La vente d’un bien immobilier du domaine privé de l’Etat est soumise à une autorisation législative
Les conditions de cession de trois hectares du terrain de l’hôpital Aristide Le Dantec soulèvent, à mon sens, deux problématiques : l’autorisation législative préalable et l’autorité administrative compétente pour procéder à la vente du bien domanial.
La vente des terrains du domaine privé immobilier de l’État doit être autorisée par une loi
Considérons que les trois hectares à céder sont distraits d’un terrain dépendant du domaine privé immobilier de l’État, c’est-à-dire d’un terrain qui fait l’objet d’un titre foncier au nom de l’État sénégalais [1].
La vente des terrains à mettre en valeur doit être autorisée par une loi conformément à l’article 41 de la loi n° 76-66 du 02 juillet 1976 portant Code du Domaine de l’État. Les dérogations prévues par le législateur ne concernent que les organismes créés en vue du développement de l’habitat (article 41, paragraphe 1 du Code).
La propriété des immeubles non affectés consistant en terrains mis en valeur ne peut être transférée qu’en vertu d’une loi (article 42 du Code).
C’est ainsi que, dans le passé, en application des dispositions des articles 41 et 42 du Code du Domaine de l’État, le législateur a voté, en matière de transfert de la propriété de terrains relevant du domaine privé de l’État, les textes ci-dessous :
- la loi n° 87-11 du 24 février 1987 autorisant la vente de terrains domaniaux destinés à l’habitation situés en zones urbaines,
- la loi n° 94-64 du 22 août 1994 autorisant la vente des terrains domaniaux à usage industriel et commercial,
- la loi n° 95-12 du 07 avril 1995 autorisant la vente du domaine privé immobilier bâti de l’État à usage d’hôtels ou de réceptifs touristiques et de ses dépendances,
- la loi n° 2017-31 du 15 juillet 2017 autorisant la cession définitive et à titre gratuit de terrains domaniaux à usage d’habitation.
L’aliénation des terrains à mettre en valeur a lieu de gré à gré ou par voie d’adjudication
Le législateur n’est pas explicite sur la procédure de cession de gré à gré qui, à mon avis, devrait être précédée d’une publicité permettant une mise en concurrence. Quant à la vente par voie d’adjudication, elle est « réalisée aux enchères publiques ou par le procédé combiné des enchères verbales et des soumissions cachetées, avec obligation de mise en valeur… » (article 41 du Code).
En résumé, le transfert de la pleine propriété du sol à une personne privée ne peut être opérée qu’en vertu d’une loi spéciale complétée par un décret fixant les conditions particulières de la vente et ses caractéristiques essentielles.
La Direction des Domaines du ministère chargé des Finances est compétente en matière d’alinéation des biens domaniaux
Sur le site web du Fonds Souverain d’Investissements Stratégiques (FONSIS SA.), il est publié, depuis le 2 juin 2022, un appel à manifestation d’intérêt intitulé « Avis de vente de 3 hectares dans le cadre du projet de reconstruction de l’hôpital Aristide Le Dantec ». Par ailleurs, il ressort d’un article de presse que le projet est piloté par le Directeur général du FONSIS. On se demande quelle est la disposition du Code du Domaine de l’État ou toute autre disposition législative spéciale qui autorise le FONSIS à publier un avis de vente d’une partie du terrain de l’hôpital Le Dantec et à piloter le dossier de vente.
Dans le droit en vigueur, c’est le ministère des Finances qui est compétent en matière de vente des biens domaniaux. En effet, l’aliénation des biens du domaine privé est effectuée par la Direction chargée des Domaines qui en recouvre le prix de la vente. Sauf l’existence d’une disposition législative expresse, l’intervention directe du FONSIS, dans la procédure de vente d’une partie de l’hôpital Le Dantec, serait illégale.
Mamadou Abdoulaye Sow est Inspecteur principal du Trésor à la retraite
[1] Selon le site Web de la Direction Générale des Impôts et des Domaines, « le « domaine privé » comprend les immeubles immatriculés au nom de l’Etat ne constituant pas les dépendances du domaine public : immeubles affectés nécessaires au fonctionnement des services de l’Etat, terrains non affectés susceptibles d’être attribués à des particuliers dans des conditions conformes à l’intérêt général en vue de la réalisation de projets à caractère économique, social ou culturel ».