Le gouvernement a finalement été formé après des mois de louvoiement. On craint que le combat ne soit perdu avant d’être livré. Le choix de Amadou Ba, socialiste puis libéral, a suscité moins de vagues que ne l’a été le parachutage de Amadou Mame Diop à la tête de l’Assemblée nationale. Les deux hommes ont au moins un trait commun. Ils semblent placides et épris de paix. Voire taciturnes. C’est à la veille du combat que le samouraï acquiert la sérénité, pour reprendre le trait d’esprit d’un chef d’Etat en exercice.
L’équipe de Amadou Ba pourrait bien se battre contre les moulins à vent. Le Sénégal va au gré du vent. La déconfiture sociale cache la forêt de complexités. La crise d’autorité a fait exploser toutes les digues. Chaque génération est un nouveau peuple. Ce dernier est laissé à lui-même. Il n’a plus la joie de vivre. Les attitudes de survie ont pris le dessus. Le ministère des loisirs augmentera l’oisiveté. Prélude à l’anarchie, le sauve-qui-peut en cours est un dossier brûlant sur la table. Comment l’enrayer ? L’idéal était de resserrer, d’optimiser. On a préféré les nombreux ministres. Un gouvernement de quantité ajoute à la confusion. Un gouvernement de qualité garantit la vitesse d’exécution. Il délivre mieux. Le limogeage de Matar Ba n’a pas été apprécié de tous. Mais c’est l’une des meilleures nouvelles de ce remaniement. Huit années au ministère des Sports l’ont usé. Il avait fini par avoir une relation d’habitude avec ce département. Les bons réflexes disparaissent avec les records de longévité. Amadou Ba a choisi ses titulaires. Il aurait besoin d’une dream team au moment où un fleuve de colère est en train de sortir de son lit.
Le calice jusqu’à la lie. L’épée de Damoclès de la déchéance. Les strapontins de Barthélémy Dias seraient gravement menacés. Son dossier a été instrumentalisé dès le début. C’est flagrant. Ironie de l’histoire, il s’est rabiboché avec les commanditaires. Le marigot politique est cynique. Mais qui peut imaginer qu’il perde tous ces fromages d’un seul coup ? Il faut se garder de faire feu de tout bois. La situation est trop tendue. En revanche, le premier magistrat de la ville de Dakar serait bien inspiré de sortir au plus vite de la position classique de cumulard pour se dédier exclusivement à la capitale. La porte océane de l’Afrique a été sabotée. Elle est une écurie d’Augias à présent. Elle est délabrée et débraillée. Senghor n’avait pas bien consulté les oracles. Dakar n’est point comme Paris en 2000 encore moins en 2022. La fonction de maire est une noblesse. Elle est éminemment technique. Cette ville sera bientôt inhabitable. Elle n’invoque ni un pitbull ni une cigale à sa tête. L’institution attend le dur labeur de la fourmi et la finesse de l’artisan qui prend grand soin de la porcelaine.
Les éléphants dans le magasin de porcelaine ont dévasté l’Afrique. Le pognon de dingue en CFA de l’ancien président de l’Assemblée nationale gabonaise, un coffre ambulant, nous dit au moins trois choses. Primo, les séquelles de l’esclavage et de la colonisation sont toujours vivaces. Deuxio, le CFA, dernière monnaie coloniale en circulation dans le monde est par trop corruptogène. Tertio, la plupart des dirigeants africains ont fait du sang de leur peuple des paillettes d’or. L’Afrique des problèmes défile sous nos yeux. L’Afrique des solutions est encore chimérique. Les Sénégalais en particulier, les Africains en général espèrent l’Eldorado. Ils habitent encore dans des contrées remplies de bobos.