saint Just)
Dans la tradition chrétienne, Judas est l’archétype du traître, et incarne le félon sous sa forme la plus vile. Le revirement spectaculaire de Pape DIOP qui a tourné casaque, passant en l’espace d’un mois de l’opposition à la mouvance présidentielle pour plonger littéralement pieds et mains liés dans « BENNO » fait étrangement penser à Judas, la figure du traitre. A croire que la nature humaine est imprévisible.
La transhumance de Pape DIOP est une capitulation en rase campagne. Son acte (symbole de l’indignité et des contrevaleurs) inspire le dégoût et suscite la réprobation générale. En s’engageant auprès de Macky SALL dont les jours sont comptés à la tête du Sénégal, Pape DIOP a définitivement ruiné le peu de crédit qui lui restait et signé sa mort politique. On ne peut pas être le pourfendeur d’un régime hier et devenir son laudateur aujourd’hui. Tout comme, on ne peut pas déclarer hier que Macky SALL est l’artisan du chaos au Sénégal et rejoindre quelques mois plus tard la mouvance présidentielle pour soit disant éviter une « crise institutionnelle » qui est le fruit d’une imagination fertile.
Lors de la mort de l’ancien Premier ministre français, Pierre Bérégovoy en 1993, François Mitterrand a eu cette formule célèbre : « Toutes les explications du monde ne pourront justifier qu’on ait pu livrer l’honneur d’un homme aux chiens ». De fait, toutes les explications du monde ne pourront justifier que Pape DIOP ait jeté aux orties, son honneur. Sa posture assimilable à celle d’une girouette aurait dû le conduire à faire profil bas. Sa ligne visant à tenter de défendre l’indéfendable est intenable.
Au demeurant, ses justifications alambiquées sur un blocage institutionnel (un alibi pour sa transhumance) constituent une insulte à l’intelligence des Sénégalais. Le Préambule de la Constitution consacre le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs conçus et exercés à travers des procédures démocratiques. Dans un régime de séparation des pouvoirs, il n’y a nulle place pour une « crise institutionnelle » si chaque pouvoir (exécutif, législatif et judiciaire) exerce le rôle qui lui est dévolu par la Constitution, n’outrepasse pas ses compétences et n’empiète pas sur celles des autres.
L’assemblée nationale n’est pas une annexe du pouvoir exécutif, mais un véritable contre-pouvoir : aux termes de l’article 67 de la Constitution, c’est elle qui fixe entre autres, les règles concernant « la détermination des crimes et délits, les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, l’amnistie, la création de nouveaux ordres de juridictions et le statut des magistrats… ». Au titre de l’article 70, seule l’Assemblée nationale peut « autoriser la déclaration de guerre ». Et même lorsque le Président use de ses pouvoirs exceptionnels prévus à l’article 52 de la Constitution qui ne s’applique pas à la cohabitation, il ne peut ni réviser la Constitution, ni « dissoudre l’assemblée pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels -cf le dernier alinéa de l’article 52 ». Toute mesure de nature législative prise au titre des « pouvoirs exceptionnels » doit faire l’objet d’une ratification par le parlement qui peut l’amender ou le rejeter.
On le voit donc, les pouvoirs du Président sont encadrés par la Constitution et il ne peut agir comme bon lui semble, contrairement à une opinion fausse et répandue. Pour avoir présidé l’assemblée nationale, Pape DIOP ignore-t-il ces textes ?
La transhumance politique est une perversion de l’âme. Avec la crise profonde des valeurs au Sénégal, nous assistons à un paradoxe et à un phénomène inédit : « ceux qui sont à l’aise matériellement sont frappés d’indignité, au moment où les indigents tentent malgré tout de conserver leur dignité ». Le monde à l’envers !
Pape DIOP soutient Macky SALL comme la corde retient le pendu (en sursis). Il l’ignore sans doute : en affichant publiquement qu’il rejoignait « BENNO », il vient de donner à Macky « le baiser de JUDAS, la pilule de la trahison ». La formule est connue de tous : « Qui trop embrasse mal étreint ».Tout député de l’opposition qui rejoint BENNO compromet son avenir politique et sera frappé d’une déchéance morale. D’ici les prochains mois qui nous mènent vers 2024, personne ne pourra sauver Macky SALL de la débâcle. Sa descente aux enfers et celle de tous les transhumants est irréversible.
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@paris.fr