La mort de Mikhaïl Gorbatchev est venue nous rappeler à quel point le monde et le rapport des forces ont changé ces trente dernières années. Cette figure politique qui a marqué la fin de l’Union soviétique divise plus que jamais.
Certains l’adulent pour avoir marqué une bascule historique, la fin de la guerre froide. D’autres, en Russie, lui reprochent d’avoir fait perdre sa grandeur au pays. Une puissance que cherche à restaurer l’ancien agent du KGB Vladimir Poutine, avec une offre politique qui semble figurer, vue d’Afrique, une alternative au modèle occidental.
Pèlerinage à Moscou
Que le continent cherche une alternative à l’Occident n’a rien de problématique en soi, à condition qu’il cultive sa propre vision et qu’il ait le courage d’admettre et surtout de soigner ses propres fragilités. Polariser l’attention sur l’autre, l’ancien colon européen maintenant en difficulté avec la Russie, mobilise tellement qu’il se trouve des Maliens pour aller en pèlerinage à Moscou ! Et des taxis dans les rues d’Abidjan pour afficher le portrait de Poutine, comme s’il s’agissait de prendre une revanche imaginaire sur l’ancien colonisateur…
De son côté, la France rend à l’Afrique des objets d’art pillés pendant la colonisation, monte une commission paritaire d’historiens – annoncée lors du voyage d’Emmanuel Macron en Algérie –, va certainement en monter d’autres ailleurs, comme si ces gestes pouvaient tenir lieu de reformatage d’une relation France-Afrique que chaque président français prétend « refonder », sans que les fondations ne bougent vraiment.
La plupart des pays « partenaires », « traditionnels » comme « émergents », organisent sommets et quantité de forums, où les dirigeants africains se rendent la main tendue, offrant, pour certains, un spectacle désolant. Dans ces espaces où rien ne se passe, le Japon critique, comme lors de la dernière Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad), l’endettement des pays africains auprès de la Chine.
Autrement dit, les grands se parlent entre eux, par Africains interposés. Que faut-il en retenir ? Il est possible d’accéder à des financements auprès de bailleurs de fonds prêts à fermer les yeux sur la corruption. Ce sont finalement eux qui décident quoi faire de l’Afrique, alors que les Africains n’ont guère une nette conscience de quoi faire d’eux.
Revanche sur l’Occident
La perception dominante en Afrique francophone est celle-ci : des gens que nous avions cru vaincus, les Russes et les Chinois, sont en train de prendre leur revanche sur l’Occident, de renverser l’ordre établi et l’horizon quasi mystique et indépassable du néolibéralisme.