Site icon Senexalaat

Contre Le Cumul Des Mandats Et Fonctions Politiques

Contre Le Cumul Des Mandats Et Fonctions Politiques

Loin d’être un poncif ou une simple clause de style, l’affirmation que notre pays et l’ensemble de la sous-région ouest-africaine sont à la croisée des chemins traduit une réalité tangible. La flambée des prix des produits de première nécessité, du ciment, du carburant, la faillite des systèmes publics de santé et d’éducation, l’étouffement de l’agriculture familiale, de l’élevage et de la pêche artisanale, les inondations récurrentes, les accidents meurtriers de la circulation, les transports publics exsangues, l’insécurité́ endémique, etc., frappent avec une extrême violence les ménages populaires des villes et des campagnes. Dans le même temps, la bourgeoisie néocoloniale bureaucratique et compradore, boulimique et arrogante, alliée aux forces obscurantistes, s’enrichit éhontément par le pillage des ressources foncières, la mise en coupes réglées du pays au profit de ses maîtres impérialistes, les trafics, la création de fonds secrets et « d’institutions » dont la seule fonction est l’entretien d’une clientèle politique parasitaire. La perspective de l’exploitation prochaine du gaz et du pétrole dans notre pays aiguise les appétits et corse le tableau.

Ceci exacerbe les contradictions entre l’impérialisme, notamment français, ses suppôts au pouvoir, leurs alliés d’une part, et d’autre part le peuple, notamment la jeunesse écrasante majorité́ de la population et les travailleurs. La jeunesse sénégalaise et plus largement celle ouest-africaine désigne de plus en plus massivement la France et les régimes néocoloniaux à sa botte comme la cible de son combat. L’Afrique de l’Ouest est aujourd’hui un champ clos de rivalités entre puissances étrangères et d’exactions des diverses fractions de la nébuleuse « djihadiste ». Elle voit la naissance d’une puissante vague montante transnationale, panafricaniste, patriotique et démocratique portée par la jeunesse ouest africaine contre l’impérialisme français et les forces rétrogrades obscurantistes. De nouvelles forces politiques et sociales se dressent en Afrique de l’Ouest avec des leaders surgis hors du champ de la vieille «classe politique» rompue aux manœuvres et combines politico- bureaucratiques. Ces nouvelles forces patriotiques ont certes des insuffisances liées à leur nature de classe mais elles s’inscrivent dans le nouveau courant anti-impérialiste, panafricaniste et démocratique qui grandit et se renforce.

La gauche révolutionnaire ouest-africaine est au défi d’orienter ce courant pour rompre avec le cycle des « alternances démocratiques » ou « putschs militaires/transitions », confinés dans le champ néocolonial, qui suscitent de formidables espérances populaires suivies de terribles désillusions, tel un éternel parcours de Sisyphe. Relever ce défi est la condition déterminante pour parachever le processus vers l’indépendance nationale véritable, la démocratie, la justice sociale et l’unité́ africaine, à travers la combinaison judicieuse des batailles électorales et des mobilisations populaires.

Notre sous-continent est ainsi devenu une zone des tempêtes qui concentre les contradictions fondamentales de notre temps. Elles ne seront résolues victorieusement par les forces populaires que si celles-ci osent se remettre en cause pour rompre le consensus présidentialiste néocolonial et faire avancer avec esprit de suite et détermination les combats pour l’indépendance nationale, le panafricanisme, la démocratie et la justice sociale. Au Sénégal, les défaites électorales cuisantes infligées à la coalition BBY aux dernières locales et législatives s’inscrivent dans cette direction. Elles amorcent le processus irrésistible d’effondrement du régime.

La question du cumul des mandats est un exemple des ruptures nécessaires d’avec le système présidentialiste néocolonial. Celui-ci s’appuie sur un réseau de barons indéboulonnables concentrant et cumulant les postes de responsabilités, les rémunérations et avantages durant parfois des décennies. Ces potentats locaux enrichis par le détournement de l’argent du contribuable cumulent les mandats, les fonctions exécutives et législatives ainsi que les rémunérations et avantages qui y sont attachés (immense parc de voitures de luxe utilisées à des fins privées, carburant, téléphone, signes extérieurs de pouvoir très appréciés par la Nomenklatura néocoloniale au pouvoir). Ce réseau constitue l’appareil du pouvoir qui maille le territoire de fiefs et prétendus « titres fonciers ». La déroute du pouvoir aux dernières élections locales et législatives va considérablement ébranler ce dispositif.

Yoonu Askan Wi/Mouvement pour l’Autonomie populaire a toujours exprimé son opposition radicale au cumul des mandats et fonctions. Pastef a inscrit à l’article 7 de ses nouveaux statuts, « le cumul de fonctions et/ou de postes au sein d’une structure, d’une instance ou d’un organe est interdit ». La coalition Yewwi Askan Wi s’est engagée, à l’article 17 de son Programme de législature (« Sémb Ngomblaan gi »), à « interdire le cumul de mandats et de fonctions pour les Ministres et les présidents de Conseil de collectivités territoriales ». Le Programme Jotna de la Coalition Sonko président (présidentielle de février 2019) prônait clairement « l’interdiction de tout cumul de mandats électifs et de fonctions ».

« Un seul mandat électif, une seule fonction exécutive , une seule rémunération »

Les maires, adjoint(e)s au maire, président(e)s et vice-président(e)s de conseils départementaux ne devraient pas détenir de mandat parlementaire. Le maire élu député́ devra renoncer au mandat de député́ ou démissionner de sa fonction exécutive de maire. La même obligation s’exercera pour la fonction de président(e) ou de vice-président(e) de Conseil départemental, incompatible avec l’exercice d’un mandat législatif. Les chantiers gigantesques d’une gestion municipale de type nouveau exigent une mobilisation pleine et entière des maires et ne peuvent s’accommoder d’un travail à mi-temps. De même, un député́ qui assume pleinement son mandat législatif ne devrait pas être en mesure de présider un Conseil départemental ou un Conseil municipal. La mise en œuvre de ce principe par tous les élus de la coalition YAW permettra d’accélérer le renouvellement du personnel politique et d’assurer une meilleure répartition des responsabilités. Elle devra être combinée à une politique active de formation pour mettre très rapidement les nouveaux élus en position de défendre efficacement les intérêts nationaux et populaires. Ceci favorisera l’accélération du rajeunissement et la féminisation accrue du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi. La limitation du cumul des mandats constitue une pierre de touche de toute politique de rénovation effective de la vie publique. Elle est un élément majeur pour la restauration de la confiance des citoyens envers les élus qui défendent leurs intérêts. Cette question interpelle vigoureusement tous les dirigeants et membres de la coalition YAW qui sont en position de cumul de mandats, Barthélémy Dias et Ahmed Aïdara notamment.

Le groupe parlementaire YAW qui vient d’être constitué devrait élaborer une proposition de loi pour l’interdiction du cumul des mandats parlementaires, des fonctions exécutives locales et des rémunérations et avantages. De même, il devrait préparer une proposition de loi pour reconnaître le droit de vote des ressortissants de la CEDEAO aux élections locales dans les circonscriptions où ils résident. Ceci contribuera à poser les bases de l’intégration sous-régionale par les peuples, et de la citoyenneté ouest-africaine, de lutter contre les préjugés xénophobes. Également des propositions de loi pour limiter le nombre de mandats consécutifs, pour bannir les conflits d’intérêts, règlementer l’utilisation des fonds secrets et interdire formellement leur usage à des fins d’enrichissement personnel ou de financement opaque de partis politiques. Les députés de YAW devraient proposer la réduction drastique du parc automobile de l’Assemblée nationale en mettant en place un pool de véhicules réservés aux missions des députés. La réduction du parc automobile permettrait de doter les services techniques de l’État de véhicules dont manquent cruellement les zones rurales notamment (ambulances, véhicules de terrain pour l’agriculture, l’éducation nationale, etc.). Elles pourraient aussi de mettre à la disposition de chacun des groupes constitués une équipe d’assistants parlementaires. Ces chantiers doivent prendre le pas sur la bataille engagée par YAW pour la criminalisation de l’homosexualité́.

Mamadou Aliou Baldé est sympathisant de Pastef, Parcelles Assainies.







Quitter la version mobile