Ce pays est notre Sénégal à nous tous. A défaut que d’un commun effort nous puissions en faire un pays exemplaire du point de vue de la démocratie, veillons à ce que jamais il ne marche à reculons. Que tout le monde se le tienne pour dit, surtout ceux qui s’activent dans la vie politique. Mais malheureusement, ce qu’il nous est donné de constater n’est guère rassurant, tant s’en faut.
Mon indicateur principal est le sort que les équipes qui se succèdent aux affaires réservent tour à tour à la notion de démocratie véritable, que les différents prétendant au trône, ce paradis sur terre, revendiquent véhémentement quand ils sont à l’opposition. Mais comme on l’a constaté plus d’une fois, une fois au pouvoir, ces combattants d’hier pour la démocratisation de la vie politique, deviennent subitement allergiques aux critiques, même réellement constructives que leurs camarades et autres amis qui leur avaient tenu l’échelle leur font.
Sans perdre du temps, ils se mettent à user comme les équipes qu’ils viennent d’évincer du pouvoir, de méthodes dictatoriales de gouvernance qui n’auraient rien à envier à celles qu’ils ont toujours vilipendées.
Qui ne subirait pas des pincements au cœur, en pensant à tous les efforts fournis pour arriver à déboulonner les prédécesseurs qui avaient fini par croire qu’ils ne quitteraient les délices du pouvoir que dans des cercueils, en route pour les cimetières ?
Quant ces gens au pouvoir en font voir de toutes les couleurs aux opposants, ils sont si confiants, fort de l’énorme supériorité de leurs immenses moyens tirés bien sûr des moyens matériels et humains de l’Etat qu’ils considèrent comme des rêveurs, ceux qui leur discutent le pouvoir, n’ayant comme seuls moyens que les subsides provenant des cotisations des membres de leurs partis et des quelques appuis que leur donnent certaines relations qui se débrouillent dans les affaires. C’est quand ces généreux donateurs sont convaincus par leur programme politique. Mais ils s’en cachent pour ne pas courir le risque de subir les représailles des hommes au pouvoir, qui n’hésitent pas à leur fermer les robinets des marchés publics et qui ont aussi des moyens d’exercer des influences sur des privés pour qu’ils s’abstiennent de traiter d’affaires rentables avec eux.
Quant aux cadres, même très compétents, s’ils sont soupçonnés d’avoir des accointances avec l’opposition, au revoir les postes d’emploi intéressants qu’ils peuvent mériter. A la longue, les membres des familles de ces hommes d’affaires, de ces hauts cadres en chômages, pas technique mais « politique », se désolent du sort qui leur est fait, en guise de punition pour leur choix libre de tenir à leur dignité au lieu de toujours chercher à plaire à chaque « Son Excellence, Monsieur le Président de la République » qui arrive, gestionnaire réel de tous les biens de l’Etat, titulaire de la faculté de nommer et de dégommer qui il veut, quand il veut sans avoir à rendre compte à personne. Même pas aux institutions de contrôle dont il est connu qu’il met souvent le coude sur les rapports compromettant de ses amis qu’il ne voudrait pas qu’ils arrivent au Parquet. Et pour cause !
Si les hommes et les femmes de l’opposition se battent sincèrement pour une démocratie véritable et non factice, qui se limite au bout des lèvres, c’est parce qu’ils sont convaincus qu’avec une gouvernance réellement démocratique, ce qui se passe comme irrégularités, surtout depuis une vingtaine d’années ne se passerait pas.
Qu’on ne nous rétorque pas de voir ce qui se passe dans tel ou tel pays. Il faut balayer devant sa porte d’abord. Se comparer aux meilleurs, aux plus performants dans tel ou tel domaine pousse à faire des progrès, et le contraire retarde.
D’aucuns soutiennent allègrement que le fait que notre pays compte une centaine de partis politiques et assez de structures de contrôle en fait un pays démocratique. Que non ! L’existence de la démocratie réelle dans un pays donné ne se mesure pas au nombre de partis politiques qui y ont cours. Le Royaume Uni d’Angleterre, que je sache a deux ou trois partis politiques et les USA tournent dans cet ordre. Qui de ces deux pays et le nôtre le Sénégal, est plus démocratique ? Il va de soi qu’une telle comparaison est un non sens, c’est évident.
Les conditions trop relaxes, très faciles à réunir par ceux qui aspirent à s’entendre appeler « Monsieur le Président… » ou « Monsieur le Secrétaire Général ou le Premier Secrétaire » de tel ou tel parti favorisent la prolifération des partis chez nous.
Ainsi, le Ministère de l’intérieur a sans doute beaucoup de difficultés pour l’organisation des élections, et le budget de l’Etat supporte difficilement le coût très important qu’il faut pour couvrir les frais de leur organisation. C’est pourquoi, à mon sens, il faut comprendre le gouvernement quand il fixe des montants à verser par chaque liste de candidatures aux législatives, aux locales et par chaque candidat aux Présidentielles.
Réagissant par rapport à ce nombre trop exagéré de partis politiques pour un nombre d’habitants d’environ quinze millions, Monsieur Jean Paul DIAS, acteur politique dit un jour : « il y a des partis dont l’effectif des membres tiendrait dans une cage d’ascenseur ». Une façon de critiquer la folie qui pousse certains à créer des soit disant partis politiques qui frisent le ridicule. Vraisemblablement le but poursuivi par les fondateurs de tels partis est loin d’avoir même un seul député, si ce n’est par le plus fort reste. Leur but non avoué est de sortir de l’anonymat. Il y a aussi à noter que le titre pompeux de chef de parti leur permet d’avoir l’avantage de se voir tendre le micro par des journalistes en mal de personnes à interviewer.
Pour en revenir à Monsieur DIAS, n’y a-t-il pas lieu de se demander ce qui l’avait poussé pour, qu’après avoir fait une remarque pertinente à propos des partis minuscules, qui apparaissent comme des champignons il a fondé comme les autres qu’il a eu à railler, son propre parti « Le bloc des centristes gayndé » (BCG) qui n’était pas mieux loti en nombre de militants.
Mais dans tout cela, on peut accuser l’ancien tout puissant ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence de la République sous le Président Abdou DIOUF, Monsieur Jean Collin, et le Président Abdoulaye WADE.
On raconte, s’agissant de Monsieur COLLIN que sur des bases de tactique politicienne il intéressait, même des moins que rien politiquement, à créer leurs partis. Ensuite il les faisait rallier en masse le parti socialiste. Il n’ignorait pas que ces partis étaient des coquilles vides, mais ce qui l’intéressait, c’était le nombre de sigles de partis venus former une coalition avec le parti du Président de la République. Un moyen de justifier les résultats gonflés en faveur de ceux qui sont au pouvoir.
Quant au tout fraichement élu enfin, le Président de la République Me WADE, il avait présidé un meeting d’investiture à la députation. Dans son discours, il avait loué le prétendu courage des jeunes qui avaient créé leur propre parti. Avait-on besoin de courage maintenant pour créer un parti ? Cette nouvelle flopée de partis « coquille vide », dont la création a été inspirée et encouragée par le nouveau Chef d’ l’Etat, obéissait au même besoin qui avait poussé le bras droit de Abdou DIOUF, à susciter la naissance de nouveaux partis, prévision en rapport avec la nécessité de justifier les résultats à la soviétique pour masquer le bourrage des urnes aux futures élections.
Dans l’espoir de faire bondir de plaisir les citoyens qui ne supportent plus les tentations de chefs d’Etat qui, une fois au trône font tout pour y demeurer le plus longtemps possible, je cite ci-dessous deux passages d’une lettre ouverte que j’avais destinée au Président Macky Sall en priorité, le 10 février 2015 :
« Depuis que vous avez rendu public votre intention de procéder à une réforme constitutionnelle, où la durée du mandat présidentiel de sept ans sera remplacée par un mandat de cinq ans renouvelable une fois, des palabres incessants se font entendre dans les grand‘places, les autobus, les ateliers, les bureaux, les salons, et j’en passe à ce sujet. Rien à voir avec un mandat de sept ans renouvelable. Bravo ! Et ce qui en rajoute à votre mérite, est que vous avez précisé que cette réforme constitutionnelle sera rétroactive, donc applicable à votre propre mandat en cours »…
« Je peux me tromper, mais je pense que vous n’aviez pas perdu de vue en révélant votre intention sur la durée du mandat présidentiel, que vous ne susciteriez pas que des approbations partout au tour de vous. Je me réserve d’expliciter ma pensée, pour ne vexer personne. En tout cas, je vous souhaite du courage et de la détermination, face à ceux sans doute nombreux autour de vous qui tenteraient de vous pousser à faire du « waxwaxeet ».
Ce fameux waxwaxeet dont le Président WADE est l’auteur, qui l’avait beaucoup discrédité. Voilà un chef d’Etat qui reconnait implicitement entreprendre des démarches, avec la complicité des institutions qui ont habitué notre pays à les voir faillir à leur mission d’imposer sa candidature pour un troisième mandat, de trop.
Malheureusement, pour lui, il n’en a tiré qu’une défaite aux élections auxquelles il avait participé par la force.
Penser que les moyens qui permettent d’imposer sa candidature pourtant légalement irrecevable, peuvent permettre d’imposer sa victoire, ça ne marche pas au Sénégal. Maître WADE qui avait une fois déclaré qu’il atteint tout ce qu’il vise, s’était donc lourdement trompé. Ces fans, dont je faisais parti, ne lui avaient pas souhaité une sortie humiliante, comme son départ du pouvoir.
Je souhaite au Président Macky Sall une meilleure fin de règne. Je lui recommande de s’en tenir à ses déclarations citées plus haut, qui avaient rendu plus d’un à être fier de lui. Qu’il n’écoute pas certains de son entourage qui assimileraient son départ du pouvoir à leur malheur, qui ne ménageront aucun effort pour le pousser à tenter un troisième, voire quatrième mandat.
Me Wagane FAYE
16.08.2022