La Présidentielle de 2024 a été véritablement lancée ce jeudi 28 septembre. Le chef de l’Etat a enfin demandé à son garde des Sceaux d’examiner les possibilités d’amnistie des personnes ayant perdu leurs droits de vote. C’est un tournant. Une redistribution de cartes comme à la belote. Un supplément d’âme et d’humanité. Khalifa Sall, Karim Wade et tous ceux qui sont déjà déclarés, de même que ceux qui s’apprêtent à le faire seront éligibles à la prochaine élection après le filtre du parrainage. L’élection ne sera plus une élection à la carte comme on l’a soupçonné en 2019. Ce faisant, on voit mal le président de la République entrer en compétition quels que soient par ailleurs les enjeux pétroliers et gaziers. Macky Sall a fait un pas dans la bonne direction.
Le pays est trop divisé. Il a besoin d’apaisement et de maïeutique. Le chef de l’Etat donne un signal positif sur ses intentions. Il se préparerait à la sortie. C’est une lucidité et une clairvoyance. Le Sénégal ne peut plus se payer le luxe d’un nouveau mélodrame sur le troisième mandat. Il ne faut surtout pas s’aventurer comme Maître Wade qui joua avec le feu et s’y brûla les ailes. Le Président nigérian Muhamadu Buhari a encore tancé ses homologues ouest-africains réfractaires qui tripatouillent les constitutions et fomentent des coups d’Etat constitutionnels.
Le Président Macky Sall a fait du mieux qu’il a pu de ses magistères. Une bonne étoile a tissé son destin. Chaque compatriote doit lui souhaiter autant d’honneurs que de bouquets de fleurs quand sonnera le glas. Avec Khalifa et Karim, il est peut-être allé trop loin sans doute pour sécuriser le second mandat. L’opposition en était réduite à sa portion congrue. Faire le vide, c’était habile politiquement. Mais ce fut un recul net et clair de l’Etat de droit et de la démocratie. Il y a l’usufruit dans l’immédiat et l’effet boomerang plus tard. Les extrêmes, les radicaux et les pitbulls ont fini par combler la vacuité sidérale. Ousmane Sonko, Barthélémy Dias et les autres sont peut-être incommodes mais ils ont le vent en poupe et sont bien debout. La preuve est là. Ils ont mis la majorité en ballottage. Du jamais vu à l’Assemblée. Un autre caillou dans la chaussure au sein de l’hémicycle. Aminata Touré Mimi a été elle-même implacable et pauvre de sentiments avec les opposants dans la traque des biens supposés mal acquis. Elle pourfend aujourd’hui les manœuvres dilatoires du régime. Il faut lui accorder au moins le courage de refuser d’être un mouton de Panurge.
Les têtes d’affiche de la politique sénégalaise sont aussi décevants et malhabiles que les chauffards qui abrègent les vies sur les routes cahoteuses et macabres. L’explosion du parc automobile est un grave facteur d’accidents, de pollutions et d’embouteillages. Comment un pays qui respecte la vie en arrive-t-il à déverser autant de vieilles guimbardes et d’engins de la mort sur son sol ? La société est polytraumatisée. L’accès à la voiture est trop facile chez nous. Il faut corser les procédures d’acquisition entre autres mesures.
Avec le bateau le Joola, on devait mettre le holà. Mais c’est le bla-bla et le saupoudrage qu’on a eus à la place. Le Sénégal est un champion en matière d’incivilités. Le prochain Président aura fort à faire. Il fera beaucoup de gestion de crises. La haute responsabilité au Sénégal est un cadeau empoisonné. « Le monde bouge. Le monde change. Nous ne sommes plus ce que nous étions. Nous ne sommes plus nous-mêmes ». L’enfant noir de Camara Laye (1953) nous rappelle qu’on s’est infantilisés tout seuls. La reddition des comptes passe par pertes et profits. L’amnistie et l’amnésie ont définitivement une relation de consanguinité. Bonnet blanc et blanc bonnet. Pouvoir ou opposition. Les Sénégalais n’aiment pas l’arbitraire et ne supportent pas l’injustice.