Dans une interview parue le vendredi 12 août 2022 dans un journal de la place, le professeur Aliou Sow a voulu démontrer la pertinence et l’importance du Haut-conseil des collectivités territoriales pour notre pays.
Jeune frère, professeur Aliou Sow, les Sénégalais, dans leur écrasante majorité, ont découvert suite à votre article que vous êtes membre du Hcct, mieux que vous y occupez des responsabilités que vous avez déclinées à travers une très longue phrase. En réalité, vous, comme tous les autres membres haut placés dans cette institution à polémiques, n’ont presque jamais été entendus, depuis plus de 6 ans.
Il a fallu la sortie de la Société civile et de la Coalition Yewi–Wallu, pour que subitement le Hcct, emmuré dans un silence profond depuis des années, se trouve au-devant de l’actualité.
Personnellement, ayant suivi votre brillante carrière universitaire, mais aussi votre expérience dans la conduite des affaires de l’Etat, je ne m’attendais pas à une telle position de votre part.
Vous avez fait preuve durant les deux années précédentes à travers la presse, d’engagement courageux et vous avez pris des positions fortes sur certains sujets qui préoccupent le Sénégal.
Eminent et jeune professeur, vous faites partie de ceux sur qui le Sénégal compte pour enlever de notre système de gouvernance les tares profondément nuisibles à notre pays, encore pauvre malgré les fanfaronnades répétitives (taux de croissance fictif, productions agricoles exagérées, de systèmes éducatif et sanitaire en déroute).
Mon cher Aliou, vous avez évoqué votre démission de 2018 du Hcct pour des raisons certainement rationnelles, comme vous semblez le dire, avant de revenir dans cette institution pour des raisons d’affection et de sentiments à l’endroit d’autorités du Parti Socialiste. Je vous connais digne, non envieux, respectueux et souvent courageux dans vos prises de position. C’est pourquoi votre décision de 2018 avait mieux reflété vos qualités : quand l’intérêt national est en jeu, les sentiments sont relégués au second plan. Cette fois-ci, le politique et le sentimental l’ont emporté sur l’éminent intellectuel que vous êtes. Mais je nourris l’espoir que vous allez vous rattraper : vous en avez le temps et le talent.
Revenons au Hcct
Cher professeur, plus de 35 milliards de F Cfa ont été engloutis en 6 ans par le Hcct, pour en fin de compte, en nous fiant à votre bilan de cette institution, produire une valise de documents et des centaines de recommandations, totalement inconnues du reste, des acteurs potentiellement bénéficiaires que sont les conseillers départementaux et municipaux.
La plaidoirie pose problème ! Depuis 6 ans, aucune collectivité territoriale n’a reçu une délégation du Hcct !
Même des conseillers de la mairie des Parcelles, pour ne pas dire du Point E où loge le Hcct, interrogés, ne savent pas grand-chose sur cette institution.
Même si, à la décharge du Hcct, diverses personnes ont été consultées, presque jamais les conseillers municipaux ou départementaux, hormis ceux qui siègent au Hcct, n’ont été invités pour des séances de travail qui intéressent leurs préoccupations. Aucune rencontre n’a eu lieu entre des délégations des collectivités territoriales et du Hcct. Franchement, pour produire des documents destinés à former les conseillers municipaux ou à faire des recommandations au président de la République, avait-on besoin de 6 ans et 35 milliards ?
L’Administration territoriale plus que compétente en la matière, la plupart des présidents de Conseil départemental, des maires, des conseillers municipaux et départementaux, et une dizaine de hauts fonctionnaires et experts du privé auraient fait le point en moins de 2 mois par an, sur tous les besoins des collectivités territoriales, et avec un budget probablement inférieur à 100 millions de F Cfa par an.
En réalité le souci des collectivités territoriales est ailleurs :
Le problème notoire de ces collectivités réside dans la faiblesse structurelle des ressources financières, matérielles et humaines destinées à la décentralisation.
Les causes de l’échec de la décentralisation au Sénégal sont à trouver dans ces manquements graves.
A titre d’exemples :
Les mairies dites rurales, sans fiscalité aucune, reçoivent à titre d’investissement, en moyenne 30 000 000 F Cfa par an pour faire face à la dizaine de compétences transférées : éducation primaire, santé, eau, environnement, équipement divers etc.
Pire, les conseils départementaux dont la vocation est le développement économique et social de proximité, chargés ainsi de combler avec efficacité, rapidité et utilité le gap élevé et constant partout, en matière de besoins de première nécessité (éducation, santé, emploi, agriculture, élevage, sports, etc.), gap dû à l’accaparement des ressources du pays par des projets, programmes et institutions exagérément budgétivores, se heurtent chaque jour à des demandes multiples des populations. Celles-ci ne peuvent en effet croire que ces conseils départementaux sont dépourvus de ressources du fait des territoires importants qu’ils doivent assister.
Au moment où le Hcct consomme en 2022 plus de 9 milliards de F Cfa, les 43 conseils départementaux du pays se retrouvent avec un budget d’investissement (communément appelé Fecl) de moins de 4 milliards de F Cfa par an, soit une moyenne de 90 millions par département.
Que représentent 90 millions pour un département de 12 voire 15 communes :
à peine 6 à 7 millions d’investissement par commune alors que les besoins en construction de salles dans les lycées et collèges, en achat de matériel didactique (Rizo, ordinateur, tables-bancs, etc.) pour ces établissements, en équipement médical de moindre coût pour les hôpitaux, en adduction d’eau et en installation de kits solaires pour des villages exposés à l’obscurité et à l’insécurité dès le coucher du soleil, en appui logistique aux agriculteurs et éleveurs, aux sportifs, etc. sont présents tous les jours dans les communes de chaque département.
Face à cette situation, comment justifier l’opportunité du Hcct dont la performance est ridicule tant dans la durée de la réalisation de son contrat que du résultat obtenu à savoir :
6 ans pour produire 500 recommandations et une valise de documents conseils en préparation pour les collectivités territoriales du pays.
Pour cela il a fallu utiliser plus de 35 milliards F Cfa, de 2016 à 2022, de nos maigres ressources. Or 35 milliards auraient permis de désengorger l’Ucad où 80 000 étudiants vivent quotidiennement la galère, parce que la capacité maximale de cette université atteint à peine 25 000.
Chacune des options suivantes est plus qu’opportune pour le Sénégal :
35 milliards auraient permis de construire au moins trois centres universitaires régionaux qui deviendraient plus tard des universités performantes et de proximité.
35 milliards auraient permis de construire plus de 20 établissements hospitaliers de niveau 1 dans 20 départements du pays au cours des 6 dernières années, facilitant ainsi, grâce à la proximité, la prévention et l’accès rapide à des soins pour des populations semi-urbaines et rurales.
35 milliards auraient permis d’acquérir plus de 1000 tracteurs équipés pour réduire notre dépendance alimentaire élevée, qui a comme corolaire, en cette année de crise mondiale, une inflation record, durement ressentie par les populations.
35 milliards de F Cfa pour 150 conseillers donnent un coût unitaire de 233 000 000 F Cfa par conseiller (coût direct et indirect) : en lieu et place, ces 35 milliards auraient permis le paiement de 20 000 emplois jeunes productifs.
Autant d’options capitales pour notre pays, pourtant non exhaustives totalement : les besoins de réduire l’importation de lait, d’équiper nos villes en stades secondaires, de promouvoir l’industrie, d’éradiquer les abris provisoires, etc., sont autant d’autres options plus bénéfiques pour notre pays.
Je voudrais terminer, cher professeur, par les conclusions suivantes :
D’abord rappeler le contexte de la création du Hcct : 3 ans après l’arrivée du Président Macky Sall au pouvoir, deux des trois principaux partis qui l’ont soutenu avaient reçu leur part du gâteau Benno Book Seddo: Le Cese pour l’Apr, (Aujourd’hui pour le quatrième allié), la présidence de l’Assemblée nationale pour l’Afp. Il restait le troisième parti, le Ps. Alors, la ruse politique a conduit à inclure dans la réforme constitutionnelle de 2016, la création du Hcct, pour le donner au leader du Ps de l’époque. Pour rappel, le référendum avait battu les records d’abstention.
Aujourd’hui, 6 ans après, ces motivations politiques ont montré leurs conséquences graves sur l’économie du pays.
Comme en matière de gouvernance il faut toujours innover, entreprendre les réformes bénéfiques, il devient urgent :
De supprimer le Hcct
D’inclure les missions du Hcct dans le Cese. Du reste, celles du Cese et du Hcct sont compatibles voir identiques, pour le développement économique et social des collectivités territoriales.
Ramener le budget du Cese à 2 milliards de F Cfa tout au plus par an (au lieu de 10 milliards présentement), en réduisant le nombre pléthorique de conseillers et en allouant (exceptés les membres du bureau qui doivent respecter une présence régulière pour le suivi des dossiers) seulement des indemnités journalières de session et des indemnités kilométriques aux conseillers choisis dont la plupart (Pdg de groupes privés, hommes d’affaires, universitaires, etc.) ont déjà des revenus substantiels.
Le cumul annuel de ces indemnités ne devrait pas dépasser 2 millions de F Cfa par conseiller, largement suffisants pour mettre à l’aise pendant la durée des sessions ceux qui acceptent de contribuer, par le conseil, au progrès de notre cher pays.
Nous ne sommes ni la France, ni l’Allemagne encore moins les Usa pour nous permettre des dépenses inutiles et insupportables, face aux défis du développement et du futur d’une population dont la moyenne d’âge est de 19 ans. Qu’on ne nous parle surtout pas de pétrole et de gaz dont les recettes sont déjà largement compromises.
Exit le Hcct ! Comme le Sénat qui avait été institué sous le Président Wade, ces structures qui répondent uniquement à des objectifs politiques et non d’intérêt national doivent être bannies de notre système de gouvernance. Presque toujours, ce sont des conseillers, peu soucieux des intérêts du Peuple, qui mettent à la tête des présidents, ces genres d’idées nuisibles, même toujours en fin de compte, à ces mêmes présidents.
Le Senat n’a rien servi au Président Wade (Ironie de l’histoire, celui qui en avait occupé la Présidence est aujourd’hui dans Benno Book Seddo); le Hcct, au regard de la tendance actuelle, ne constitue plus une soupape de sécurité pour le Président Sall. (En a-t-il besoin d’ailleurs si légalement il renonce au troisième mandat ?).
Les choses semblent être faites ainsi : Dieu corrige toujours in fine les souverains qui utilisent des subterfuges au détriment des peuples, les peuples de Dieu Le Tout Puissant, Le Miséricordieux, Le Très Miséricordieux, L’Unique Connaisseur des objectifs de tous dans le monde d’ici-bas.
Vive le Sénégal, vive L’Afrique
Khadim GUEYE
Président du Conseil Départemental de Diourbel